La fonte des glaces, clé des trésors de l'Arctique par Tatiana Sinitsyna, RIA Novosti
Les premiers résultats de l'expédition dans la mer de Kara organisée par l'Académie russe des sciences en octobre 2007 ont été dévoilés. Le parcours effectué par le navire de recherche Akademik
Mstislav Keldych, rattaché aux programmes scientifiques nationaux, s'inscrivait également dans le cadre de l'Année polaire internationale, appelée à étudier les transformations de l'écosystème et
du milieu naturel de l'Arctique liées au réchauffement climatique.
"Le choix s'est porté sur la mer de Kara en raison de plusieurs éléments, a expliqué le directeur de l'expédition et vice-directeur de l'institut d'océanologie de l'Académie russe des sciences Mikhaïl Flint. D'un côté, ce bassin maritime se trouve sous l'influence des eaux arrivant en Arctique depuis l'océan Atlantique, de l'autre, c'est une mer sibérienne classique dans laquelle se jette de puissants fleuves, l'Ob et l'Ienisseï, et possédant un énorme plateau continental".
Le plateau continental est un endroit où se concentrent différents phénomènes climatiques déterminant les processus à venir dans la zone Arctique. "L'Arctique change sous l'influence des processus globaux, cependant les processus qui s'y effectuent au sens strict ont eux aussi leur influence sur le climat, a souligné M. Flint. En outre, dans ce système interdépendant agissent certaines causes fondamentales (par exemple, le processus de brassage vertical de l'eau), qui sont capables de provoquer une fonte massive des glaces".
En tout, depuis 12 ans, la surface de la banquise du bassin arctique a diminué de 25-27%, et la couche de glace est devenue sensiblement moins épaisse. En 2006-2007 a été observée la transformation la plus forte jamais enregistrée en 50 ans d'étude: la surface de la banquise a diminué de 1,5 millions de kilomètres carrés. Cette situation s'explique par les nombreuses conséquences hydrologiques et hydrophysiques du changement de la température globale.
A côté de l'aspect climatique, l'Arctique intéresse également pour bien d'autres perspectives. C'est d'abord l'exploitation des ressources biologiques océaniques et la présence d'énormes réserves d'hydrocarbures sur le plateau continental. En outre, avec l'avancée du réchauffement, une part importante de ces territoires peut s'ouvrir à la navigation, ce qui permettra à la route maritime du Nord de fonctionner tout au long de l'année. Selon Mikhaïl Flint, "il est même difficile de s'imaginer le niveau d'économies que cela représentera en matière de liaison entre l'Europe et l'Amérique, et de combien tombera le prix du transport de pétrole". Cette prévision est importante sur le plan économique, et pas seulement pour la Russie. Par exemple, le trajet Rotterdam-Yokohama se réduira de 40% par rapport à l'itinéraire actuel passant par le canal de Suez.
La richesse incroyable du plateau continental arctique en hydrocarbures est un aspect extrêmement important pour l'avenir énergétique de l'humanité. L'Arctique est composé à 30% de mers épicontinentales peu profondes, et 70% de ces territoires appartiennent à la Russie.
Comme l'affirment les spécialistes, rien que les réserves d'hydrates de gaz et de condensat de gaz présentes sur les plateaux continentaux de l'Est de l'Arctique sont comparables à la totalité de ce qu'on trouve sur la partie terrestre du globe. Il est vrai, leur exploitation reviendra très cher, et impliquera d'énormes investissements, un potentiel technique totalement nouveau, et des méthodes innovantes.
L'une des découvertes les plus intéressantes de l'expédition, d'après le professeur Flint, est que le système de circulation de l'eau dans la mer de Kara s'organise d'une manière bien différente de ce qu'on pensait jusqu'alors. Il a été établi que lors d'une période significative de l'année (hiver exclu), le courant passe le long de la berge orientale de la Nouvelle Zemble pour sortir du bassin, alors qu'on estimait jusque-là qu'il était orienté vers l'intérieur de la "poche" de Kara. De là une conclusion dont les conséquences peuvent s'avérer déterminantes: si à l'avenir la Russie déploie des installations d'extraction sur le plateau continental, une certaine quantité d'hydrocarbures sera emportée par le courant et se répandra dans l'Arctique.
