Doha - Thon rouge : la CITES passe son tour et renvoie la balle aux pêcheurs

Publié le 18 Mars 2010

DOHA (AFP)

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La conférence de la CITES a refusé jeudi d'inscrire le thon rouge d'Atlantique Est sous sa protection et renvoyé son avenir à la gestion des pêcheurs, comme le souhaitait le Japon.

Par une large majorité (68 voix, contre 20), grâce à l'abstention de l'UE, les Etats parties à la Convention internationale sur le commerce des espèces sauvages menacées (CITES) ont rejeté une proposition de Monaco qui lui aurait permis de suspendre les exportations de cette espèce à haute valeur commerciale, particulièrement prisée sur le marché japonais.

"L'UE a voté en faveur de sa propre proposition et s'est abstenue sur la proposition de Monaco", a expliqué un expert européen à l'AFP.

"Le soutien européen était conditionnel à l'ajout de l'annotation" que l'UE avait souhaité apporter, différant l'entrée en vigueur de la mesure (inscription à l'Annexe I de la Convention) dans l'attente de nouvelles analyses scientifiques, a poursuivi l'expert sous couvert de l'anonymat.

La proposition européenne venait d'être massivement rejetée (72 voix, contre 43).

L'UE, comme Monaco, soutenue par les Etats-Unis et la Norvège, souhaitait la création d'un groupe de travail pour étudier d'éventuels amendements à leur proposition. Mais la Libye et le Soudan ont court-circuité les débats en exigeant de passer immédiatement au vote.

"Je regrette un débat avorté et de n'avoir pu répondre à certaines contre-vérités énoncées", a indiqué Patrick van Klaveren, chef de la délégation de Monaco. "La majorité des pays a décidé de faire confiance à l'ICCAT", la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique, qui réunit une cinquantaine de pays pêcheurs.

"Ils ont jugé qu'elle avait tous les éléments pour résoudre le problème. Qu'elle le montre!", a-t-il ajouté. "Sinon, ce n'est pas la CITES qui ruinera les professionnels, mais la nature qui enverra une sanction sans appel".

Masanori Miyahara (Japon) a exprimé sa "satisfaction" et, reprenant aussitôt sa double casquette de conseiller en chef des pêcheries japonaises et représentant de son pays à l'ICCAT, a ajouté: "Mais nous avons aussi beaucoup de devoirs à faire".

Depuis son arrivée à Doha, M. Miyahara soulignait que la CITES n'était pas le bon outil pour gérer les stocks de thon: "Faisons notre boulot avec l'ICCAT, pas la CITES", a-t-il répété jeudi, assurant qu'il serait sinon "presqu'impossible" par la suite de lever l'interdiction du commerce.

Mais M. Van Klaveren a rappelé aux délégués qu'en 1992, une proposition similaire de la Suède avait été retoquée et la gestion des stocks de thon rouge confiée alors à l'ICCAT: "Le résultat est que la capacité de reproduction du stock est passée de 200.000 tonnes à 60.000 en moins de 20 ans, que la taille des thons a été divisée de moitié (...) et que la pêche illicite a été multipliée par trois".

Le thon rouge, a-t-il insisté, "n'est pas pêché pour satisfaire les besoins alimentaires des populations mais pour alimenter un marché hautement spéculatif".

Consommateur de 80% des thons pêchés, le Japon a été accusé de conduire un lobbying effréné, ralliant de nombreux pays en développement (Tunisie, Indonésie, Venezuela, Chili, Corée, Maroc) qui ont défendu jeudi le rôle prioritaire de l'ICCAT.

Grenade a déclaré craindre pour "sa sécurité alimentaire" et le Sénégal, comme la Namibie, a redouté que d'autres espèces de thon ne soient à leur tour inscrites à la CITES.

"C'est très décevant et très irresponsable", a commenté Sue Lieberman, directrice des politiques internationales du PEW Environment Group, regrettant que "l'avenir du thon rouge soit renvoyé dans les mains de l'ICCAT".

Pour Carlos Drews (WWF), "c'est la défaite de cette espèce emblématique. D'autant que l'ICCAT n'a pas montré sa performance dans le passé. On lui avait fait confiance en 1992 et aujourd'hui on est au bord de l'effondrement".

Rédigé par DanielB

Publié dans #Economie

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