Publié le 2 Janvier 2010
Bien que ce blog soit consacré à la géopolitique de la Russie et des régions polaires , je ne peux pas passer sous silence les choses que j'ai pu voir ou entendre lors de mon voyage en Serbie du 20 au 31 décembre 2009 .
La Russie ne sera pas absente puisque la Serbie est actuellement une région ou se joue une sourde lutte d'influence entre elle et ce qu'il est convenu d'appeller " l'occident " .
J'ai été le témoin au cours de mes rencontres de l'ampleur de cette lutte dont seul quelques titres de manchettes se font le pâle écho .
Cette lutte est culturelle , stratégique , économique , informationnelle et même philosophique .
Elle se manifeste aussi bien dans la construction d'un hub gazier pour le South-Stream en Voijvodine que dans la lutte entre l'alphabet latin et cyrillique .
Je vous parlerais dans d'autres articles par exemple de la publication d'un nouveau journal consacré à la Russie " Roussiya Danas " ( La Russie aujourd'hui ) alors que la chaîne " Pervyi kanal " , apres avoir été censurée en France à la veille d'une émission consacré au " 11/09 " , se voit désormais interdite d'antenne en Serbie sur les réseaux cablés liés aux intêrets de George Soros .
Mis à part de rares exceptions je serais obligé de taire le nom de mes interlocuteurs Serbes , que ce soient des universitaires ou des réfugiés du Kossovo , afin de protéger leur vie privée et même leur sécurité car ceux ci appartiennent pour la plupart à ce qu'il est convenu de nommer " l'opposition Nationale-Patriotique " .
Ces interlocuteurs étaient pour la plupart des Serbes , mais j'ai aussi pu rencontrer des membres de la communauté Russe qui " s'organise " .
Malheureusement lors de mon départ , j'ai oublié mon appreil photo et ainsi j'illustrerais mes articles par des photographies prises sur le web .
Avant toute chose , je tiens ici à remercier mes amis Français et mes nouveaux amis Serbes pour la chaleur de leur accueil fraternel .
Un voyage est avant tout un .........voyage .
Pour l'aller , j'ai pris un bus de la société " Lasta " ( L'Hirondelle ) entre Marseille et Belgrade . Le voyage dure environ 24h .
Des le début vous êtes plongé dans une atmosphère Balkanique car la totalité des voyageurs sont des Serbes ou des Franco-Serbes . L'obstacle de la langue apparaît des que vous présentez vos bagages au chauffeur à la gare routière de Marseille .
Le départ a eu lieu vers 14 h et à la tombée de la nuit , vers 18 h , la frontière Franco-Italienne est atteinte .
La traversée de l'italie du Nord s'effectuant durant la nuit on ne peut pas observer le paysage . Seuls apparaissent les panneaux routiers des villes traversées : Brescia , Venise , .............
De temps en temps apparaissent du côté de Vicenze des panneaux indiquant l'occupation de ce pays par les forces armées Etasuniennes .
Avant l'heure du " coucher " , un des chauffeurs passe pour demander " l'étrenne des douaniers Croates " : Trois Euros par personne afin d'éviter que ceux-ci ne débalent vos bagages sur le bord de la route . Ils seront versés " de la main à la main " lors du passage de la frontière Slovéno-Croate .
Durant le voyage j'ai pu visionner trois films . Le premier " Maratontsi " raconte une sombre histoire de succession dans la Yougoslavie de 1934 . Il commence d'ailleurs par des images d'actualité montrant l'assassinat du Roi Alexandre à Marseille , le deuxième nous plonge dans la Serbie du XIX eme siècle et raconte les amours d'une jeune Serbe soumise aux avances d'un officier et d'un notable local coiffé d'un tarbouche , le troisième nous plonge dans l'atmosphère des orchestres Tziganes de cuivres .Une atmosphère qui rappelle , bien-sûr , les films d'Emir Kusturica ; Un jeune Tzigane , amouraché d'un jeune Serbe "slave ", dirige un orchestre de cuivres . Le Père , qui dirige lui aussi un orchestre de cuivre , ne veut pas de cette union . Le jeune Tzigane enlève la jeune fille , le Père part à la poursuite des fugitifs ... Ils se réconciliront lors d'un concours annuel , célèbre en Serbie , d'orchestres .
