Les analyses sur les émeutes de Londres et Tottenham que l'on voit ici et là si elles soulignent les inégalités sociales croissantes en Angleterre , les plus grandes depuis un siècle selon les statistiques , oublient un point crucial : L'inégalité dans la propriété foncière . Alors que c'est l'Amérique du Sud qui est souvent montrée comme exemple dans l'inégalité foncière entre les latifundiaires et les sans-terres , il existe à 1h d'avion de Paris un état ou une communauté humaine entière , un village , peut " appartenir " à une seule personne : Maisons de village , "espace public " , bâtiments d'habitation ruraux , bâtiments d'exploitation agricole et terres ! [ Citons Edensor et Tissington - Derbyshire, Heydon - Norfolk ]
Plutôt que de donner une traduction incomplète des dernières analyses publiées ces dernières années [ voir les liens ] je vous invite à consulter cet article publié par Lutte Ouvrière en mars 2000 . Non pas tant pour son interprétation Marxiste dont le lecteur peut s'affranchir , en particulier ce n'est pas une " nationalisation " des terres sur un mode Soviètique qui est nécessaire en Angleterre mais bien une réforme foncière et agraire , mais pour son analyse historique et pour les chiffres qui peuvent être actualisés avec les liens . On fera la conversion 1acre = 0.4 ha soit 100 000 acres = 40 000 ha = 400 km2 ; 10 000 acres = 4000 ha = 40 km2
Pour faire simple : En 2010 , 36 000 propriétaires terriens ( 0,6% de la population ) détenaient 50 % de la proprièté foncière rurale !
‘A small minority still own a huge amount of Britain’s land and what surprises many people is that over the last 100 years, not a lot has changed "
Look who owns Britain: A third of the country STILL belongs to the aristocracy
Look Who Owns Britain
Grande-Bretagne - Grande propriété capitaliste et héritage féodal
La révolution bourgeoise d’abord puis le développement du marché mondial ont transformé l’organisation économique, sociale, juridique et politique des pays qui forment aujourd’hui l’Europe occidentale. Néanmoins chacun de ces pays conserve des traits particuliers hérités de son histoire antérieure. C’est le cas par exemple de la monarchie, qui survit dans un certain nombre de pays européens et qui, malgré un caractère essentiellement symbolique, n’en joue pas moins encore aujourd’hui un rôle stabilisateur au profit des institutions de la démocratie bourgeoise.
En Grande-Bretagne, et plus particulièrement en Ecosse qui conserva un système juridique distinct après l’union avec l’Angleterre en 1707 , les formes juridiques et sociales de la propriété foncière continuent à porter les marques du passé. C’est ainsi que la grande propriété foncière continue à jouer un rôle important dans la richesse et le poids social de la bourgeoisie, rôle hors de proportion avec la contribution de la terre l’économie du pays.
Mesurer de façon précise le poids social de la propriété foncière en Grande-Bretagne et surtout son degré de concentration est très difficile. Car la propriété foncière y est l’un des secrets les mieux gardés, plus jalousement encore que la propriété des actions par exemple, pour laquelle les désordres boursiers du passé ont imposé au moins un certain degré de réglementation.
Ainsi n’existe-t-il aucun registre des propriétaires fonciers couvrant l’ensemble du pays. A Londres, il y a bien l’Office du Registre Foncier de la Reine, qui recense toutes les propriétés de l’agglomération. Mais celui-ci n’est pas accessible au public. Seuls les officiers de justice chargés de la cession d’une propriété y ont accès, et encore seulement pour ce qui concerne la propriété en question. En Ecosse, il existe un registre foncier ouvert au public à Edimbourg le « Registre des Sasines ». Mais si ce registre recense la plupart des titres de propriétés susceptibles de figurer dans une succession depuis le XVIIe siècle, il est pratiquement inutilisable pour obtenir des informations sur les biens d’un particulier ou le véritable propriétaire d’un grand domaine.
A ce jour, seuls deux recensements officiels de la propriété foncière ont été effectués : l’un en 1086, lorsque le premier roi normand Guillaume 1er chercha à évaluer les impôts qu’il pourrait extorquer à son nouveau royaume, et l’autre en 1873 ! Depuis cette date, plus rien. Toutefois, le gouvernement travailliste de la fin des années 1970 créa une Commission Royale sur la répartition des revenus et du patrimoine, la Commission Diamond. Avant d’être dissoute par Thatcher en 1979, cette commission put établir que la concentration de la propriété foncière en Grande-Bretagne était la plus élevée d’Europe occidentale.
