Brésil - infrastructures - Manaus : Un pont sur l'Amazone .

Publié le 7 Octobre 2011

Le 24 octobre prochain à 6h00 , le gouvernement de l'Etat d'Amazonas va inaugurer un pont routier sur le Rio Negro , un des deux affluents qui se réunissent pour former  l'Amazone à Manaus .

D'une longueur de 3503 m [ 3595 m avec les rampes d'accés selon les normes internationales ] , le projet du Ponte Rio Negro-Iranduba aurait du être mis en service en 2010 mais un accident lors de la construction , la chute d'une travée , a retardé l'innauguration .Le pont disposera de 4 voies , deux pour chaque sens de circulation , d'une voie piétonne et d'une piste cyclable . La largeur du tablier sera de 20.70 m . Il permettera le passage sous la travée centrale de transatlantiques , y compris en période de crues de l'Amazone . Ce sera le plus grand pont fluvial du Brésil .

 

Pourquoi en parler ?

 

 1- Par ce que les ponts ont des fonctions géopolitiques . Ils réduisent par effet d'anamorphose parfois de manière spectaculaires les distances entre les régions ou permettent de " rattacher " des périphéries . J'en ai déja parlé dans ce blogue à propos de la Russie . [ lien vers article , lien vers article et article ] .  

 Dans le cas de Manaus , une " île urbaine " au milieu de l'Amazonie presque une " cité-état  " comme Singapour ,ce pont va permettre de relier la cité à un tissu routier . Auparavant la traversée de l'Amazone [Rio Amazonas ,  Rio Negro ,  Rio Solimoes ] se faisait par des barges et coutait prés de 50 euros pour les poids-lourds .Ce pont va ainsi permettre de " connecter " encore plus , l' " île urbaine de Manaus " au bloc continental Brésilien . Le " modéle archipélagique " du Brésil dressé par le général Golbery do Couto e Silva dans les années 60 perd un peu plus de son actualité pour devenir obsoléte .

 

 2- Personne n'en parle dans le monde Francophone , sauf de manière épisodique sur un ou deux sites spécialisés , alors que la chaîne CNN pour ne citer qu'elle a déja effectué plusieurs reportages sur ce sujet . Je réponds ainsi à la demande de ma belle-soeur et de mes beaux-frères qui s'étonnent qu'on n'en parle pas en France .

 

 

 3- L'association des mots " infrastructure " et " Amazonie " a le don de faire se dresser sur la tête les cheveux longs et cradingues des environnementalistes et des indigénistes comme les piquants des hérissons . Ce n'est pas là le moindre des plaisirs que je m'octroie en écrivant cet article .

Pour les " écologistes à crânes rasés  "de la mouvance identitaire la remarque reste valable pour leurs ersatz de tifs . Il faut signaler ici que le gouverneur de l'état d'Amazonas ,Omar Aziz , est un Arabo-Brésilien . Les Khmers-Verts locaux ont bien essayé de s'opposer à ce projet au nom du code forestier Brésilien qui interdit la modification des berges des cours d'eaux sur une profondeur de 30 m . N'ayant pas trouvé de Raoni local pour internationaliser leur cause , leur activisme est resté confidentiel . Seul The Guardian qui cite Greenpeace Amazon , on s'étonne de pouvoir encore s'étonner , leur a donné un écho [ lien ] . Il a reçu une réponse  claire et nette du secrétaire de la région métropolitaine de Manaus qui a évoqué les dégats occasionés par la plateforme Deepwater Horizon  de la société BP [ lien ] . On notera dans la vulgate du représentant de Greenpeace Amazon , l'allusion à " l'invasion des * étrangers *  " ! [ lien vers article ]

  

