Sean CONNERY . Profession : Moine-soldat !
Publié le 3 Décembre 2020
C'est une nécrologie que j'avais voulu publier il y a déjà un mois mais que des contraintes personnes personnelles, de temps et d'actualité ont retardé .
J'avais déjà évoqué dans les colonnes de blogue la mémoire de Jean ROCHEFORT au travers de ses rôles de militaires .
C'est une démarche semblable que j'entreprends de manière modeste avec Sean CONNERY . Jouer un rôle militaire est certainement l'un des rôles de composition les plus difficiles si l'on veut échapper aux stéréotypes du genre , à la sycophantie gauchiste ou au panégyrique militariste . C'est d'autant plus difficile lorsque ce personnage est un personnage historique : Le rôle du général de GAULLE est un cas d'espèce .
Sean CONNERY a interprété trois grands rôles de militaires dont l'un a été un personnage historique , le général Robert " Roy " URQUHART qui a commandé la 1ére Division Aéroportée Britannique lors de l'opération aéroportée " Market Garden " sur ARNHEM et les ponts du Rhin du 17 au 25 septembre 1944 .
Il existe un fil conducteur à ces trois rôles de militaires : Ce sont des militaires en rébellion contre l'institution militaire puisque l'un deux est un militaire condamné au bagne , le troisième déserte son pays et le second est un officier général qui critique les décisions de ses chefs .
Le premier rôle est celui de Joe ROBERTS dans " La colline des hommes perdus " - " The Hill " de Sidney LUMET en 1965 . L'action se déroule dans un " Biribi " Britannique en 1942 dans le désert de Libye . Sean CONNERY et quatre de ses camarades y sont envoyés pour avoir volé ou refusé de se battre , Sean CONNERY en cognant sur son supérieur . Il s' y opposera dans le cadre d'une révolte à la cruauté de ses geôliers . Le genre de film de guerre devient celui où des militaires d'un même camp s'affrontent au lieu d'affronter un adversaire d'une autre armée pour faire prévaloir la justice face à l'arbitraire . L’idée d’adapter La Colline des hommes perdus (1965) vient de Sean CONNERY lui même qui venait de tourner trois "James BOND " et souhaitait ne pas se trouver enfermer dans ce rôle, c’est pourquoi il a proposé l’idée à Sidney LUMET . Le nom du film vient d'une colline de sable au milieu du fortin que les détenus sont obligés de gravir à titre de châtiment . C'est aujourd'hui considéré comme l'un des plus grands films antimilitaristes avec " Les sentiers de la gloire " avec en particulier les images des visages des géôliers hurlants filmés en contre plongée ( voir le second plan de l'affiche du film ) . L'aspect le plus subversif de ce film provient bien du fait qu'au lieu de combattre unis l'ennemi comme le voudrait la morale militaire et patriotique , ces militaires s'affrontent jusqu'à la mort au sein du même camp .
Le second film est " Un pont trop loin " ( 1977 ) de Richard ATTENBOUROUGH . C'est le film de guerre " classique " de cette époque , tout à fait dans la lignée de " La bataille de MIDWAY " ( 1976 ) . Comme toute les productions de cette veine il regroupe une pléiade de stars qui font - il faut le signaler - l'immense effort de rester dans le rôle du personnage historique qu'ils incarnent tout en y ajoutant leur talent mais aussi l'interprétation qu'a le réalisateur de cette bataille . Richard ATTENBOUROUGH est en effet connu pour avoir été un pacifiste et ce film qui décrit une défaite , ou une " non-victoire " , le laisse clairement transparaître . Aux côtés de Sean CONNERY je signalerai l'immense Gene HACKMAN dans le rôle du général Polonais Stanislaw SOSABOWSKI et sa tirade " Que Dieu bénisse le général MONTGOMERY " au moment où il saute en parachute , à interpréter de manière ironique bien sûr .