C’est dans la manière dont la bourgeoisie anglaise s’est emparée du pouvoir politique au XVIIe siècle que cette concentration de la propriété foncière britannique trouve son origine.
Angleterre : la révolution inachevée
Comme en France, c’est la révolution bourgeoise qui abolit la propriété foncière féodale en Angleterre et au Pays de Galles, mais dans un contexte très différent.
En France, au XVIIIe siècle, ce contexte fut celui d’une mobilisation révolutionnaire des masses pauvres. Non seulement tous les titres de noblesse furent abolis mais l’aristocratie fut privée de tout droit sur la terre et son expropriation fut réalisée par la paysannerie pauvre.
En Angleterre, en revanche, cette mobilisation révolutionnaire fit défaut. L’abolition du système foncier féodal ne s’était produite qu’en 1660, bien après la phase radicale de la révolution, sur la base d’une alliance entre les propriétaires féodaux et la bourgeoisie naissante. Le Parlement décréta l’abolition des titres de propriété féodaux sur tout le territoire, retirant par là même à la royauté tout droit sur la terre. Mais les propriétaires féodaux ne furent pas privés de leurs terres : ils en restèrent au contraire les seuls propriétaires, au sens moderne du mot, tandis que la situation des paysans indépendants, qui avaient fourni le gros des troupes de l’armée révolutionnaire de Cromwell, resta tout aussi précaire qu’auparavant.
Quand vint la réaction post-révolutionnaire, avec l’arrivée au pouvoir du roi Guillaume III en 1688 (ce que les historiens appellent la « Glorieuse Révolution »), les nouveaux propriétaires terriens, ainsi que toute une caste de marchands et de juristes qui avaient leurs entrées dans les allées du pouvoir, se lancèrent à l’assaut des meilleures terres. Un siècle plus tard, Marx décrivit dans Le Capital, la brutalité de ce processus d’accumulation du capital :
« La »Glorieuse Révolution« amena au pouvoir avec Guillaume III, prince d’Orange, faiseurs d’argent, nobles terriens et capitalistes roturiers. Ils inaugurèrent l’ère nouvelle par un gaspillage vraiment colossal du trésor public. Les domaines de l’État que l’on n’avait pillés jusque-là qu’avec modestie, dans des limites conformes aux bienséances, furent alors extorqués de vive force au roi parvenu comme pots-de-vin dus à ses anciens complices, ou vendus à des prix dérisoires, ou enfin, sans formalité aucune, simplement annexés à des propriétés privées. Tout cela à découvert, bruyamment, effrontément, au mépris même des semblants de légalité. Cette appropriation frauduleuse du domaine public et le pillage des biens ecclésiastiques, voilà, si l’on en excepte ceux que la révolution républicaine [c’est-à-dire la phase radicale de la révolution bourgeoise en Angleterre, sous Cromwell LdC] jeta dans la circulation, la base sur laquelle repose la puissance domaniale de l’oligarchie anglaise actuelle. Les bourgeois capitalistes favorisèrent l’opération dans le but de faire de la terre un article de commerce, d’augmenter leur approvisionnement de prolétaires campagnards, d’étendre le champ de la grande agriculture, etc. Du reste, la nouvelle aristocratie foncière était l’alliée naturelle de la nouvelle bancocratie, de la haute finance fraîche éclose et des gros manufacturiers, alors fauteurs du système protectionniste. »
Ce vol à grande échelle, en même temps que la brutale appropriation privée d’une partie des terres communales, dont vivait une grande partie des paysans pauvres, donnèrent naissance à d’immenses domaines. Il en résulta une grande agriculture organisée sur une base capitaliste, visant non seulement l’ensemble du marché national, mais même celui de l’exportation vers l’Europe. Les paysans indépendants furent incapables de résister à une telle concurrence, et ceux qui tentèrent de résister furent balayés. En moins d’un siècle, ils furent ruinés, leurs terres reprises par les grands propriétaires terriens, confiées à des métayers ou mises en location. A partir de cette période, la population rurale se trouva divisée entre une caste de propriétaires terriens et une couche de paysans qui leur étaient assujettis par divers types de baux baux qui leur imposaient toutes sortes d’obligations assez semblables à celles dont les vassaux avaient été redevables vis-à-vis de leur seigneur, au Moyen-Age. Mais cette fois, c’était au nom de la propriété capitaliste.
