Comme je l'ai expliqué sur ce blogue l'interventionnisme colonial Français en Afrique est en train de faire une coquille vide du " partenariat stratégique " Franco-Brésilien et dans une plus large mesure du rapprochement Européo-Latinoaméricain .
Aprés les déclarations de la présidente Brésilienne Dilma Rousseff et du MD Celso Amorim sur le " néo-colonialisme "[ lien vers article ] [ lien vers article ] , on attendait la réaction , ou la non-réaction , de la diplomatie Française .
Celle-ci s'est manifesté hier à son image : Pleine de morgue et de suffisance , basse et mesquine , au travers d'une " fuite " orchestrée par une " source autorisée " du Quai d'Orsay à une agence de presse .
Une " source autorisée " du Quai d'Orsay a déclaré à l'agence Valor PRO du journal d'information économique Valor Econômico que le terme " néocolonialisme " était la marque d'une " diplomatie marquée par les préjugés et l'ignorance " .L'intervention du petit télégraphiste Fabiusien s'est terminée par " un pays qui a la 6 éme économie mondiale et qui brigue un siège de membre permanent au CS de l' ONU ne peut pas se permettre de parler de néo-colonialisme au XXI éme siècle " . Selon le roquet du Quai d'Orsay cette attitude marque un " desintérêt de la présidente Dilma Rousseff pour les questions internationales " . [ lien ]
Cette déclaration mérite d'être analysée à plusieurs niveaux , non pas tant pour son importance intrinséque qui sera certainement jaugée à sa juste valeur par l' Itamaraty , mais sur ce qu'il revéle de la diplomatie Française , de sa praxis et de l'avenir des relations Franco-Brésiliennes .
1- Tout comme l'intervention de l'ambassadeur Gérard Araud dans le quotidien O Estado sur le dossier Syrien [ lien ] , la diplomatie Française choisit de s'adresser aux chefs politiques Brésiliens par l'intermédiaire d'un organe de presse . Il s'agit en fait plutôt de " snober " ceux-ci et de s'adresser au lectorat .
En 2011 il s'agissait de s'adresser à l'opposition au gouvernement Brésilien et aux Arabo-Brésiliens de l'agglomération Paulista, aujourd'hui c'est une tentative d'influencer les milieux économiques proches du pouvoir avec un message clair : Nous sommes les maîtres au Mali et si vous voulez y faire des affaires[ lien ] alors censurez vos chefs politiques .
Si O Estado est un représentant du Partido da Imprensa Golpista qui méne une campagne de haine rabique contre les chefs politiques Pétistes , Valor Econômico est au contraire un journal connu pour son soutien à l'action économique des chefs politiques Pétistes .
Il semble bien qu'il y ait ici de la part de la diplomatie Française une crainte à affronter la diplomatie Brésilienne " les yeux dans les yeux " sur les questions de l'interventionnisme militaire , plus particulièrement en Afrique .
2- Il aura fallu à la diplomatie Française plus de 20 jours pour réagir à la déclaration de la Présidente Dilma Rousseff . Si Herman van Rompuy , José Manuel Durão Barroso et Angela Merkel ont joué la solidarité Européenne en critiquant aussitôt le terme de " colonialisme " , il n' y a eu aucune réaction , ni à Brasilia ni à Santiago du Chili , de la diplomatie Française .
Le quotidien Valor Econômico nous apprend que la diplomatie Française espérait tout simplement une .... rétractation ou une " modération " de ces propos via un communiqué de l'Itamaraty ! Ni plus , ni moins que çela !... Une rétractation et une " modération " qui ne sont bien-sûr jamais venues !
Les diplomates du Quai d'Orsay semblent bien ici confondre la praxis diplomatique Brésilienne avec la praxis diplomatique Française et ils devront apprendre , mais en sont ils capables intellectuellement on peut en douter , que les déclarations du Chef de l'Etat Brésilien ne sont pas des postures nationales ou internationales mais bien l'expression d'une politique ou de préoccupations sécuritaires réelles . Même si ces déclarations n'ont pas l'heur de plaire dans les salons dorés du Quai d' Orsay ou les PC des états-majors Parisiens .