Sean CONNERY y interprète le rôle du général Robert " Roy " URQUHART qui d'officier d'Etat-Major devient officier commandant de troupes sur le terrain et apprend le saut en parachute . Tout comme le rôle joué par Gene HACKMAN , Sean CONNERY y joue un officier général proche de ses hommes sur le terrain très critique des plans de l'Etat-Major et ce dés la planification de l'opération où il s'aperçoit que la drop-zone qui est allouée à la 1ére DA se situe en dehors de la photographie de préparation . Au delà des scènes d'action où il est traqué dans ARNEHM au cours d'une tentative de liaison avec des unités parachutées en ville , je retiendrai ses allusions à son Ecossité lorsqu'il dit que " Dieu doit être Ecossais " ou quand il voit l'évacuation des positions sur le Rhin comme " une cornemuse qui se dégonfle " . Ce qui marque le film ce sont bien ses critiques répétées contre ses supérieurs et en particulier la scène finale avec ce dialogue vipérin qui résume assez bien son interprétation :
Lt. General Frederick "Boy" BROWNING ( Dirk BOGARDE ) : "They've got a bed for you upstairs, if you want it. "
Major General URUQUART ( Sean CONNERY ) : " I took 10,000 of our finest troops to Arnhem; I've come back with less than 2,000. I don't feel much like sleeping ! "
Certains critiques ont jugé Sean CONNERY " peu convaincant " dans ce film ! Peut-être justement car il se fait le porte-parole des jugements portés par les historiens - militaires - sur la planification et l'exécution de cette opération militaire que le véritable général URUQUART n'aurait jamais osé formuler . Mais n'est ce pas aussi là le rôle d'un grand film de guerre historique et le talent d'un acteur ?
Le troisième film c'est bien sûr " A la poursuite d'Octobre rouge " ( 1990 ) de John Mc TIERNAN où il incarne le rôle du commandant Marko RAMIUS . Si dans les deux films précédents Sean CONNERY interprétait un militaire en rébellion ou un officier général critique de ses supérieurs , il incarne dans ce film le tabou suprême dans le monde militaire : Un militaire qui déserte et qui " passe à l'ennemi " , avec une arme secrète qui plus est ! La boucle est bouclée . C'est bien sûr un tabou qui transcende les clivages politiques et les pays et le fait que ce traître - y compris pour la "bonne cause " - soit un officier Soviétique n'est pas le plus important !
Le journal Kommersant a d'ailleurs consacré un article à ce film lors du décès de Sean CONNERY . Il y relate comment l'ex-officier Valery SABLINE a essayé le 8 novembre 1975 de s'emparer d'un navire de la flotte de la Baltique , la frégate Storjevoï qui est devenue le Potemkine du Tsar rouge BREJNEV , afin de " restaurer le vrai Communisme " en URSS en ... Désertant à l'ennemi . Les parallèles avec le film " A la poursuite ... " existent sauf qu' à la fin de la vraie histoire Valéry SABLINE fut fusillé . La morale - militaire - est restée sauve !
Avec son immense talent Sean CONNERY a su interpréter de manière critique ces rôles de militaires et plus que de nombreux ouvrages il a su nous amener à nous interroger sur l'institution militaire . Il a su aussi interpréter l'immense de rôle du " moine des Lumières " , le frère Franciscain Guillaume de BASKERVILLE , dans le film " Le nom de la rose " ( 1986 ) de Jean-Jacques ANNAUD. Tout comme il a critiqué l'institution militaire aux travers de ses interprétations de militaires , son rôle dans ce film est critique de l'institution Eglise Catholique mais il nous amène à considérer que si cette institution a connu ses heures sombres avec l'Inquisition elle est source de libertés avec ses clercs qu'il cite . Dans ce film il rencontre l'immense Michael LONSDALE qui nous a aussi quitté quelques jours avant Sean CONNERY le 21 septembre 2020 et qui porta sur ses épaules le rôle de Frère LUC dans " Des hommes et des dieux " ( 2010 ).
Quels immenses talents humains nous ont quittés cette année et combien ils ont bien servi le 7éme art , l'institution militaire et l'Eglise Catholique ...