Ecosse : la révolution importée
En Ecosse, le processus fut différent, d’abord du fait de l’absence de révolution bourgeoise, mais aussi parce que le système féodal n’y avait jamais été aussi développé qu’en Angleterre.
Le système féodal y fut en effet importé d’Angleterre et greffé sur des formes sociales plus anciennes, qui faisaient de la terre la propriété collective du clan. Dans les Highlands, la partie nord de l’Ecosse, le système des clans était même sans doute encore prédominant au moment où éclata la révolution bourgeoise en Angleterre.
Paradoxalement néanmoins, ce fut la monarchie anglaise qui, avant même la révolution bourgeoise, ébranla le mélange de relations féodales et claniques qui existait en Ecosse. En 1603, la royauté anglaise étendit son autorité à l’Ecosse. Cette autorité, placée artificiellement au-dessus de celle des chefs de clans, commença à modifier les rapports sociaux existants. L’obligation de défendre le chef de clan par les armes (contre les autres clans) fut remplacée par le devoir de lui payer une sorte d’impôt ou de loyer, alors que la terre, qui avait jusque-là fait office de récompense en échange de loyaux services militaires, se transforma progressivement en marchandise qu’il devint possible d’acheter, de vendre et de transmettre par voie de succession.
Ainsi, en grande partie indépendamment du processus qui se déroulait à la même époque en Angleterre, la combinaison écossaise de rapports sociaux féodaux et claniques évolua dans la même direction, bien que beaucoup plus lentement, à la mesure de l’arriération et de l’isolement de l’économie écossaise. D’autant que la petite bourgeoisie écossaise, concentrée dans les villes du sud de l’Ecosse, s’intéressait bien plus au riche marché anglais et au commerce colonial qu’aux vastes territoires arriérés du nord. Mais surtout, à défaut de révolution sociale comparable à la révolution anglaise, les titres de propriété féodaux ne furent même pas formellement abolis en Ecosse. Les anciennes formes de propriété évoluèrent progressivement vers les nouvelles, le nouveau contenu capitaliste conservant une enveloppe féodale.
Mais une fois ce processus enclenché, il pénétra les coins les plus reculés de l’Ecosse, jusque dans les Highlands, et on assista, avec plus d’un siècle de retard, à une concentration de la propriété foncière encore plus brutale qu’en Angleterre. Dans un article écrit en 1853, dans lequel il s’attaquait à l’hypocrisie de la duchesse de Sutherland une aristocrate écossaise qui affichait une opposition vertueuse à l’esclavage en Amérique , Marx décrivit la façon dont cette même duchesse avait transformé son domaine des Highlands en exploitation capitaliste :
« Ce ne fut qu’à partir de 1811 que la véritable et ultime usurpation fut décrétée la transformation par la force de la propriété du clan en propriété privée du chef de clan, au sens moderne du terme. (...) Lorsque la duchesse de Sutherland hérita de ces propriétés (...) la population en était déjà réduite à 15 000 individus. La chère duchesse jeta son dévolu sur une réforme économique radicale et décida de transformer toute la région en prairies à moutons. Entre 1814 et 1820, ces 15 000 habitants soit environt 3 000 familles furent systématiquement évincés et exterminés. Tous leurs villages furent détruits et brûlés et leurs champs transformés en pâturages. Des soldats anglais furent engagés pour cette opération et en vinrent aux coups avec les autochtones. Une vieille femme fut brûlée vive dans l’incendie de la hutte qu’elle refusait de quitter. Ainsi la chère duchesse s’appropria-t-elle 794 000 acres [environ 321 000 hectares] de terres qui avaient appartenu au clan depuis des temps immémoriaux. Dans sa générosité exubérante, elle alloua aux autochtones expulsés quelque 6 000 acres [2 430 hectares] soit deux acres par famille [0,8 hectares]. Ces 6 000 acres avaient été laissés en friche jusqu’alors et ne rapportaient rien à leur propriétaire. La duchesse poussa la générosité jusqu’à les vendre pour un prix moyen de 2s 6d l’acre aux membres du clan qui, pendant des siècles, avait versé son sang pour sa famille. Puis elle divisa la totalité de la terre du clan, qu’elle s’était ainsi appropriée sans y avoir le moindre droit, en 29 fermes à moutons, chacune habitée par une seule famille, en général d’ouvriers agricoles anglais ; et en 1821, les 15 000 Gaëls avaient déjà été remplacés par 131 000 moutons. »
A l’issue de cette période, au milieu du XIXe siècle, 1 500 propriétaires terriens possédaient 90 % des terres écossaises. Ils en avaient transformé une grande partie en élevage de moutons ou en réserves de gibier, qu’ils géraient comme des entreprises capitalistes pour le compte des classes aisées d’Edimbourg et de Glasgow. Quant à la population rurale, elle était réduite à fort peu de choses. Ceux qui n’étaient pas allés grossir la masse croissante des miséreux de Glasgow avaient émigré vers l’Angleterre, l’Irlande ou les Amériques.