Les scientifiques sont très préoccupés par la sécurité écologique de l'activité économique sur le plateau continental. "La vie des écosystèmes arctiques à cette latitude est courte, à savoir entre deux mois et deux mois et demi, et toutes les productions biologiques se forment dans ce petit laps de temps, souligne Mikhaïl Flint. La navigation non réglementée, la construction galopante et l'exploitation irrationnelle des ressources peuvent transformer les écosystèmes arctiques sensibles en un gigantesque dépotoir qu'il sera très difficile de nettoyer. Parfois, rien qu'une légère influence sur eux peut suffire à provoquer des processus destructeurs. Un des exemples les plus parlants de ce genre de danger nous est donné par les traces laissées par les véhicules tous terrains dans la toundra. Elles mettent des dizaines d'années à disparaître, et dans les ornières se forment des échanges de chaleur qui exercent une influence négative sur la merzlota. La même chose pourrait se produire dans la mer".
Mais peut-on en principe considérer la zone arctique comme une région propice au développement d'une puissante infrastructure destinée à la route maritime du Nord, et à la mise en place d'installations d'extraction d'hydrocarbures? Peut-on parler aujourd'hui d'une tendance prolongée au réchauffement? Qu'est-ce qui garantit que, une fois toutes ces perspectives économiques rendues possibles, le processus de réchauffement ne s'inversera pas? Et qu'une nouvelle stratégie capable d'assurer une exploitation sécurisée et rentable des territoires arctiques ne soit pas nécessaire? Personne ne se risque aujourd'hui à répondre à ce genre de questions.
En théorie, l'Arctique peut fondre. Les scientifiques spécialisés en paléoclimatologie affirment que ce genre de variations climatiques ont existé par le passé également. Certains se disent même certains que nous nous trouvons aujourd'hui au sommet des fluctuations du réchauffement, que ce processus est global et qu'on ignore combien de temps il se poursuivra. Mais une chose est sûre. Ce qui se passe en Arctique revêt pour tous une énorme importance, et ce, dès aujourd'hui.
Article original
http://fr.rian.ru/analysis/20080514/107321604.html
"Le choix s'est porté sur la mer de Kara en raison de plusieurs éléments, a expliqué le directeur de l'expédition et vice-directeur de l'institut d'océanologie de l'Académie russe des sciences Mikhaïl Flint. D'un côté, ce bassin maritime se trouve sous l'influence des eaux arrivant en Arctique depuis l'océan Atlantique, de l'autre, c'est une mer sibérienne classique dans laquelle se jette de puissants fleuves, l'Ob et l'Ienisseï, et possédant un énorme plateau continental".
Le plateau continental est un endroit où se concentrent différents phénomènes climatiques déterminant les processus à venir dans la zone Arctique. "L'Arctique change sous l'influence des processus globaux, cependant les processus qui s'y effectuent au sens strict ont eux aussi leur influence sur le climat, a souligné M. Flint. En outre, dans ce système interdépendant agissent certaines causes fondamentales (par exemple, le processus de brassage vertical de l'eau), qui sont capables de provoquer une fonte massive des glaces".
En tout, depuis 12 ans, la surface de la banquise du bassin arctique a diminué de 25-27%, et la couche de glace est devenue sensiblement moins épaisse. En 2006-2007 a été observée la transformation la plus forte jamais enregistrée en 50 ans d'étude: la surface de la banquise a diminué de 1,5 millions de kilomètres carrés. Cette situation s'explique par les nombreuses conséquences hydrologiques et hydrophysiques du changement de la température globale.
