Géopolitique des ressources : La ruée mondiale sur la potasse passe par la Russie
Publié le 15 Septembre 2010
Source : Reuters via Le Monde .
Le groupe minier australo-britannique Rio Tinto songerait à investir dans le producteur de potasse russe Uralkali. La Russie détient 22 % des réserves mondiales de ce composant indispensable à la fabrication d'engrais et se trouve à proximité des marchés stratégiques : le pays semble donc bien placé pour profiter de la demande croissante en engrais.
Des rumeurs indiquent qu'Uralkali cherche à céder entre 10 % et 15 % de son capital à un investisseur étranger et, selon le quotidien Vedomosti, une délégation de Rio Tinto s'est rendue en Russie. Le grand groupe minier australo-britannique serait prêt à payer les actions à un prix 50 % supérieur à leur cours actuel.
L'engouement de Rio Tinto pour la potasse semble aussi vif que celui de son rival et compatriote BHP Billiton, qui a lancé en août une offre publique d'achat géante sur le canadien Potash, premier producteur mondial. Plusieurs pays craignent à nouveau une pénurie alimentaire, ce qui va faire bondir la demande d'engrais, notamment en Chine et en Inde.
Les Russes ont aussi conscience de ce potentiel. L'oligarque Suleiman Kerimov a récemment pris le contrôle des producteurs russes Uralkali et Silvinit, et l'on s'attend à ce qu'il les fusionne pour créer un champion national de la potasse. Cette perspective a fait flamber l'action Uralkali de 25 % au cours des trois derniers mois .
Ladite fusion renforcerait le poids de la Russie sur le marché mondial de la potasse et favoriserait la coopération entre producteurs russes pour fixer les prix. Uralkali, le plus important des deux, coopère déjà avec le biélorusse Belaruskali sur les marchés d'exportation, et, si Silvinit les rejoignait, les trois entreprises représenteraient à elles seules une part de marché impressionnante de 45 %.
Mais la capacité d'influence des Russes dépend aussi en grande partie de ce qui se passe dans d'autres pays. Ils entretiennent d'excellentes relations avec les Canadiens - qui sont à la fois à l'origine de 20 % des exportations et propriétaires de 50 % des réserves mondiales -, avec qui ils gèrent la production pour maintenir les cours. Cette belle entente est aujourd'hui menacée par l'offre de BHP Billiton sur Potash : le groupe australo-britannique a déclaré qu'il ferait sortir la société du cartel canadien à l'exportation et qu'il augmenterait sa production pour que les cours baissent.
Et même si Potash restait au final indépendant, BHP Billiton ou d'autres nouveaux acteurs vont augmenter fortement les capacités de production : les Chinois financent ainsi un projet de 1,2 milliard de dollars (946 millions d'euros) au Congo.