La grande propriété foncière aujourd’hui
Bien des choses ont changé, bien sûr, aussi bien en Ecosse qu’en Angleterre, depuis que les processus décrits ci-dessus ont été menés à leur terme. En particulier la démarcation entre capitalistes fonciers et capitalistes industriels ou financiers s’est faite de plus en plus floue avec le temps. Les grands agrariens ont été, par exemple, les premiers bénéficiaires du développement du chemin de fer, grâce aux rentes que leur a assurées l’exploitation de voies traversant leurs terres. Et, comme bien souvent ces rentes leur étaient versées sous forme de participation au capital, beaucoup ont ainsi fait leur entrée dans les milieux de la finance. Le même processus a permis aux grands propriétaires fonciers de vivre aux crochets des nouvelles industries qui se sont développées au XIXe siècle, en prélevant leur dîme sur le terrain occupé par les usines, les ports ou les mines. Seule sans doute l’énorme supériorité de l’essor industriel anglais en Europe a pu empêcher ce parasitisme de paralyser le capitalisme industriel naissant.
Ce qui a relativement peu changé en revanche, c’est le degré de concentration de la propriété foncière. Car même si les estimations contemporaines sur la propriété foncière dans son ensemble restent floues, elles en donnent quand même une idée.
Ainsi, à la fin des années soixante-dix, la Commission Diamond déjà citée estimait que 81 % des terres en Angleterre, au Pays de Galles et en Ecosse étaient propriété privée. Parmi ces terres détenues à titre privé, 91 % étaient entre les mains des 8 % les plus riches de la population (alors que ces mêmes 8 % possédaient « seulement » 40 % de la richesse nationale totale). Par ailleurs, les domaines aristocratiques encore intacts (que leurs propriétaires appartiennent encore à l’aristocratie ou non) continuaient à englober 53 % de toutes les terres privées, alors que les grandes propriétés de plus de 2 000 hectares étaient concentrées entre les mains de moins de 200 familles.
En ce qui concerne l’Ecosse, on dispose de chiffres plus récents grâce à de laborieuses compilations effectuées dans le labyrinthe du « Registre des Sasines ». En 1995, les propriétés de plus de 2 000 hectares englobaient 53 % des terres privées en Ecosse. Mais la taille des très grandes propriétés y était bien plus importante qu’en Angleterre : on y comptait 66 propriétés d’une surface égale ou supérieure à 12 000 hectares.
Une autre façon de se faire une idée de la concentration de la propriété foncière est de dépouiller l’enquête publiée chaque année par l’hebdomadaire Sunday Times, enquête qui recense les 1000 plus grosses fortunes de Grande-Bretagne. Dans son édition de 1999, 155 des noms cités tiennent leur richesse d’une activité principalement liée à la propriété foncière (rurale et urbaine) contre 142 d’une activité principalement industrielle (ce sont bien sûr la finance, les médias et les services qui occupent la plus grosse place). Parmi ces 155 propriétaires fonciers, 49 possèdent au moins 1 200 hectares de terres rurales, et souvent beaucoup plus, et tous sauf cinq sont des aristocrates (il est vrai que certains de ces « aristocrates » ont sans doute acheté leur titre dans les années vingt). Ensemble, ces 49 individus possèdent près de 600 000 hectares de terres, soit près de quatre fois la superficie de l’agglomération du Grand Londres !
