Géopolitique de l'Arctique et de la Baltique: Vers une alliance politico-militaire Scandinave ?
Publié le 8 Janvier 2011
Le " serpent de mer " de la Baltique et de l'Arctique - une union politico militaire Scandinave [ contre la Russie ? ] - évoqué des le début du blogue Ice Station Zebra [ 1 ]- [ 2 ] semble refaire surface encouragé par l'accord militaire Franco-Britannique et la réunion du conseil nordique qui s’est tenu les 2 et 3 novembre 2010 . Andreï Fediachine le commentateur politique de Ria Novosti fait le point .
Le dossier mériterait d'être analysé par les " navalistes " du Fauteuil de Colbert sur le plan des forces en présence et des programmes de modernisation des marines Scandinaves évoqués ici et là sur Ice Station Zebra ! [ 4 ]
Il faut aussi préciser que cet ersatz d'Otan Balto-Arctique - Le bouclier arctique des Varègues selon le terme employé par Andreï Fediachine - existe déja à l'état embryonaire : C'est le Nordic-Battlegroup !
Il faut toutefois noter que la décision par la Norvège d'acquérir des F-35 aux dépends de l'aéronef Suédois Gripen NG a provoqué des tensions au sein de cette Union Nordique . Si elle semble avoir la bénediction de la diplomatie Etasunienne qui y voit à la fois un moyen d'intégrer par la bande à l'OTAN la Suède et la Finlande , de créer un compétiteur de poids à la Russie dans la région Balto-Arctique et de fragiliser une politique de défense réellement indépendante en Europe , cette union militaro-politique est vue par le complexe militaire Etasunien aussi comme un marché des plus prometteur ! Le document émis par Thorvald Stoltenberg et qui sert de base à ce projet d'alliance Scandinave a fait l'objet dés sa publication de nombreux commentaires de la presse Russe qui y voit une alliance destinée à s'imposer militairement dans l'Arctique face à la Russie .
L’idée qui tout récemment encore paraissait une élucubration scandinave fruit de l’exclusivité ethnique et de l’égoïsme national des Vikings, commence à prendre forme. La péninsule scandinave (avec ses sœurs autonomes, les îles Féroé et le Groenland danois et les îles Åland finlandaises) réfléchit sérieusement à se constituer en "île" au sein de l’Union européenne et de l’Europe et aux avantages politiques, administratifs, militaires et géographiques qu’une telle démarche comporterait.
L’idée de constituer la Fédération nordique unie (United Nordic Federation) émane du professeur Gunnar Wetterberg, célèbre historien suédois. Il l’a formulée dans un livre publié en 2009, dans lequel il expliquait que la nouvelle fédération pourrait devenir la version scandinave de la Suisse ou des Etats-Unis, avec la même répartition des droits et obligations entre ses membres: ils conserveraient leur identité nationale tout en déléguant leur souveraineté et leur politique étrangère, militaire et, en partie, économique, aux organismes fédéraux.
Le livre a reçu le statut de document officiel du Conseil nordique, organisme politique consultatif des cinq Etats nordiques (îles comprises).
Partisans et adversaires de la nouvelle union des Vikings
Si cette idée ne s’était pas matérialisée dans une tête suédoise, elle aurait sûrement conquis les Scandinaves beaucoup plus rapidement qu’elle ne le fait actuellement. Le fait est que depuis la nuit des temps, les Scandinaves éprouvent une grande antipathie historique et nourrissent des soupçons bien fondés à l’égard de toute initiative émanant de la Suède. Les Norvégiens et les Finlandais ont été opprimés par les Suédois (tout comme par les Danois, d’ailleurs) pendant des siècles, et ils sont loin de partager l’enthousiasme fédéraliste de ces derniers. Selon la vision suédoise de la nouvelle Fédération nordique, celle-ci devrait être symboliquement dirigée par la couronne danoise. Or, les Norvégiens ont déjà vécu sous la férule de cette couronne et ne sont pas disposés à s'y soumettre de nouveau.
Toutefois, toutes les conditions économiques et les stimuli en vue de la formation d'un Marché commun purement scandinave accompagné d’une superstructure étatique sont réunis. Qui plus est, au fur et à mesure de la propagation de la crise de l’euro au sein de l’Union européenne, ces velléités s’affermissent. Bien que la Norvège, l’Islande et même le Groenland danois ne fassent pas partie de l’Union européenne, ils sont économiquement liés à l’Union et forment avec elle un marché commun, car ils appartiennent à l'Espace économique européen.