4- La construction de ce pont témoigne de la vitalité du Brésil - un des états du groupe BRICS - et plus particulièrement de la cité de Manaus . " île urbaine " au milieu de l'Amazonie , Manaus a connu une prospérité à la fin du XIX éme siècle et au début du XXéme siécle avec l'exploitation de l'Hévéa avant de retomber dans la léthargie aprés ce qui peut-être considéré comme le premier acte de biopiraterie de l'histoire :Le vol des semences de l'Hévéa par un aventurier Anglais . La mise en place d'une " zone franche " par le gouvernment militaire n'avait jamais tiré la ville de cette léthargie . Or depuis une dizaine d'années , la ville a " poussé comme un champignon " et le manque d'infrastructures se faisait de plus en plus cruellement sentir . La cité a commencé par se doter d'un Sambodrome - Oui , " ça " existe - pour la fête du boï-bumba , signe ostentatoire de son statut  de " nouveau riche " , et aprés le pont sur le Rio Negro la ville va se doter d'un monorail et on évoque même un projet de métro sous-terrain ! Le projet d'un autre pont fluvial , sur le Rio Solimoes , est aussi dans les cartons . Celui-ci a déja un nom : " Le pont de l'intégration nationale " dont la fonction géopolitique sera de relier la cité de Manaus au " reste du Brésil " à travers la BR 319 . [ Lien ] et  [ lien ]

Le pont sur le Rio Negro devient le symbole de cette prospérité retrouvée au même titre que le Teatro Amazonas témoigne de la prospérité de l'ère du caoutchouc .

 

5- Les cérémonies inaugurales au Brésil ont ce caractère gemütlich - gentillet - qu'elles ont perdu en Europe . L'ére des grands percements Alpins terminée , seuls les chantiers du viaduc de Millau ou du tunnel sous la Manche peuvent donner une idée de ce que sont ces cérémonies au Brésil , et encore avec beaucoup de différences . On y rencontre ainsi non seulement les officiels -  gouverneurs , ministres , chefs militaires toujours présents  - mais aussi les cadres et les plus modestes des terrasiers . Tous ensemble sont unis dans une , le mot n'est pas trop fort , communion qui transcende les classes sociales . A l'occasion , tout le monde porte le même tee-shirt inaugural ou le même casque :  On fait parti de la confrérie - de la secte - des pontonniers comme on fait parti de la confrérie des " barragistes " . Un temps tombée en désuétude , cette " coutume " a été remise au gout du jour par le Président Lula da Silva lors du lancement du premier pétrolier construit au Brésil depuis 20 ans .

 

On a peu de chances de retrouver cet état d'esprit dans une Europe en crise et en proie à la dictature du politiquement correct écologiste . Ainsi je doute que les cadres et ouvriers du chantier de l'EPR de Flamanville puissent afficher la même fierté que leurs homologues Brésiliens : Ils vont plutôt raser les murs ! De la même manière , on ne voit plus aujourd'hui cadres et ouvriers s'afficher ensemble sous nos latitudes , qui plus est vétus du même " uniforme " . Autres latitudes , autres moeurs !

 

6- Ce pont sur le Rio Negro " a de la gueule " !

 

 Il ne manquera qu'une chose le 24 octobre 2011 à Manaus : La " patte " du cinéaste Franco-Brésilien Jean Manzon qui a su si bien décrire dans ses films institutionnels les grands projets infrastructurels Brésiliens des années 60-70 . On peut les regarder d'un air narquois comme on regarde certains documentaires de propagande Soviètiques , mais ils témoignent de l'immense foi en l'avenir et dans le progrés d'un peuple et de ses chefs politiques . Un rêve dans les années 60 et 70 qui est en train de devenir une réalité : Une réalité d'acier et de béton et au milieu de l'Amazonie .



Mais le pont sur le Rio Negro  ne sera pas le plus grand pont Brésilien ! Le gouvernement de l'état de Bahia a annoncé la construction d'un pont de 12 km de long . Le "ponte salvador itaparica" sera doté de huit voies dont deux exclusivement pour les camions  [ lien ]  

 

Documentation : Photos 3D du projet 

 

Ponte sobre o Rio Negro 4 full (Foto: Alex Pazuello/Agecom)

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Rédigé par DanielB

Publié dans #BRICS - IBAS

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