Publié le 9 Octobre 2010
J'ai souvent évoqué dans ce blogue la politique de restructuration et de modernisation du cluster maritime Russe et plus particulièrement du Cluster Maritime Russe de l'Arctique entreprise par le Président Vladimir Poutine et poursuivie par son successeur Dmitri Medvedev , toujours sous la supervision du Premier Ministre Vladimr Poutine et du Vice- Premier Ministre Serguei Ivanov .
Qu'en est il du Brésil ?
Tout comme en Russie pour Gazprom et Rosneft , la découverte et la mise en exploitation de réserves pétrolières off-shore principalement sur le site de Prè-Sal a fait prendre conscience au gouvernement du Président Lula du caractère stratégique du secteur de la construction navale pour la pétrostatale Petrobras .
Cette prise de conscience s'est faite au niveau du Bureau des Affaires Stratégiques - SAE- dirigé par le Ministre Pinheiro Guimaraes et s'est traduite , comme en Russie , par la mise en oeuvre d'un plan de modernisation des chantiers navals axé dans un premier temps sur la construction de navires d'assistance à la recherche et à l'exploitation pétrolière off-shore , de pétroliers , de navires de commerce et de plateformes de forage .
Ce plan a été surnommé Programa de Modernização e Expansão a Frota - Promef et fait parti du Programa de Aceleração do Crescimento - PAC - ou Programme d'Accélération de la Croissance .
Lancé en 2004 il est divisé en plusieurs phases avec l'objectif final de construire 146 navires d'assistances divers à l'industrie pétrolière [ logistique , études géophysiques , ... ] et 49 navires de transport destinés principalement à la filiale de transport maritime de Petrobras , Transpetro .L'autre objectif de ce plan est une modernisation de la filière de la construction navale pour l'adapter aux normes de productivité internationales et donner des capacités d'exportation aprés avoir donné les capacités de satisfaire la demande nationale . Le Brésil vise à reconquérir sa place de puissance navale ayant été dans les années 60 le deuxième centre de la construction navale au monde derrière le Japon . [ 5 ]
Ce plan se divise en deux premières parties :
PROMEF I :
Construction de 10 Suezmax , 5 Aframax , 4 Panamax , 4 pétroliers , 3 méthaniers
PROMEF II :
Construction de 4 Suezmax , 3 Aframax , 8 pétroliers , 5 méthaniers .
La plupart de ces navires seront équipés des technologies d'aides à la navigation les plus modernes comme des systémes de positionnement dynamiques leur permettant d'accoster à des centres de production off-shore . L'objectif final du PROMEF est de satisfaire 100% du tonnage nécesasire à Transpetro pour le cabotage et 50% du tonnage au long cours .[ 11 ] p°21
La troisiéme phase de ce programme - PROMEF III - a été lancée au mois de mars 2010 afin de prendre en compte les nouvelles découvertes effectuées à Prè-Sal . [ 1 ] - [ 10 ] - [ 11 ]
Ce plan qui est placé sous la supervision de l'état Brésilien associe les grands chantiers navals est doté d'un financement de 5 milliards USD obtenus aux travers d'organismes comme le Banco Nacional de Desenvolvimento Econômico e Social -BNDES .
Selon Sergio Machiado président de la société Transpetro , le programme PROMEF va créer 200 000 emplois directs ou indirects et va permettre à Transpetro d'économiser 500 Mio USD sur une facture de 1.2 Mia USD par an tout en garantissant la souveraineté du Brésil dans un secteur stratégique . Aujourd'hui aprés six années d'existence du programme , le secteur de la construction navale Brésilien est le quatrième au monde et vient de rattraper la Turquie en terme de tonnage commandé . De moins de 2000 employés il y a 10 ans , le secteur de la construction navale Brésilienne emploie aujourd'hui 45 600 personnes et le cap des 50 000 devrait être atteint à la fin de l'année .
Sur le plan des technologies et particulièrement des technologies de construction modulaires des navires - une étape shuntée par la construction navale Brésilienne durant la crise des années 80 et 90 - les chantiers navals Brésiliens ont choisi de s'associer à des entreprises du Sud-Est Asiatique et principalement la société Sud-Coréenne Samsung Heavy Industries .
