Géopolitique et Volcanisme

Publié le 13 Mai 2011

Au printemps 2010, l'éruption de l'Eyjafjallajökull avait remis le Laki au goût du jour. Plusieurs journaux * rappelaient comment cet autre volcan islandais, entré en éruption en juin 1783, avait, peut-être, participé à la montée des mécontentements qui allaient déboucher, six ans plus tard, sur la Révolution française.

L'affaire est moins simple qu'il n'y paraît. D'abord parce que cette lecture déterministe est, de longue date, très contestée par certains historiens. Ensuite parce que le Laki a, semble-t-il, eu bon dos. Et que l'un de ses effets les plus notables - l'extrême rigueur de l'hiver 1783-1784 - pourrait n'avoir pas grand-chose à voir avec son éruption. C'est, en tout cas, la conclusion des travaux de chercheurs américains, publiés dans la dernière édition de Geophysical Research Letters. Selon la climatologue Rosanne D'Arrigo et ses coauteurs du Lamont-Doherty Earth Observatory (université Columbia, New York), le froid terrible qui a sévi cette année-là en Europe et en Amérique du Nord n'avait pas de lien direct avec les poussières rejetées par l'explosion du Laki.

Les auteurs ne contestent nullement les effets majeurs de l'éruption - ressentis jusqu'au Japon -, en particulier les pertes de récoltes, les milliers de morts intoxiqués par les nuées crachées par le volcan, etc. Mais, après avoir analysé les cernes de croissance de centaines d'arbres européens et américains, ils ne voient pas la "signature" du volcan dans la rigueur de l'hiver qui a suivi.

CERNES DE CROISSANCE

A quoi l'attribuer ? Le parallèle avec 2010 reste d'actualité. Car l'analyse des cernes de croissance de centaines d'arbres européens et américains, reconstruisant les variations climatiques sur plusieurs siècles, montre, selon les auteurs, de fortes similitudes entre l'hiver 1783-1784 et celui de 2009-2010. Dans les deux cas, l'oscillation nord-atlantique était en phase négative et le phénomène El Niño était en phase positive, une conjonction très rare donnant des hivers rigoureux sur l'Europe et l'Amérique du Nord.

De fait, les données indiquent que l'hiver 1783 fut l'un des plus froids de ces cinq cents dernières années en Europe, avec des températures inférieures de 2 0C à la moyenne de la fin des années 1700. Au-dessus des terres émergées de l'hémisphère nord, le mois de décembre 2009 a, quant à lui, été beaucoup moins froid : le National Climatic Data Center (NCDC) américain l'a classé comme le 45e mois de décembre le plus chaud depuis cent trente ans... Pourtant ressenti comme un hiver exceptionnellement rigoureux, celui-ci aurait donc dû être, sans la tendance lourde du réchauffement, bien plus détestable qu'il ne fut. D'autant plus que les cernes d'arbres analysés montrent que la conjonction climatique incriminée fut beaucoup plus marquée en 2009 qu'en 1783.

En tout état de cause, si cet hiver-là portait en germe la Révolution française, c'est plus à El Niño qu'au Laki qu'il faut l'attribuer.

Stéphane Foucart in Le Monde de ce jour .

 

* Et le blog Ice Station Zebra !

Rédigé par DanielB

Publié dans #Geopolitique

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