Ces orchestres Tziganes j'ai eu de la chance de les rencontrer dans les rues de Belgrade ou subsiste une coutume disparue chez nous : Les orchestres viennent jouer en échange de quelques dinars au pied des fenêtres .
La frontière Italo- Slovéne est franchie vers 4h30 du matin sans contrôle . Ce n'est pas la partie Alpine de la Slovénie que le bus traverse mais la plaine . Une plaine sans identité , une " morne plaine " , constellée d'entrepôts et d'églises qui rapellent celles de nos campagnes .
Il en sera ainsi jusqu' à la frontière Croate . Au poste Slovéno-Croate , artificiel car il se trouve au milieu de cette " morne plaine " et de par sa construction qui fait penser à un péage d'autoroute , on assiste au premier reliquat des tensions et des drames qui ont enflammé l'ex-Yougoslavie .
Une jeune douanière Croate , le visage fermé , hautain et transpirant de morgue monte à bord du bus .
Elle a look d'un policier New-Yorkais , casquette de " cop " et gilet pare-balles , revolver à la ceinture . Sans un mot elle regarde les passeports et en descendant , comme le fait remarquer un voyageur , elle se fend "pour une fois "d'un " Dober Dan " ( Bonjour ) .
Le bus s'arrête dans un motel entre la frontière Croate et la frontière Serbe . Avant de descendre , le chauffeur nous met en garde contre la mafia locale .
Des joueurs de bonneteau s'activent devant l'entrée du motel et si vous esquissez le moindre regard vers eux , les " protecteurs " vous encerclent et vous délestent de votre argent . Je rentre dans le motel , " protégé " par ma voisine qui est Franco-Serbe et qui sait qu'il faut se méfier de ces personnes avec lesquelles la police locale est complice contre lesquelles la police locale ne fait rien .
Je commande deux cafés . A peine avons nous eu le temps de les terminer que les joueurs de bonneteau rentrent dans le café et s'installent par terre devant l'entrée . Il est temps de rentrer dans le bus .
A la frontière Croato-Serbe , c'est la deuxième vexation infligée aux passagers de ce bus .
Nous sommes obligés de descendre dans le matin glacial en dehors du bus , de rester debout devant le poste-frontière pendant une demi-heure devant un panneau interdisant de fumer sous peine de lourdes amendes . Le tout sous le regard des gabelous Croates installés dans leurs guérites chauffées .
C'est aprés le poste de frontière Serbe que l'on prend contact pour la première fois avec l' " Orient " .
L'autouroute Zagreb-Belgrade traverse une bande forestière de 3 à 4 km de large et tout de suite aprés , sur la gauche , apparaît la coupole d'un monastère Orthodoxe .
Quelques kilométres plus loin c'est le premier motel Serbe et une sation-service du pétrolier Russe LuKoil !
Nous avons changé de monde et de civilisation et l' on " sent " un caractère dans cette plaine de Syrmie .
Nous sommes passé d'une " Beauce Sloveno-Croate sans âme " à un " Perigord Noir Serbe " ou à une " Bretagne Serbe " .
La terre Serbe a une âme ! Il y a un " Terroir Serbe " qui vous" parle " dés que vous avez franchi cette bande forestière .
Ici c'est immédiatement à la " Geographie des frontières " de Jacques Ancel qui vous revient à l'esprit .
