Publié le 31 Mars 2010
Il semble que l'époque des "petites réunions entre amis » sur l’Arctique touche à sa fin. C'est maintenant l’époque d'une grande réorganisation de l'Arctique et de l'Océan Arctique Glacial qui approche.
La récente rencontre du G-5 Arctique qui s'est tenue le 29 mars à Chelsea (Canada) a montré que les pays qui se bousculent à la porte de l'Arctique sont bien plus nombreux que ceux qui bordent cette région nordique. La Chine nottament et il est peu probable que quiconque ose l'empêcher d'accéder au pôle Nord. Puisque les choses évoluent rapidement vers le partage des immenses richesses naturelles de l'Arctique, on ne peut s'attendre à rien d'autre.
Il est temps de cesser de s'étonner du nombre de pays non riverains de l'Arctique qui font la queue pour obtenir leur part du gâteau, et cela ne concerne pas seulement ses richesses pétrolières et gazières. L'Arctique présente aussi une autre particularité naturelle exceptionnelle qui peut parfaitement être rapportée au domaine des "monopoles naturels". Avec le réchauffement climatique, les voies maritimes du Nord (celles du Canada et de la Russie) deviennent accessibles pendant une période de plus en plus prolongée. En cas de navigation ouverte durant toute l'année, la route maritime, disons de la Chine vers l'Allemagne ou de la Chine vers l'Est des Etats-Unis, se réduira d'environ 6000 à 7000 km (dans chaque direction).
Les Canadiens qui ont accueilli le 29 mars le groupe des cinq Etats côtiers de l'Arctique (la Russie, les Etats-Unis, le Canada, le Danemark et la Norvège) ont été critiqués par la Secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton. Cette dernière a déclaré qu'il ne convenait pas de se réunir à huis clos et de ne pas inviter l'Islande, la Suède et la Finlande ainsi que les peuples autochtones à ce genre de conférences.
Hillary Clinton a souligné que l'Islande, la Suède et la Finlande étaient aussi des pays arctiques et qu'ils avaient les mêmes droits aux ressources se trouvant sous les eaux, à la surface et dans les eaux de l'Océan Arctique que tous les autres participants à la conférence sur la coopération arctique prévue pour les 22-23 avril à Moscou. Il s'agit de la conférence "Arctique – Territoire du dialogue", un forum international sans précédent sur l'Arctique. Il sera le premier projet international de la Société géographique russe rétablie et l'Agence RIA Novosti sera son partenaire médiatique. La conférence portera sur les questions de mise en valeur et de prospection des ressources naturelles, y compris sur le plateau continental arctique, sur les activités environnementales et le développement de l'infrastructure du transport dans la région.
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a dû expliquer que le G-5 Arctique ne lésait nullement le Conseil de l'Arctique, qu'il n'était qu'un mécanisme informel en complément de celui-ci. Rappelons que le Conseil de l'Arctique (principale organisation régionale de l'Arctique fondée en 1996 à l'initiative de la Finlande) regroupe le Danemark, la Finlande, l'Islande, le Canada, la Norvège, la Russie, la Suède et les Etats-Unis. Le Conseil est une structure plus vaste que l'Arctique même. Parmi les "observateurs arctiques" du Conseil, on cite déjà la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Pologne, l'Espagne, la Chine, l'Italie et la Corée du Sud.
Ce n'est pas pour rien que les Américains ont fait des reproches aux Canadiens et défendu les pays qui n'ont pas été invités. Washington et Ottawa se disputent depuis longtemps les secteurs importants de la mer de Beaufort. N'importe quels alliés peuvent être utiles, surtout en prévision du partage de l'Arctique où presque tout le monde a des intérêts à défendre.
Les Danois se querellent depuis longtemps avec les Canadiens qui plantent constamment leur drapeau sur les secteurs danois du Groenland; les Canadiens en font de même avec les Etats-Unis; les Norvégiens réclament près de 175000 km2 de notre plateau continental de la mer de Barents et, quant à la Russie, elle ne parvient toujours pas à s’entendre avec les Etats-Unis sur le partage de la fameuse ligne Chevardnadze-Baker dans le Nord du Pacifique.
A présent, l'empire céleste scrute attentivement l'Arctique.
La Chine passe déjà, dans ses programmes scientifiques arctiques, de la théorie aux études appliquées. Pour ses missions polaires, elle dispose du plus grand brise-glace entièrement modernisé XueLong (ou le Dragon des Neiges). A propos, il avait été construit dès l'époque soviétique en Ukraine. La Chine ne prétend nullement aux richesses cachées sous le plateau continental arctique, car elle n'a pas les droits juridiques necessaires. Mais elle attend le moment où les pays riverains établiront un ordre juridique dans les mers polaires, introduiront des règles transparentes et compréhensibles de passage par leurs eaux et délimiteront les frontières, les champs de pétrole et de gaz, etc. La plus grande économie du monde pourra y investir, transporter ses produits via ces pays ou importer les leurs. Et il s'agit d'investissements vraiment fabuleux.
La Russie, le Canada, les Etats-Unis, le Danemark et la Norvège ont toujours réclamé, en se fondant sur leurs "droits héréditaires", tout ce qui se trouve dans le bassin de l'Océan Arctique. A présent, ils devront concerter les "revendications héréditaires". Et cela sera plus difficile que de découvrir le pôle Nord.