L'Islande va voter sur fond de crise économique .
Publié le 23 Avril 2009

Les Islandais éliront samedi 25 avril les 63 députés de l'Althing, leur Parlement. Il s'agit d'un scrutin anticipé à la suite de l'effondrement du système bancaire du pays, qui a entraîné en janvier des manifestations de rue violentes et la démission du gouvernement. Une coalition provisoire de gauche (sociaux-démocrates et écologistes de gauche) a été formée jusqu'à l'organisation des élections.
Le journaliste étranger qui atterrit en Islande est généralement déçu. Où est cette crise qui a touché l'Islande bien plus dramatiquement que tous les autres pays d'Europe ? Les 4 × 4 rutilants, même s'ils sont moins nombreux, encombrent toujours les artères de Reykjavik. Certains centres commerciaux rendent l'âme, on sait que leurs fleurons les plus prestigieux sont en cessation de paiement, mais il faut aller dans la rue principale, Laugavegur, pour avoir un avant-goût du désastre. Un magasin sur trois est fermé et seuls les cafés et les restaurants résistent tant bien que mal dans l'attente des touristes que la belle saison ramène aussi sûrement que l'hirondelle des mers, le macareux et autres oiseaux migrateurs.
Interroger les Islandais ? Ils répondront toujours qu'ils sont confiants en l'avenir. "En cas de revers, il faut serrer les dents en attendant que ça s'arrange", dit la sagesse islandaise. Se plaindre, en cette terre luthérienne, est l'équivalent d'un péché mortel chez les catholiques. Les faits pourtant sont là. Quelque 40 % d'Islandais en moins voyagent à l'étranger. Les ventes de meubles ont chuté de moitié depuis l'automne, l'électroménager également. Les achats de voitures, sur les trois premiers mois de 2009, ont baissé de 92 %. Sans parler du marché de l'immobilier, atone au point qu'a cessé de paraître un journal de petites annonces qui, le lundi matin, faisait la joie des Islandais en leur donnant l'impression, en pleine euphorie haussière, qu'ils étaient de plus en plus riches. La Bourse, qui avait perdu 94 % de sa valeur en 2008, continue à descendre. Les faillites d'entreprises se succèdent.
Les conséquences sociales de cette débâcle se cachent encore, ou plutôt n'atteignent que les couches les plus marginales. Mais le mercredi, il est impossible de se garer près de la maison où des sacs de nourriture gratuite sont distribués aux démunis.
Le scrutin intervient trop tôt pour que le paysage politique en sorte bouleversé. Les sondages cependant prévoient un net glissement à gauche de l'électorat. Le Parti de l'indépendance (conservateur), après dix-huit années au pouvoir, a laissé le pays exsangue. Les conservateurs ont en outre du mal à se dépêtrer du renflouement de leur caisse par des entreprises qui étaient leurs obligées, une affaire embarrassante bien que parfaitement légale.
En perte de vitesse, les centristes risquent de perdre leur rôle de charnière. L´électorat rural qui leur faisait confiance a fondu. Ils souffrent aussi d'avoir été longtemps, auprès des conservateurs, la cheville ouvrière de la période 2002-2008, que l'on nomme avec ironie "la prospérité".
Les sociaux-démocrates, requinqués par la présence à la tête du gouvernement de Johanna Sigurdardottir devenue depuis peu la présidente du parti, devraient être les vainqueurs du scrutin. Conserver un niveau de protection sociale comparable à celui des nations scandinaves est, pour les Islandais, une question de dignité, et ce sont les sociaux-démocrates, selon les sondages, qui paraissent le mieux aptes à le faire.
Les "rouges-verts", crédités de 26 % des voix, bénéficient de leur intégrité et d'une opposition constante à la politique des années passées. Leur faiblesse ? Leurs convictions écologiques que l'électorat, en période de crise aiguë, trouve peu prioritaires ou trop idéalistes. Et puis il y a les orphelins de la "révolution des ustensiles de cuisine" qui, jour après jour en janvier, ont tapé en cadence sur des casseroles devant le Parlement. Une nouvelle formation s'en réclame, le Parti des citoyens, espoir pour les uns, récupération pour les autres. Il pourrait faire une timide percée.
La visibilité est nulle. Le Fonds monétaire international ne remettra sa feuille de route qu'après les élections. La couronne islandaise a perdu près de la moitié de sa valeur en quinze mois, le contrôle des devises est total et les avoirs étrangers gelés. Les cours du poisson manifestent des signes de faiblesse et celui de l'aluminium a tellement baissé que l'électricité, dont le prix est indexé, est vendue à perte. Comment repartir ? Aucun parti n'a le courage de dire que la situation ne peut que s'aggraver.