C'est un film particulièrement intéressant dont la diffusion vient de se terminer sur Cine Classics et pourtant il est peut-être le moins connu de la filmographie d'Humphrey BOGART . Si le héros ne meurt pas à la fin on aurait pu même l'appeler " Casablanca - La première partie " ou " Rick en Syrie " . Le courage de Cine Classics est d'autant plus à souligner que ce film a été au programme sur cette chaîne pour sa dernière diffusion le 17 avril 2021 , c'est à dire pour le 75éme anniversaire de l'indépendance de la Syrie du joug colonial Français le 17 avril 1946 . Cet anniversaire - connu sous le nom de " la journée de l'évacuation " - a d'ailleurs été fêté en grande pompe sur la base Russe de KHMEIMIN .
Ce film est particulièrement intéressant car il se déroule historiquement 17 années avant "Casablanca" et " 20 années avant " Le Port de l'Angoisse " mais il fut tourné 7 années après ce dernier ! C'est film c'est aussi au delà de l'amourette une Weltanschauung de l'Hollywood du début des années 50 sur l'armée Française qui se bat alors en Indochine .
L'action comme le titre ne l'indique pas se déroule à DAMAS durant la révolte Druze de 1925 , un sujet que j'ai déjà évoqué sur ce blogue , et il serait presque une illustration du livre " A Damas sous les bombes " d'Alice PULLEAU. Curieusement si le film semble faire parfois référence au travers de quelques une des scènes à l'occupation d'une ville en Europe par les armées Allemandes : Patrouilles Françaises à pied lors d'un couvre-feu , convoi de camions précédés de side-cars , prise d'otages parmi la population civile c'est à la guerre d'Algérie qui va commencer dans quatre ans et plus particulièrement à la bataille d'Alger que ce film fait penser !
Le synopsis en est le suivant :
En 1925, à DAMAS, lors de la Grande Révolte Syrienne contre le mandat Français l'américain Harry SMITH pratique la contrebande d'armes à feux avec les rebelles Syriens.
Du côté français, face à la détérioration de la situation, le général LaSalle ( le général Maurice SARRAIL ) ordonne l’exécution de civils en représailles à l'attaque de soldats Français. Le colonel FEROUD le persuade d'annuler ce plan et entame des négociations avec le chef rebelle l'émir HASSAN ( probablement l'émir Fuad ARSLAN ) . Mais ces dernières échouent.
En collaboration avec le commandant LEON , FEROUD entame alors une enquête afin d'identifier la filière par laquelle les rebelles se ravitaillent afin de remonter à HASSAN . Il interroge différents commerçants susceptibles de pratiquer la contrebande avec les rebelles. Harry fait alors la connaissance de VIOLETTA la maîtresse de FEROUD . Plus tard, il est dénoncé par le spéculateur BALOUKJIAN . Informé, Harry tente alors de fuir au Caire et emmène avec lui VIOLETTA qui souhaite elle aussi échapper à FEROUD et quitter la Syrie.
Cependant, Harry manque de se faire capturer par une patrouille française et doit renoncer à son plan d'évasion, ayant perdu son argent dans sa fuite. Sans moyens, il est dénoncé et termine devant le colonel FEROUD qui lui demande son aide en échange de sa vie. Pour échapper à l'exécution, Harry accepte d'aider FEROUD et une rencontre avec HASSAN est organisé.
Le premier des éléments à signaler c'est le début du film pour nous en présenter le contexte : Point de texte en surimpression sur un fond mais deux séquences rapides où l'on voit des journalistes rencontrer le chef de la rébellion émir HASSAN puis le général LaSALLE qui mettent en situation le conflit puis un " DAMASCUS 1925 " avec une ville orientale en feu .
Alors pourquoi faire un lien avec la bataille d'ALGER qui se déroulera six ans après la sortie du film ? Tout d'abord à cause de la topographie des lieux où est censée se dérouler une assez grande partie de l'action , de mythiques catacombes Romaines ! La plupart des plans y sont filmés en contre-plongée et on se retrouve dans une "montée " à l'image des rues tortueuses de la Casbah .
Ensuite on peut penser aux modus operandi de la résistance Syrienne - un modeste petit vieux qui vend des fleurs - qui pose des grenades dans le restaurant " MOULIN-ROUGE " ou Harry dîne et où il sauvera VIOLETTA .On pense immédiatement aux attentats du " MILK-BAR " ou du " Casino de la Corniche " . Bien sûr rien de tel en Syrie en 1925 mais les scénaristes ont du certainement penser aux actions de la Résistance en France durant la Second Guerre Mondiale contre les Allemands. Enfin ce sont les camions remplis de prisonniers civils les mains sur la tête encadrés par des militaires qui sont emmenés " pour interrogatoire " . Une scène que l'on reverra dans " Les Centurions " de Mark ROBSON . Le dernier élément c'est un des éléments centraux de ce film : Les livraisons d'armes aux rebelles par Harry qui les dissimule dans ses charrettes d'abricots secs . On pense aussitôt aux trafics qui ont eu lieu sur la côte Algérienne , par exemple à bord du Slovenija .
Le point de vue sur l'armée Française est assez intéressant ! Tout d'abord c'est une armée métissée qui est décrite dans ce film , ce qui était historiquement le cas en Syrie et comme l'a montré un reportage de Life Magazine dans les années 30.
Une superbe scène lorsque le colonel FEROUD tance VIOLETTA après une nouvelle soirée au " MOULIN-ROUGE " nous fait penser un peu au " Le rôle social de l'officier " de Philippe LYAUTEY .
" Tu m'as humilié [ en parlant à Harry au restaurant ] Je suis un officier Français et tout ce que je dis et je fais est ausculté par tout le monde . Tu dois te comporter dignement en ma compagnie ."
Le sommet est atteint lorsque Harry se rend en voiture en compagnie du commandant LEON pour payer à HASSAN la rançon du colonel FEROUD :
"- C'est quoi l'équivalent chez vous de notre West-Point ?
- Saint-Cyr !
- Vous avez des enfants ?
- Oui , j'ai un fils .
- Et je suppose qu'il suivra les traces de son Père et qu'il ira dans cette école où l'on apprend tout plein de choses du genre " Pour la Patrie * "
* En Français dans le texte .
Je terminerai la critique de ce film par souligner la magnifique interprétation "Levantissime" et " Raminagrobienne " de Zero MOSTEL - mondialement connu pour " Les Producteurs " - dans le rôle du spécu... Marchand BALOUKJIAN qui précipitera la chute de Harry et celle de David BOND - avec son fez et sa paire de lunettes rondes - dans le rôle d'ACHMET , l'aide de camp taciturne au regard de tueur d'émir HASSAN .
Ce film n'est pas une défense de la résistance Syrienne face aux militaires Français lors de l'insurrection de 1925 , il est finalement neutre puisqu'on peut déceler une critique de la radicalité des insurgés Syriens lors du dialogue entre le colonel FEROUD et HASSAN à la fin du film lorsque le chef Syrien commence par refuser la trêve proposée par FEROUD , mais il a le mérite qu'on en parle en ce jubilé de l'indépendance Syrienne . On peut se poser la question de savoir si les scénaristes du film ont articulé le narratif sur le rendez-vous entre le colonel FEROUD et émir HASSAN sur les projets de capture des chefs de la rébellion Syrienne par le renseignement militaire Français - la branche que dirige FEROUD dans le film - lors de la révolte de 1925 ?
[ Article en cours de rédaction ]
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