BPC Mistral : Un processus de désinformation .

Publié le 4 Avril 2010

Pour cette première contribution à Ice Station Zebra, il est proposé de voir comment une opinion publique peut être formatée. Il n'est pas de tenter de démontrer que c'est un processus volontaire voulu par un parti. Mais bien que, par des erreurs a priori sans incidence, on finit par déformer la réalité.

 

« L'affaire Mélenchon »

 

Daniel Besson se félicite du coup de sang du député Mélanchon contre le « journalisme ». Le président du parti français du Front de Gauche a eu une altercation d'une vigueur peu commune avec un étudiant en journalisme. La presse titre que le président de ce parti est contre la presse. Ce dernier ne se démonte pas, et pas plus tard que le soir du 1er avril, il se défend sur Canal +. Outre le fait qu'il défend sa personne et qu'il arrive à retourner la situation à son avantage, il s'attaque à une chose : le journalisme est nécessaire dans un système démocratique mais il est soumis à des exigences. Et là commence notre rapprochement avec l'objet d'étude de ce blog. Le député Mélanchon se plaint des approximations des journalistes. Par exemple, on l'appelle encore sénateur alors qu'il est député. C'est ce genre d'approximation qui est visé.  Si c'est humain de se tromper, les retombées de ce genre d'erreur ne sont ni anodine, ni innocente.

 

L'affaire du BPC

 

Cette affaire là, vous la connaissez bien. Ce que vous connaissez peut être moins, c'est les caractéristiques « véritable » de ce navire. On entend ici, non pas la vérité absolu mais plutôt les capacités d'un navire avancé par son constructeur, DCNS, et reconnu par son utilisateur, la Marine Nationale. Pourquoi vous pourriez connaître des faits erronés ?

 

Les BPC, combien de division ?

 

Commençons par le commencement. Combien de Mistral pourrez acheter la Russie ? Une information de la lettre d'information stratégique TTU reprise par Redstars (http://red-stars.org/spip.php?article271) note que, dès 2008, la Russie s'intéressait au BPC depuis le salon Euronaval de la même année. Que se passe-t-il ensuite dans la presse ? C'est très simple, la France pourrait vendre un BPC classe Mistral à la Russie. De 2008 à 2009 c'est presque exclusivement cette information qui est rapporté. Et pourtant... Dans la presse généraliste (européenne), l'information de la vente d'un navire unique fait son apparition ici ou là. Alors que dans la presse spécialisé, certains (et donc pas tous) font l'effort pour relever que ce serait l'achat de 4 à 5 navires. Et encore plus, qu'une grande partie serait construit en transfert de technologie en Russie. Il faudra attendre 2010 et la visite du Président Medvedev en France pour que « l'opinion médiatique » change radicalement. La majorité des acteurs découvrent ces fameux 4 à 5 navires. C'est presque incroyable, mais pendant presque un an et demi (de novembre 2008 à mars 2010) la réalité des différentes sources et informations était ignoré. La seule chose qui comptait, c'était la vente d'un navire. Et à la concrétisation des avancés de cette possible vente lors de la visite de Paris, les informations retenues éclate au grand jour.

 

Capacités d'un BPC

 

Il est tout aussi surprenant de trouver ce que la presse avance comme étant des capacités du Mistral. Ici ou là, on liera qu'il porte 6 hélicoptères. Dans d'autres publications qu'il transporte 450 hommes. Et même, qu'il « coûte » de 400 à 500 millions de dollar. Et encore mieux, le « sentiment général » diffusé en Europe de l'Est est que le Mistral permettrait l'invasion des Etats baltes ou de la Géorgie.

 

Dans la réalité décrite plus haute, celle reconnue par le vendeur et l'utilisateur, ces a priori sont aberrant. Ce ne sont pas des informations confidentiels défense. Le Mistral emporte 16 hélicoptères, et non pas six. Il est difficile de le voir avec 16 aéronefs sur le pont car il n'y a pas suffisamment de place sur le pont d'envol du Mistral pour manoeuvrer autant d'appareil.