Cette société au travers d'un contrat de USD 29 Mio et d'une prise de participation de 10% assure la modernisation du plus grand chantier naval d'Amérique du Sud - Estaleiro Atlantico Sul - en y effectuant des transferts de technologie et de savoir-faire [ Know - How ] [ 2 ]
Durant la première phase du programme PROMEF , l'objectif est d'intégrer 65% de technologie nationale .La deuxième phase prévoit d'atteindre une part de 70% pour un objectif final d'intégrer les technologies d'aides à la navigation et de propulsion de conception et de fabrication Brésilienne . Des ses débuts le programme PROMEF a fait l'objet d'une étude précise de ces capacités nationales , depuis la capacité de fabrication en systèmes propulsifs jusqu'à la production d'acétylène en passant par la production d'équipements électriques , afin d'atteindre ces objectifs sans se retrouver face au goulot d'étranglement qu'aurait pu génerer sur le plan financier leur acquistion à l'étranger . [ 11 ] - p°27et 28
Le premier navire du programme PROMEF - le Suezmax João Cândido - été lancé le 7 mai 2010 aux chantiers navales Atlantico Sul ( PE ) en présence du Président Lula et de la candidate Dilma Roussef . Cette présence de l'ex-ministre des Mines et de l'Energie qui a suscité des polémiques au Brésil avait pour objectif clair de montrer que le programme PROMEF n'était pas un programme de gouvernement mais bien un programme d'état .[ 3 ]
Le deuxième navire du programme - le Suezmax Celso Furtado - a été lancé le 24 juin 2010 à l' Estaleiro Mauá de Niterói ( RJ ) . [ 4 ]
Evoquant la mémoire de cet économiste Brésilien qui avait toujours plaidé pour le développement du Nordeste au travers d'une action énnergique de l'état , le président de Transpetro déclarait :
" Nous sommes fiers que les rêves de Celso Furtado , ses idées ont pu être transformées en une réalité , en acier et que cet acier puisse changer la vie des gens " [ 9 ]
La plupart des employés des chantiers navals Brésiliens occupaient précédemment des emplois peu rémunérateurs et peu considérés : Pêcheurs , ouvriers agricoles dans des plantations ou domestiques . L'accés à une qualification professionelle et à un emploi bénéficiant d'une reconnaissance sociale plus grande a touché beaucoup de familles . [ 5 ]
Cela faisait 13 ans qu'un chantier naval civil Brésilien n' avait pas reçu de commandes de l'état .
Tout comme les chantiers navals Russes du Cluster Maritime Russe de l'Arctique , les chantiers navals Brésiliens ont du faire face au goulot d'étranglement du manque de main d'oeuvre qualifiée . Ces clusters maritimes ont fait face par deux politiques de recrutement différentes au delà de la formation dans des centres de formation technique - Senai au Brésil .[ 5 ]
Si les entreprises Russes ont cherché à favoriser la mobilité nationale et même internationale - Pologne et Ukraine - par une politique de salaires attractifs , les chantiers navals Brésiliens ont organisé avec l'aide du corps diplomatique basé en Asie du Sud-Est et principalement au Japon le " rapatriement " de la main d'oeuvre partie à l'étranger aprés le début de la crise dans les années 80 . Cette politique de " retour des cerveaux et des bras " visait non seulement les Nissei cad les Nippo-Brésiliens mais les " Brésiliens de souche " qui ont quitté leur pays .Désormais la vitalité des chantiers navals Brésiliens provoque même une immigration en provenance du Japon . [ 6 ]
Dans le domaine des plateformes de forage off-shore , les débuts de la revitalisation du secteur au Brésil datent de l'an 2000 avec la transformation de deux tankers en centre de production off-shore FPSO [ floating, production, storage, and offloading ] et cette revitalisation fait l'objet d'un programme annexe baptisé Programa de Mobilização da Indústria do Petróleo e Gás Natural–PROMINP lancé en 2003 .
Les deux premiers centres de production off-shore P-43 et P-48 ont été mis en service sur les champs de Barracuda et Caratinga dans le bassin de Campos . [ 7 ]
Aujourd'hui l'industrie navale Brésilienne vient de franchir un nouveau pas avec l'annonce faite par le Président Lula lors de l'inauguration de la plateforme P-57 aux chantiers navals Brasfels à Angra dos Reis. Une plateforme qui intégre conformément aux directives du plan PROMEF II déja 68 % de technologie nationale . [ 8 ]
" Le Brésil va construire ici des plateformes pour d'autres pays " a déclaré le Président Brésilien en précisant que ces plateformes seraient en premier lieu destinées aux sociétés travaillant en Amérique du Sud .
