Mladic – Le boucher des Balkans (sic) vu par France 2
Publié le 4 Juin 2011
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Q – Yves Bataille, vous avez regardé le film suivi par un débat. Comment l’analysez-vous ?
Yves Bataille – Ils ont présenté ça comme un film mais c’est de la grossière propagande. Mal fait et typique de la désinformation médiatique contemporaine. Cela ose se présenter comme une enquête. Le « film » commence par trois mensonges, l’attentat de Markale, les snipers serbes à Sarajevo et une exécution sommaire à Srebrenica. Tout le monde sait que l’attentat du marché de Sarajevo (Markale) a été commis par les Bosniaques Musulmans pour en incriminer les Serbes. Le premier attentat a été fait avec une mine bondissante. C’est un type de mine qui saute et qui explose à hauteur d’homme. Il y avait déjà eu un semblable montage devant une boulangerie rue Vasa Miskin et la télévision bosniaque comme par hasard présente, avait filmé avant, pendant et après. Cette propagande parle des tireurs embusqués serbes mais chaque camp en avait. Au début de la guerre le journaliste Philippe Buffon a réalisé pour Envoyé Spécial un reportage sur le sujet. Il a filmé ces « snipers » bosniaques que le film ignore car il faut faire croire qu’il n’y avait que des snipers serbes. Enfin l’affaire de l’exécution sommaire de bosniaques qui venaient de tuer des Serbes s’est déroulée à Trnovo, à 170 kilomètres de Srebrenica. Mais l’extrait vidéo collé au mot Srebrenica sert à accréditer la légende du massacre de 8.000 bosniaques musulmans dans l’enclave.
Pour le reste le film nous a ressorti tous les clichés habituels et montré l’immoralité de ses auteurs. Ce criminel de Mladić a eu le toupet de faire la fête, de jouer aux échecs et de marier son fils. Et sa femme a prouvé que l’amour était plus fort que l’argent. C’est inadmissible. Le film nous a baladé dans des coins reculés de Bosnie pour filmer des paysans, des membres de la famille du « criminel de guerre ». De braves gens refusant d’abord de parler à des inconnus puis s’épanchant devant ces espions d’opérette à caméra cachée en offrant le raki. On a eu droit au James Bond de sous préfecture Raymond Carter, ce gendarme de la république qui se vante d’avoir chassé le criminel de guerre et d’avoir été entravé dans ses recherches par des méchants. Le film reprend enfin à son compte les dires des dirigeants serbes actuels, accusant l’ancien président Kustunica d’avoir saboté la « traque » du « criminel de guerre ».
Q – Que dire du débat ?
Yves Bataille – Après le film le débat censé être conduit par Nicolas Poincaré, ancien envoyé spécial de France Info en Yougoslavie, n’a pas eu lieu. Nous avions d’un côté, y compris avec ce Poincaré, des accusateurs patentés de Serbes, Florence Hartmann et Rémy Ourdan, et censé être de l’autre, Dusan Bataković, l’ ambassadeur de Serbie en France. Mariée à un croate, l’hystérique Hartmann a commencé sa guerre contre les Serbes au Monde et l’a continuée comme porte parole du Tribunal de La Haye avant d’être inculpée en 2008 et condamnée en 2009 par ce même TPIY pour divulgation de documents confidentiels. Cela n’a pas été évoqué. Dans ses activités journalistiques Rémy Ourdan a toujours fait preuve d’une hostilité rabique envers les Serbes. Ce collaborateur de Crimes of War dirigé par Roy Gutman, David Rieff & Anthony Dworking continue sa croisade en couvrant pour Le Monde la « révolte libyenne ». Enfin l’ambassadeur Bataković, membre du Club Atlantique Serbe, n’était là que pour défendre la politique du gouvernement Tadic et empêcher un autre serbe de dire la vérité.
En effet, il faut savoir que le débat consécutif au film a été enregistré deux fois. Une première fois le 6 janvier dernier avec pour représentant de la partie serbe, Milivoje Bata Ivanišević, porte parole de Radovan Karadzic au Tribunal de La Haye et président de l’association des victimes de guerre serbes. Ce qu’a dit Milivoje Bata Ivanišević ne plaisait pas à ses interlocuteurs, au gouvernement serbe et au Quai d’Orsay. La 2 a donc tout simplement sucré le premier débat et en a improvisé un faux qui convenait mieux à la défense de la vérité officielle. Comme l’on dit, Français c’est comme ça que vous êtes informés.
Q – Avez-vous quelque chose à ajouter ?
Yves Bataille – D’abord une remarque sur deux phrases du faux débat. Pour Nicolas Poincaré « un cadeau de choix a été offert à la communauté internationale ». On en revient toujours à cette étiquette mensongère qui cache la réalité géopolitique car la communauté internationale ça n’existe pas. Ou si ça existe ce n’est rien d’autre que l’étiquette de l’impérialisme anglo-américain et de sa succursale de Bruxelles, dite Union Européenne. Ensuite ces mots serviles de l’ambassadeur aligné, qui s’emboîtent sur la phrase du journaliste de service : « c’était une obligation internationale pour la Serbie » (…) Pour cet ambassadeur la livraison au Sanhédrin de résistants de son pays est une obligation internationale.
Ensuite, et c’est sans doute la chose la plus importante, cette information puisée dans les milieux généralement bien informés à Belgrade, ceux qui disposent des renseignements : si le général Mladić a bien été arrêté pour la photo à Lazarevo, petit village du Banat près de la ville de Zrenjanin, en réalité il était déjà depuis un moment en prison à l’autre bout de la Serbie occupée dans la base américaine de Camp Bondsteel au Kossovo d’où il a été transféré pour les besoins de la mise en scène et du « calendrier démocratique ». L’arrestation du général Mladić, telle qu’elle nous a été racontée, est donc un mensonge de plus dans une longue série de mensonges.