La population du G5 nordique s’élève à 25 millions d’habitants (un peu plus, en ajoutant les îles). Le PIB consolidé de ces pays est évalué à près de 1.600 milliards de dollars ce qui est légèrement supérieur au PIB de l’Espagne, cinquième puissance économique de l’Union européenne et neuvième économie de la planète. Les Scandinaves estiment qu’en formant des Etats unis en miniature, ils se feront entendre dans tous les forums économiques du monde.
Ils seront notamment admis au G20 et renforceront simultanément, par le biais d'une économie consolidée, le poids nordique sur l’échiquier mondial où ces pays servent actuellement en premier lieu d’outils pour la délicate médiation "scandinave".
Si l’idée se limitait à la Fédération nordique en tant que telle, elle ne serait probablement restée qu’une curiosité. Mais elle n’est pas la seule à agiter actuellement les esprits des responsables politiques des pays scandinaves. Si l’économie de ces derniers est surtout axée sur l’Union européenne, c’est l’Arctique qui les intéresse en termes de ressources. Et là, ils voient clairement les efforts de la Russie qui cherche à délimiter sa partie du plateau continental arctique, ce qui mène automatiquement à la privatisation de ses gigantesques ressources: aussi bien des richesses du sous-sol que celles des mers et des voies maritimes du nord.
Le bouclier arctique des Varègues
La Fédération nordique unie a déjà une composante militaire, ou plutôt une base militaire prometteuse. En 2009, la Norvège, plus exactement Thorvald Stoltenberg, ancien ministre norvégien des Affaires étrangères et ex-ministre de la Défense, a proposé au Conseil nordique de constituer le Pacte nordique.
En novembre 2010, les ministres des Affaires étrangères du G5 nordique réunis à Reykjavik (Islande) ont "examiné le problème sous tous ses aspects" à titre préalable. Ils pourront s’y atteler plus sérieusement à Helsinki en avril 2011.
Le plan de Stoltenberg [ voir rapport supra ] prévoit la création d’une version miniature de l’OTAN (dont la Finlande et la Suède ne font pas partie) pour les pays scandinaves et arctiques. L’alliance comprendra des forces militaires et civiles de réaction rapide dans les régions en conflit, des troupes maritimes unifiées de débarquement, des gardes-frontière, un centre commun de défense cybernétique, un centre unifié de reconnaissance aérienne, maritime et spatiale, ainsi qu’un système commun de coordination des efforts dans l'Arctique.
Dans une récente interview, Thorvald Stoltenberg a déclaré que son plan constituait une réponse aux réalités géopolitiques en mutation rapide. "Nous vivons dans un monde où la notion de « très loin » n’existe plus… Nos moyens devraient être à la mesure de notre responsabilité, cela concerne notamment les défis à relever en Arctique où les glaces reculent".
C’est une allusion presque directe à la nouvelle Stratégie russe de sécurité nationale à l’horizon 2020 signée par le président russe Dmitri Medvedev en 2009.[ 3 ] De nombreux Occidentaux ont eu le cœur glacé après l’avoir lue. Une réaction presque panique a surgie suite à la prévision, dans le chapitre consacré au rôle de la Russie dans le monde et aux menaces contre Moscou, selon laquelle des conflits sont susceptibles d’éclater à l'avenir près des frontières russes à cause des hydrocarbures. Le recours à la force militaire n’étant pas exclu pour régler ces conflits.
Etant donné que toute conception stratégique n’est pas uniquement un constat des intérêts nationaux et des menaces, mais qu’elle est également un avertissement, de nombreux pays qui convoitent depuis longtemps les ressources arctiques ont tiré une conclusion sans équivoque: Moscou est prêt à défendre ses intérêts en Arctique jusqu’au bout. Les blagues liées aux drapeaux plantés sur le fond de l’océan Arctique sont terminées, le tout prenant une tournure beaucoup plus sérieuse.
Le plan nordique a déjà reçu le soutien de tous les principaux groupes militaro-industriels des pays scandinaves. Selon le porte-parole du suédois Saab, le premier groupe aéronautique scandinave, le marché nordique des armements sera le quatrième au monde si le Pacte nordique est mis en œuvre.
Mais le Pacte doit surtout sa promotion au soutien particulier et "paternel" du gouvernement norvégien: Thorvald Stoltenberg est le père de Jens Stoltenberg, actuel premier ministre de la Norvège.
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