A côté de l'aspect climatique, l'Arctique intéresse également pour bien d'autres perspectives. C'est d'abord l'exploitation des ressources biologiques océaniques et la présence d'énormes réserves d'hydrocarbures sur le plateau continental. En outre, avec l'avancée du réchauffement, une part importante de ces territoires peut s'ouvrir à la navigation, ce qui permettra à la route maritime du Nord de fonctionner tout au long de l'année. Selon Mikhaïl Flint, "il est même difficile de s'imaginer le niveau d'économies que cela représentera en matière de liaison entre l'Europe et l'Amérique, et de combien tombera le prix du transport de pétrole". Cette prévision est importante sur le plan économique, et pas seulement pour la Russie. Par exemple, le trajet Rotterdam-Yokohama se réduira de 40% par rapport à l'itinéraire actuel passant par le canal de Suez.
La richesse incroyable du plateau continental arctique en hydrocarbures est un aspect extrêmement important pour l'avenir énergétique de l'humanité. L'Arctique est composé à 30% de mers épicontinentales peu profondes, et 70% de ces territoires appartiennent à la Russie.
Comme l'affirment les spécialistes, rien que les réserves d'hydrates de gaz et de condensat de gaz présentes sur les plateaux continentaux de l'Est de l'Arctique sont comparables à la totalité de ce qu'on trouve sur la partie terrestre du globe. Il est vrai, leur exploitation reviendra très cher, et impliquera d'énormes investissements, un potentiel technique totalement nouveau, et des méthodes innovantes.
L'une des découvertes les plus intéressantes de l'expédition, d'après le professeur Flint, est que le système de circulation de l'eau dans la mer de Kara s'organise d'une manière bien différente de ce qu'on pensait jusqu'alors. Il a été établi que lors d'une période significative de l'année (hiver exclu), le courant passe le long de la berge orientale de la Nouvelle Zemble pour sortir du bassin, alors qu'on estimait jusque-là qu'il était orienté vers l'intérieur de la "poche" de Kara. De là une conclusion dont les conséquences peuvent s'avérer déterminantes: si à l'avenir la Russie déploie des installations d'extraction sur le plateau continental, une certaine quantité d'hydrocarbures sera emportée par le courant et se répandra dans l'Arctique.
Les scientifiques sont très préoccupés par la sécurité écologique de l'activité économique sur le plateau continental. "La vie des écosystèmes arctiques à cette latitude est courte, à savoir entre deux mois et deux mois et demi, et toutes les productions biologiques se forment dans ce petit laps de temps, souligne Mikhaïl Flint. La navigation non réglementée, la construction galopante et l'exploitation irrationnelle des ressources peuvent transformer les écosystèmes arctiques sensibles en un gigantesque dépotoir qu'il sera très difficile de nettoyer. Parfois, rien qu'une légère influence sur eux peut suffire à provoquer des processus destructeurs. Un des exemples les plus parlants de ce genre de danger nous est donné par les traces laissées par les véhicules tous terrains dans la toundra. Elles mettent des dizaines d'années à disparaître, et dans les ornières se forment des échanges de chaleur qui exercent une influence négative sur la merzlota. La même chose pourrait se produire dans la mer".
Mais peut-on en principe considérer la zone arctique comme une région propice au développement d'une puissante infrastructure destinée à la route maritime du Nord, et à la mise en place d'installations d'extraction d'hydrocarbures? Peut-on parler aujourd'hui d'une tendance prolongée au réchauffement? Qu'est-ce qui garantit que, une fois toutes ces perspectives économiques rendues possibles, le processus de réchauffement ne s'inversera pas? Et qu'une nouvelle stratégie capable d'assurer une exploitation sécurisée et rentable des territoires arctiques ne soit pas nécessaire? Personne ne se risque aujourd'hui à répondre à ce genre de questions.
En théorie, l'Arctique peut fondre. Les scientifiques spécialisés en paléoclimatologie affirment que ce genre de variations climatiques ont existé par le passé également. Certains se disent même certains que nous nous trouvons aujourd'hui au sommet des fluctuations du réchauffement, que ce processus est global et qu'on ignore combien de temps il se poursuivra. Mais une chose est sûre. Ce qui se passe en Arctique revêt pour tous une énorme importance, et ce, dès aujourd'hui.
Article original
http://fr.rian.ru/analysis/20080514/107321604.html