Puisqu'il est ici question de frontières , j'ai pu assister à une émission diffusée sur la chaîne " B-92 " , liée aux interêts de Soros . Celle ci se faisait l'écho des problèmes nés de la dislocation dl'Ex-Yougoslavie , particulièrement entre la Slovénie et la Croatie . Des agriculteurs ont vu leur propriété morcellée entre deux états , les pêcheurs de crevettes Slovènes du Golfe de Piran doivent utiliser toutes les ressources de leur GPS pour ne pas tomber sous les coups de la garde-cotière Croate ....
Il est ainsi "curieux" , remarquer les guillemets , de constater que ceux qui ont été les thuriféraires de l'éclatement de la Yougoslavie et du dépeçage de la Serbie distillent aujourd'hui une vulgate " sansfrontiériste " !
Sur le plan géographique , historique et géopolitique il existe un endroit particulier à Belgrade : La forteresse de Kalemegdan .
J'ai eu la possibilité de la visiter par trois fois : De nuit , par un matin brumeux et pluvieux , à midi en plein soleil .
Regarder la confluence de la Save et du Danube du haut des remparts de cette forteresse est un spectacle qui laisse un souvenir profond et fort à l'amateur d'histoire et de géopolitique .
Pour comprendre le rôle stratégique de cette forteresse , il faut d'abord regarder une carte en relief en plastique soufflé de Belgrade : Kalemegdan est située sur un colline qui domine la confluence de la Save et du Danube .
Du haut des remparts , il faut fermer les yeux et s'imaginer que sur l'autre rive s'étend la plaine de Voijvodine autrefois partie de l'Empire Austro-Hongrois à l'emplacement actuel du Novi-Beograd . La forteresse de Kalemegdan vous " parle " elle aussi ! Il suffit de savoir l'écouter .
C'est de ce Danube qu'est venue en 1914 la flotille de monitors fluviaux Austro-Hongrois pour bombarder , le premier des quatre bombardements sur cette ville au cours du XX eme siècle , Belgrade .
Un diporama au musée militaire situé au sein de cette forteresse montre que canons Serbes et Autrichiens se fait face sur les deux rives du fleuve .
L'image que je retiens , c'est aussi ce train de barges remontant le Danube qui souligne son rôle économique tout en soulignant le rôle de " verrou " que joue Belgrade .
L'autre emplacement " tellurique " de Belgrade , c'est la Cathédrale Saint-Sava .( Храм Светог Саве ) .
Celle-ci est actuellement en cours de renovation mais la majesté des coupoles vertes émeraude sur les murs blancs albâtre [ on ne le voit pas sur la photo donnée en illustration ] frappe le visiteur " Occidental " , et pourtant " Orientophile " , que je suis .
Sur l'un des côtés de la Cathédrale , en venant de la Place Slavija , une immense statue du Saint-Patron vous accueille : " Saint-Sava is watching you ! "
Que dire , quoi écrire devant tant de majesté ?
L'autre" choc" c'est aprés avoir pénetré en son sein : De part et d'autre de l'entrée pendent depuis une hauteur de plus de 20 m deux immenses bannières aux couleurs de l'Etat Serbe et frappées de la Croix Serbe .
On est bien loin de notre notion frileuse de " laîcité " !
Sur le plan architectural , il faut aussi signaler la majesté du bâtiment de la Grande Poste de Belgrade et du Ministère de l'Economie , au caractère " Neo-Speerien " , dont les colonnes classiques nous rapellent que Belgrade a été une capitale royale , féderale et aussi la capitale du mouvement des non-alignés .
" Colonnes caractéristiques de toutes les sociétés d'ordre " me fait remarquer mon ami . La Serbie , la Yougoslavie royale ou Titiste ont été des " sociétés d'ordre " !
Ce caractère " Neo-Speerien " , on le retrouve aussi dans les ruines des bâtiments du Ministère de la Défense et de l'Etat Major de la JNA détruits lors de l'agression de L'Organisation Terroriste de l'Atlantique Nord en 1999 . Même en ruines , ils conservent leur majesté et d'eux s'émane une impression Impériale . Les Serbes et les Yougoslaves ont su construire des édifices qui conservent leur majesté même aprés leur destruction totale ou partielle : La " théorie des ruines " trouve , malheureusement , à Belgrade son application.