" Nous allons avoir besoin de beaucoup de pétroliers , de beaucoup de plateformes et aussi de beaucoup de chantiers navals [ Pour la mise en valeur de Prè Sal - NDLR ] "
a ajouté le Président Lula dans un discours au ton patriotique que n'aurait pas renié Getulio Vargas le fondateur de Petrobras et auteur du slogan " O petroleo é nosso ! "
Ce discours souverainiste le Président Lula l'avait déja tenu lors du lancement du João Cândido :
" Certains prétendent que dans ce monde globalisé nous devons acheter nos navires en Corée , en Chine par ce qu'ils sont moins chers . Mais nous défendons l'idée que c'était la bonne solution de les construire ici afin que nous ne perdions pas notre technologie "
" Nous avons plusieurs chantiers navals . Nous avons des chantiers à Rio de Janeiro , Pernambouco , au Rio Grande do Sul , nous construisons un chantier à Salvadore de Bahia et nous allons construire des chantiers navals partout ou c'est nécessaire par ce qu'avec eux le Brésil y gagne beaucoup "
" Nous sommes en train de construire une structure puissante afin d'avoir une industrie de la construction navale puissante . Nous voulons exporter des navires de forage , des plateformes et des pétroliers " [ 9 ]
Bien sûr ces succés de l'industrie navale Brésilienne ne plaisent pas à tout le monde . Le programme PROMEF a du subir les moqueries et les critiques condescendantes de la presse financière Anglo-Saxonne - plus particulièremment le Financial Times et The Economist - qui y ont vu la manifestation d'un Petrostatisme - souverainisme pétrolier - mal placé avant d'esayer de faire bonne figure et d'accorder un satisfecit tardif . Cette politique souverainiste qui a porté ses fruits au bout de seulement six ans est en train de compromettre les investissements occidentaux - Anglo Saxons - réalisés dans le cadre de la division internationale du travail en particulier ceux réalisés dans le secteur de la construction navale tandis que ces investisseurs , mis à part quelques sociétés Asiatiques , se sont vu refuser de facto , puisque l'essentiel du fiancement est assuré par des organismes comme le BNDES , l'accés à ce plan de modernisation .
Les chiens ont aboyés et la jangada passe : Le Brésil est non seulement en train d'acquérir la maitrise des technologies liées à l'exploration , la production et le transport des hydrocarbures mais il se positionne desormais comme un exportateur de ces technologies le tout dans un contexte de réapropriation et d'extension de sa souveraineté sur les ressources du plateau continental de l' " Amazonie Bleue " .
Mais rien n'est gagné ! Tout comme à l'époque de Getulio Vargas le courant des entreguistas favorables à l'externalisation principalement au profit du capital Anglo-Saxon des activités pétrolières ou parapétrolières Brésiliennes en échange de royalties posséde des capacités de lobbying importantes et des appuis politiques puissants . Le courant Petrostatiste dispose toutefois d'appuis importants au sein de l'Armée Brésilienne et principalement au sein de la Marine pour qui pétrole off-shore et projection dans l'Atlantique-Sud sont liés . Ce programme civil de construction navale comporte un pendant militaire sur lequel je reviendrais .
Liens :
[ 1 ] Promef III lançado este ano
[ 2 ] Korea helps Brazil rebuild shipbuilding industry
[ 3 ] Petrobras recebe o primeiro navio “Suezmax” construído no Brasil em mais de uma década
[ 4 ] Transpetro lança 2º navio do Programa de Modernização da Frota
[ 6 ] Estaleiro de Suape tem "invasão" de dekasseguis
[ 7 ] [Revitalization of the shipbuilding industry - Petrobras Magazine
[ 8 ] Lula: Brazil to Build Rigs for South American Oil Companies - Article de Latin American Herald Tribune .
[ 9 ] SHIPPING | Made in Brazil
[ 10] Transpetro launches the first Promef vessel to sea -
Analyse
[ 5 ] LIDERANÇA PERDIDA - A indústria naval renasce das cinzas Correio Braziliense du 28 juin 2010 .
Quero ressaltar um aspecto muito importante: a qualificação dos trabalhadores. A grande maioria dos operários do Estaleiro Atlântico Sul ganhava a vida como pescador, cortador de cana ou doméstica. Todos eles, cuja atividade anterior não era valorizada, receberam formação em três fases. Na primeira, houve reforço do ensino básico, com a duração de três meses. O segundo estágio foi no Senai, onde os trabalhadores receberam base teórica e treinamento prático. A terceira fase, oferecida pelo próprio estaleiro, foi de qualificação final para as atividades de soldador, caldeireiro, mecânico, montador e pintor. Não há nada que pague ver a expressão de felicidade estampada no rosto dos trabalhadores, pessoas que jamais imaginaram que um dia seriam capazes de construir um verdadeiro monumento, como é o navio João Cândido.
Documentation
[ 11 ] Présentation du programme PROMEF au XXéme COPINAVAL - 2007