Autre chose, il est souvent dit, quand c'est dit, que le Mistral peut emporter 450 hommes de troupe. C'est une information à prendre avec des pincettes. Que ce soit des marins français ou russe, ou tout autres personnes, pour ceux qui ont la possibilité de comparer les conditions d'hébergements de la troupe sur un navire amphibie,

il paraîtrait que le Mistral offre des conditions « confortables ». De sorte que, il peut être imaginable qu'en sacrifiant ce confort, il soit possible d'augmenter le nombre de soldats embarquables. Ce n'est peut être pas possible sur le Mistral déjà existant, mais il est possible de reconfigurer un autre avant sa construction. C'est un navire modulable. De plus, c!'est une hypothèse relayé par des comparaisons entre le Mistral et d'autres navires amphibies de même tonnage. Ce n'est qu'une hypothèse mais le nombre de 450 hommes est avancé par le constructeur. Tout comme pour un sous-marin on ne donne pas son immersion maximale, il est permis de douter que le Mistral a des ressources cachés.

Le prix du programme Mistral en France est intéressant. Le coût budgétaire est d'environ 600 millions d'euros selon la DGA... Pour le Mistral et le Tonnerre, soit 300 millions d'euros par navire ! Dans l'hypothèse du remplacement de la Jeanne d'Arc par un BPC, il était même envisageable de tomber à 130 millions d'euros par simple effet de série. Il ne faut pas confondre le prix « catalogue » d'un produit et le coût réel payé par le client. Les prix catalogues d'Airbus sont bien connus pour être négocié. Ce qui n'est pas connu, c'est l'écart entre le prix officiel et ce qui a été obtenu par le client. De plus, il est très difficile de comparer des prix aussi « différent ». Les 600 millions d'euros du programme précité sont 600 millions d'euros de 2006. Est-ce la même valeure en 2010 compte tenu, entre autre, de l'inflation ? Et encore plus coton comme comparaison, il faut tenir compte des fluctuations de monnaie. Le dollar de 2006 ce n'est pas non plus le même que celui de 2010.

 

Concernant la dernière « croyance médiatique »,  la chose est finalement amusante. Prenons un exemple. La Russie utiliserait le Mistral pour envahir les pays baltes. Une question doit vous tarauder. Prenez une carte : la Russie ne gagnerait-elle pas quelque chose à user de la frontière terrestre commune avec les Etats baltes plutôt que de faire un tour par la mer ? Une percée blindé russe a certainement plus de chances d'arriver plus rapidement à objectif plutôt qu'un périlleux tour à la mer d'un BPC russe.

 

Quand la croyance dépasse l'analyse rationnelle. . .

 

Pour conclure

 

Comment est-il possible d'arriver à autant déformer les faits ? C'est très simple, ce processus s'appuie sur deux phénomènes typiquement humain.

Le premier, c'est que l'être humain est faillible, il lui arrive de commettre des erreurs. Bien que, dans notre cas d'étude, l'information ne soit pas difficile à trouver : constructeur, utilisateur et même association (netmarine). Il est si facile de se tromper dans une donnée, si difficile de faire la correction après, pour un journal par exemple. Rare sont les publications qui mettent en avant qu'elles se sont trompés.

 Second phénomène, c'est la qualification professionnel des journalistes. Le site d'un quotidien national français, que je ne citerai pas, a fait sa réforme « web 2.0 ». Il a permis une meilleur participation à ses lecteurs pour faire savoir leur opinion sur les articles écris. Et cette réforme du site internet a même permise de savoir non pas l'identité du journaliste, chose courante, mais de savoir de quelle partie de la rédaction il dépendait. Et de là, on découvre la deuxième raison à ce processus de désinformation. Pour une affaire comme la vente d'armement, dont l'étude requiert des connaissances techniques sur l'armement, des connaissances en relation étrangères, stratégique, géostratégie... Il apparaît que le plus souvent, l'étude de ce genre de relation inter-étatique est confié à des journalistes... Du service économie ! C'est le libéralisme à l'état pure. Tout ce qui peut être vendu ou acheter, c'est de l'économie. Pas de domaines réservés, tout doit être soumis à la loi du marché.

Mais, il y a ce mais magistrale, dans l'affaire du Mistral, au vu des remous provoqués, est-il possible de considérer que ce n'est pas une simple vente ? De plus, n'est-ce pas la preuve de l'importance de pouvoir glisser la « bonne » information au bon moment ? D'où l'intérêt à faire quelques manoeuvres pour façonner la presse ou sa production.

 

 

 

 

Rédigé par Thibault LAMIDEL

Publié dans #Defense

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