Un voyage c'est aussi un voyage culinaire . J'ai eu la chance de gouter à des spécialités Balkaniques , apprécier à chacune de mes rencontres le Rakija dont beaucoup de Belgradois vous offrent une version familiale obtenue auprés d'un parent : La Serbie est encore une sociète rurale .
Les saveurs de l'Orient apparaissent au détour d'un Loukoum degusté à la Slava maigre de la Saint-Nicolas chez un ami Serbe , ceux ci ont un aspect et un gout beaucoup plus oriental que dans nos boutiques de " pâtisseries orientales " , dans le blé grué de la Slatko ( équivalent Serbe de la coutume Russe du pain et du sel ) . Ces saveurs transparaissent aussi au travers de la Teleca Corba , soupe au saucisson et à la crême , dans un Srpskisendvic degusté sur le pouce , sandwich avec des cornichons " Malossol " ( à la Russe ) ou dans le Turska Caffa , le Café Turc .
Belgrade est une ville qui s'occidentalise , j' y reviendrais , mais heureusement je n'ai pu y voir que DEUX " Mac-Do " , les Serbes leur préférent des chaînes Italiennes de cafés ou des chaînes et des magasins distribuant de la restauration rapide à base de spécialités locales .
La resistance Serbe se manifeste aussi dans la nourriture !
L'Orient est aussi présent dans la langue Serbe , que ce soit lorsque vous disez " Hvala " - Merci - ( Prononcer Khvala en commençant par un feulement ) ou lorsque vous commandez une corba , une soupe .
Que dire du voyage de retour ?
J'ai emprunté le vol Belgrade- Frankfurt de la Lufthansa . Au départ j'ai juste pu observer la richesse de la plaine de Voijvodine ou l'habitat est beucoup plus regroupé qu'en France .
A l'arrivée à Frankfurt une petite émotion : Le pilote a du reprendre son aterrissage en raison des mauvaises conditions atmosphèriques .
En ce 31 décembre l'aéroport de Frankfurt était envahi par les troupes d'occupation Etasuniennes , avec une grande majorité d'Afro-Americains , qui renvoyaient leur épouses et leurs enfants Outre-Atlantique par Boeing entiers .
La " Schwarze Schade " est toujours ressentie comme j'ai pu le constater dans certaines remarques , sous le manteau , de voyageurs Allemands excédés par ce déferlement .Ces propos " choquants " dépeignent pourtant la réaction de certaines personnes ce matin du 31 décembre 2009 à l'aéroport de Frankfurt , y compris celle d'une serveuse de café pourtant certainement habituée à une " correction commerciale " .
J'ai pu sentir la fébrilité soudaine des services de sécurité aéroportuaires depuis le 25 déc. qui se sont étonnés de mon " Calot de Gendarme Serbe " ( J'ai hésité avec un calot de la JNA ) ramené à titre de souvenir avec la reproduction d'une vieille carte de Belgrade .
Les " Souvenirs matériels " , ce sont des calendriers Orthodoxes , un calendrier à l'effigie de Draga Mihailovic , deux icônes de Saint-Sava pour ma filleule et une amie Russe , deux écharpes du " Partizan " pour mon fils et un cousin , des figurines peintes de soldats Serbes de la PGM et un livre de documents diplomatiques ( Français-Serbe ) sur les exactions commises par les Albanais au Kossovo à la fin du XIX eme siécle .
Les " Souvenirs immateriels " , ils se bousculent dans ma tête !
Juste aussi pour écrire , sans verser dans l' " Arthusbertranisme " , que le survol des Alpes Franco-Suisses sous le soleil est magnifique, de même que l'arrivée sur la " Baie des Anges " !