Photographie , arme de classe : " Regards " sur la naissance du photojournalisme au Centre Beaubourg .
Publié le 21 Janvier 2019
« Photographie, arme de classe », c’est ainsi que le journaliste Henri TRACOL(1909-1997) ouvre son texte manifeste destiné à fédérer la section photographique de l’Association des Ecrivains et Artistes Révolutionnaires (AEAR). L’association fondée en 1932 à Paris, dans un contexte de montées des crispations politiques, économiques et sociales, rassemble à côté d’autres branches du front artistique et culturel (théâtre, chants, cinéma, littérature, peinture, etc.), les photographes parmi les plus engagés de l’avant-garde parisienne : Jacques-André Boiffard, Henri CARTIER-BRESSON, CHIM, André KERTESZ, Germaine KRULL, Eli LOTAR, Willy RONIS, René ZUBER, et bien d’autres encore. Aux côtés d’amateurs ou d’ouvriers qu’ils accompagnent dans leur pratique de la photographie, ces derniers ont expérimenté un langage à la croisée du discours critique, du geste militant et de l’esthétique du documentaire. Ils se sont appuyés sur les exemples soviétique et allemand tout en poursuivant une voie propre au contexte social et politique français.
Organisée à partir de la collection des photographies du Musée national d’art moderne, cette exposition est le fruit d’une intense collaboration scientifique de près de trois ans associant de jeunes chercheurs du Labex Arts-H2H et le Cabinet de la photographie du Musée. Les recherches visant à identifier et à contextualiser les photographies sociales de la collection Christian BOUQUERET acquises en 2011 (sept mille tirages environ) viennent combler un manque dans l’histoire de la photographie de l’entre-deux-guerres en France.
Le projet met ici de côté le répertoire du Front populaire et les icônes de la guerre d’Espagne qui résument encore aujourd’hui largement l’idée d’engagement pour l’époque. La période qui précède ces deux moments majeurs de la décennie est un véritable laboratoire du regard social et engagé, dont il reste à écrire l’histoire.
J'ai appris l'existence de cette exposition - entrée libre - par le journal local de FR3 deux jours avant mon départ de Paris. Je m'y suis donc précipité, un peu dubitatif sur ce que j'allais y rencontrer et je vous avoue que je ne l'ai pas regretté . Bien sûr, je pense que mon regard est " différent " de celui d'un intellectuel gauchiste , d'un journaliste " engagé " ou d'un artiste photographe mais cela prouve que cette exposition peut-être abordée sous divers angles tout comme une photographie ...
Voici donc la " substantifique moelle "de ce que j'ai pu retirer de cette visite. Il vous reste encore 15 jours pour la visiter, c'est en plus gratuit et cela se trouve au sous-sol du Centre BEAUBOURG jusqu'au 4 Février 2019 .
Je termine l'article demain, mais d'ors et déjà voici quelques bijoux de cette exposition que je compléterai par mes impressions.
" VU " et " REGARDS " inaugurent avec une étonnante modernité éditoriale, au delà de l'engagement politique Marxiste très marqué à gauche , les périodiques de photoreportage modernes comme " LIFE Magazine " ( dans sa version photoreportage ) , " PARIS-MATCH " en France ou " MANCHETE " " O CRUZEIRO " lancé en 1928 au Brésil par exemple. C'est un format auquel nous sommes habitué mais dont la modernité plus de 80 ans après nous surprend encore, ne serait ce que par l'angle et la variété des thèmes abordés. Comment penser que la situation des paysans Japonais dans les années 30 ou les révolutions et guerres en Amérique Latine puissent être étudiées de nos jours sans consulter ces revues ? Ces deux magazines inspireront directement " SIGNAL " et " YANK " durant la seconde guerre mondiale .
Cette exposition présente des perles comme un fond photographique sur les " événements " du 6 février 1934 dont l'actualité n'est plus à démonter , un reportage à Berlin en 1935 où l'on voit des officiels Nazis - Arbeitsfront peut-être - en train de regarder la maquette de ce qui ressemble beaucoup à un baraquement de camp de concentration - avec des prisonniers à l'échelle - ainsi qu'une carte administrative du IIIéme Reich , une étude de la fabrication de l'affiche constructiviste de Jean CARLU sur le désarment et ce quelques jours après la polémique d'une illustration de Le Monde ... J'y ai même trouvé la preuve , je le savais , que le " Bikini™ " ne fut pas inventé en 1945 mais existait déjà en... 1935 !
Je vous invite enfin à regarder les films proposés à la projection dont ce reportage de la section du PCF de COLOMBES qui nous décrit un départ en colonies de vacances à la campagne d'enfants de chômeurs en 1935 . " Colonies de vacances " décrit le départ des enfants dans l' Yonne depuis la ville de COLOMBES : Quatre-vingt ans après les " petites têtes blondes " ont bien changé ... Un film qui fait l'éloge sept années avant le Maréchal Philippe PÉTAIN de la ' terre qui ne ment pas " , d'une vie au grand air très " freikörperkultur " et aux plans Riefensthaliens ... Un autre petit fillm fait l'éloge du " localisme " et dénonce les intermédiaires pour plaider une logique commerciale producteur-consommateur . Un régal . https://parcours.cinearchives.org/Les-films-565-742-0-0.html
Précédent de quelques années la parution de " Vu " et " Regards " , la revue " O Cruzeiro " va adopter dans les années 30 une thématique directement inspirée du photoreportage politique , social et sociétal Français .
" L'enfant au drapeau " Le National-Communisme du PCF , une réalité aujourd'hui oubliée par la gauche Française .
Itsi bitsi petit Bikini™ : Déjà en 1935 sur les bords de la Marne ... Un vêtement de loisir plébéien par excellence dés le milieu des années 30 .
Des officiels Nazis examinent une maquette de ce qui semble être un camp de concentration lors d'une exposition à Berlin en 1935 .
Je vous propose ici deux liens qui expliquent les bases de cet art politico-affichiste et qui vous permettront de faire de l'agit-prop , pour les #GiletsJaunes par exemple :
https://creativepro.com/russian-constructivism-and-graphic-design/
https://design.tutsplus.com/tutorials/create-a-constructivist-inspired-poster--psd-92
La ripoublique des copains et des coquins ou " A la bonne soupe " : un antiparlementarisme de bon aloi signé André BRETON . Je trouve le portrait de Richard FERRAND particulièrement bien réussi .