Ce communiqué de la diplomatie Française survient aussi au surlendemain de l'intervention du MAE Brésilien Antonio Patriota au CS de l'ONU au sujet de la protection des civils dans le cadre des conflits . Ici aussi on peut noter une totale divergence de vue entre Paris et Brasilia .[ lien ]
Alors que les interventions coloniales Françaises se font sous la bannière implicite
de la Responsability To Protect , expression novlanguienne synonyme d'impérialisme et de colonialisme , la diplomatie Brésilienne met en avant la Responsability While Protecting ! [ lien ] L'intervention coloniale Française au Mali est explicitement évoquée puisque le MAE Patriota cite la ville de Tombouctou ou la loi internationale en matière d'intervention armée doit s'appliquer comme partout ailleurs .N'en déplaise aux militaires , aux diplomates ou aux chefs politiques Français [ lien ]
3- Une fois de plus un diplomate Français menace les chefs politiques Brésiliens sur le dossier d'un siège de membre permanent au CS de l' ONU . Cette pitoyable allusion jette une lumière crue sur l'argumentaire restant à la dispostion des diplomates Français : Agiter le hochet du " joujou Conseil de Sécurité " . C'est le dernier reliquat de puissance d'une nation en faillite économique [ lien ] et qui pour mener sa ratonnade coloniale dans le désert Malien a du quémander , c'est le terme qui exprime le mieux la réalité des faits , les moyens logistiques aériens de plusieurs états , y compris ceux de la Russie ! [ lien vers article ] [ lien ]
4- Sur le fond , car il y a un fond à cette déclaration même s'il est vaseux et s'il pue , on notera la suffisance des diplomates Français sur les questions Africaines .
Si l'auteur de la déclaration souligne " l'ignorance et les préjugés " des chefs politiques Brésiliens , il est peu disert sur quoi se fonde l'expertise Française sur ces questions Africaines .Celle-ci se fonde uniquement sur le colonialisme , c'est à dire la mise en asservissement de dizaines de millions de personnes et le pillage de territoires entiers .
Les chefs politiques Brésiliens sont les chefs politiques de la deuxième nation Africaine de la planète , et ont tout à fait la légitimité et le savoir pour parler du " colonialisme " d'une " nation blanche " - du moins encore blanche - Européenne en Afrique et ceci même au XXI éme siècle .
Il faut ici préciser que cette légitimité Brésilienne sur les questions Africaines se double dans le cas du Mali par le fait qu'une partie de la population Brésilienne est issue d'esclaves musulmans originaires des Soudans . [ lien ] [ lien ] [ lien ]
Dilma Rousseff est peut-être une Brésilienne de race blanche , d'origine Bulgare avec des ascendences juives mais elle s'exprime au nom de dizaines de millions d'Afro-Brésiliens et de métis qui ont construit en cinq siécles la " Brasilianité " .[ lien ] [ lien ]
5- Cette déclaration d'un fonctionnaire du Quai d'Orsay ne fait qu'acter la faillite annoncée du " partenariat stratégique " Franco-Brésilien . Il est d'ailleurs fort probable que la France soit à la recherche d'un " partenaire stratégique "de substitution dans l'espace Latino-Américain mais il lui sera impossible d'en trouver un de l'importance et de la représentativité régionale et internationale du Brésil .
L'Argentine étant hors-course en raison des dossiers de l'archipel des Malouines [ lien vers article ] et du partenariat UE-Mercosur[ lien ] , il ne reste que le Mexique . Celui-ci à l'avantage d'être en dehors du Mercosur-Mercosul , une alliance avec laquelle les divergences subsistent .[ lien ] Sur le plan de la coopération militaire Franco-Brésilienne si le programme PROSUB n'est pas menacé , les futurs projets de coopération risquent d'être par contre impactés . De la même manière il sera intéressant de suivre les projets de développement tripartites Afrique-France - Brésil , en particulier dans l'espace Sahélo-Saharien . [ lien ]