Propriété foncière et grand capital
Le fait que la grande propriété foncière relève du domaine du grand capital peut être illustré par deux exemples. Le duc de Buccleuch, ancien député conservateur de 1960 à 1973, est depuis 1970 le plus grand propriétaire foncier du pays, et même d’Europe. Il possède 105 000 hectares, mais également 4 500 hectares dans le Northamptonshire, riche région du centre de l’Angleterre. Il a plus d’un millier de salariés permanents sur ses terres (un effectif énorme pour le secteur agricole), possède 16 000 têtes de bétail et vend chaque année 50 000 tonnes de bois.
Le duc de Westminster, véritable héritier de « sang bleu » s’il en est, figure au quatrième rang de la liste du Sunday Times. Il « pèse » 17,5 milliards de francs à lui tout seul. Ses actifs fonciers comprennent 40 500 hectares en Ecosse, 6 100 hectares dans le Cheshire (centre-ouest de l’Angleterre) et 5 700 hectares au nord du Pays de Galles, sans parler de ses propriétés à l’étranger, évaluées à quelque 3 milliards de francs. Tout cela, et bien d’autres actifs encore, est géré de la manière la plus bourgeoise du monde, par une société holding, Grosvenor Estates, dont le duc détient 100 % des parts.
Qu’ils soient de souche aristocratique ou non, la plupart des grands propriétaires terriens sont avant tout des capitalistes tout ce qu’il y a de plus « plébéiens » dans leur façon de s’enrichir. Pour son domaine de 10 500 hectares dans le Suffolk (centre-est de l’Angleterre), le comte d’Iveagh s’est vanté d’avoir reçu un « joli chèque avec six zéros » (sept zéros en francs), au titre de la Politique Agricole Commune Européenne. De quoi rappeler en passant que ce sont justement ces grands agrariens qui sont les principaux bénéficiaires des aides agricoles toujours proportionnelles à la surface des terres ou au nombre de têtes de bétail. Dans le cas de la Grande-Bretagne, ce sont en particulier eux qui ont bénéficié des quelque 40 milliards de francs de compensation distribués aux éleveurs de bovins, suite à la crise de la « vache folle ».
Et pourtant ces grands propriétaires ne sont certainement pas dans le besoin. Et en particulier pas ce comte d’Iveagh, chef de la puissante famille Guinness, qui non seulement produit la prestigieuse bière du même nom mais contrôle un véritable empire dans l’agro-alimentaire.
Bien d’autres grands noms de l’aristocratie et de la grande propriété foncière se retrouvent dans le Who’s Who du grand capital. Certains se sont lancés dans la finance, comme partenaires du marché des assurances Lloyd’s. D’autres sont dans les médias, comme le vicomte Cowdray, qui dirige l’empire médiatique du groupe Pearson (propriétaire, en particulier, du quotidien d’affaires Financial Times). D’autres sont dans des secteurs liés directement ou indirectement à l’agriculture, comme Lord Vestey, dont le Vestey Group est l’un des grands noms du transport maritime et de l’industrie alimentaire.
Mais parmi les très grands agrariens, on trouve aussi quelques noms qui n’ont plus rien d’aristocratique. Hans Rausing, par exemple, propriétaire du groupe d’emballage Tetra-Laval et l’homme le plus riche de Grande-Bretagne, a acheté il y a peu 19 000 hectares de terres en Ecosse. Et la famille Fleming, qui contrôle la banque d’affaires Robert Fleming, a également acquis récemment 36 000 hectares de terres, aussi en Ecosse.
Il existe en effet une excellente raison pour les familles de la grande bourgeoisie qui ne savent que faire de leurs liquidités, pour acheter de très vastes propriétés, et notamment en Ecosse, où la faible densité de peuplement réduit d’autant les risques de conflit avec la population locale. Cette raison, c’est la fraude fiscale. La terre est en effet l’un des nombreux instruments qui permettent de cacher d’importantes sommes d’argent aux yeux du fisc, du fait du secret qui entoure les transactions foncières. Elle a en outre l’avantage de donner droit à d’importantes exonérations d’impôts, en raison de prétendus investissements censément destinés à améliorer l’agriculture ou l’environnement toutes choses que le fisc a bien du mal à contrôler, si tant est qu’il en ait la volonté, ce dont on peut douter. Qui plus est, le foncier est encore aujourd’hui le principal moyen d’échapper complètement aux droits de succession, et cela de la façon la plus légale du monde ce qui, en soi, donne une mesure du poids que conservent les grands agrariens dans les allées du pouvoir.
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