Salon de l'agriculture URSSIenne : Les blés URSSIens continueront - encore - d'alimenter l'univers .
Publié le 25 Février 2024
Alors que le 60 éme salon de l'agriculture vient de s'ouvrir dans une atmosphère "Roquenrolle" j'en profite pour commencer à faire le point sur l'agriculture URSSIenne qui n'est " ni l'URSS , ni le Far-West "™© pour reprendre une phase désormais célèbre depuis quelques heures .
Vous y verrez une mesure fort intéressante que l'on pourrait d'ailleurs très bien adapter en France pour financer de manière ciblée certaines productions . Si elle existe - ou ont existé avec les " préts bonifiés " - j'invite mes derniers lecteurs à me le signaler .
Tout d'abord un retour sur cette crise des œufs et des filets de poulets qui a fait la une du MSM-PGC Occidentalien avant de disparaître .
Les raisons en sont multiples : Une stagnation de la production à son niveau de 2022 - ou 2020 selon certaines autres sources - et une demande accrue qui a emballé une hausse de prix " naturelle ". La hausse a été réelle : Entre le 9 janvier et le 4 décembre 2023 le prix à la consommation a augmenté de 45%. Cette hausse des prix s'est aussi emballée en raison de demandes spéculatives qui ont provoqué des " effets de panique " dont les vidéos distribuées sur les RS Occidentaliens ont accru l'effet .
Des élevages ont été aussi confrontés à la hausse des taux du crédit de 7% à 15% , ce qui a limité leurs possibilités d'investissements.
Pour faire face à cette hausse des prix le gouvernement Russe a supprimé à partir du 13 décembre 2023 les droits de douane d'importation sur les œufs pour certains pays ( Turquie , Kazakhstan , Azerbaïdjan , ... ) . Cette mesure sera mise en œuvre du 1er janvier au 30 juin 2024 et permettra de supprimer la taxe d'importation de 15% sur 1,2 milliard d'œufs .
Toutefois il semble que ces œufs ne soient pas destinés en priorité au marché des particuliers mais aux industriels . Les distributeurs hésitent à se rendre dépendants de nouvelles chaînes de fournisseurs , en particulier de Turquie où des banques ont refusé des paiements en provenance de Russie , et ne veulent pas se rendre dépendants d'une mesure de réduction des droits de douane temporaire .
Cet article que je voulais écrire il y a maintenant un mois , le 24 janvier 2024 , avait pour but de souligner une nouvelle performance de l'agriculture Russe. Performance qui semble inquiéter beaucoup de monde sur la planète , depuis notre MAE Stéphane SÉJOURNÉ jusqu'au Département d'Etat Etasunien . Notre cher ministre craint en effet que les " nouveaux territoires " Russes n'accroissent encore plus cette puissance agricole . Comme un pied de nez à M.SÉJOURNÉ la première estimation réaliste pour ces " nouvelles régions Russes " a été faite par M. Vladimir PETRICHENKO , directeur du centre analytique ProZerno , dans les colonnes de TASS™ ce 2 mars 2024 . " Ces régions [ RP du Donetsk et RP de Louhansk , Zaprojié et Kherson - NDLR ] ont un potentiel immense pour la production de blé et de tournesol. Ce sont des terres à blé et à tournesol et elles ont une importance prépondérante pour nos marchés du blé et du tournesol. Le potentiel pour les céréales peut-être estimé à 4-6 millions de tonnes. En ce qui concerne le tournesol , c'est deux millions de tonnes aujourd'hui et plus de trois millions dans le future. "
Comme je l'ai déjà écrit sur ce blogue , cette " Guerre pour la Méotide " c'est aussi une guerre pour les ressources.
Le ministre a noté qu'en 2023, la récolte de céréales en Russie s'élevait à 143 millions de tonnes et qu'avec les nouvelles régions, environ 147 millions de tonnes de céréales étaient attendues. Voilà qui ne va pas faire plaisir à M. SÉJOURNÉ ! Toujours en 2023, la production de lait a augmenté de 500 000 tonnes et celle de viande de 300 000 tonnes. Les statistiques de ROSSTAT en date du 29 février 2024 sont disponibles sur ce lien.
Il faut noter que les organismes de contrôles et de prévisions internationaux - en particulier l'USDA-CIA ( c'est la même maison in fine ) - ont de plus en plus de mal à évaluer la tendance de la production Russe , tout simplement car les " crop tours " qui servent à corroborer et calibrer les observations satellitaires sont désormais presque impossibles dans l'espace URSSIen , et en particulier dans les " nouveaux territoires " . Une autre source de renseignement fort utile pour le renseignement Occidentalien et en particulier Etasunien a disparue : Les courtiers en matières premières . L'USDA-CIA est donc obligée de se fier aux statistiques de ROSSTAT comme l'indique l'article. ( voir lien vers les statistiques supra ).
Les productions halieutiques malgré les boycotts Occidentaliens et en particulier Etasunien ont aussi atteint des records . Il est fort probable que la dénonciation de l'accord de pêche avec le Royaume-Uni soit une forme de " thésaurisation " de la ressource de la Mer de Barents : « Les producteurs de pêche ont assuré la capture maximale de ressources biologiques aquatiques en 30 ans : 5,3 millions de tonnes. En particulier, la Russie est devenue le premier pays producteur mondial de saumon : Le volume de la production y a dépassé 600 000 tonnes ». Ce saumon provient essentiellement des pêcheries du Pacifique mais le développement de l'aquaculture est soutenu.
La Russie va aussi développer la " pisciculture nucléaire " à l'image de ce qui se fait en France à Gravelines avec la société AQUANORD™. Il s'agit d'utiliser les rejets thermiques d'une centrale nucléaire pour créer les conditions favorables à l'élevage de poissons . Cet élevage de truite arc-en-ciel se fera sur le territoire de la ville de Polyarnye Zori prés de la centrale nucléaire de KOLA - Кольская АЭС . La première phase de la construction de la pisciculture qui prévoit un bassin pour la production de 4 millions d'alevins sera achevée début 2026. Un canal de rejet des eaux de refroidissement chaudes de 2km de long permet de maintenir hors glace une partie du Lac d'Imandra . Les responsables du projet ne se cachent pas qu' "il s'agit de s'affranchir de technologies et de produits étrangers , en particulier en provenance de Norvège " .
Vue du Lac d'Imandra en hiver avec la zone libre de glace au débouché du canal de rejet des eaux de refroidissement de la centrale nucléaire de KOLA . Parcs à alevins
La principale nouveauté de l'année 2024 pourrait être l'apparition en force de la Russie sur le marché du porc . Cela concerne en particulier les exportations vers la RPC qui vient d'autoriser les élevages Russes ; Les premières entreprises Russes viennent de recevoir leurs licences d'exportation. La production porcine est l’industrie qui connaît la croissance la plus rapide dans le secteur de l’élevage du complexe agro-industriel Russe. Si en 2010 son volume était de 2,3 millions de tonnes, il a presque doublé en 2023, atteignant 4,4 millions de tonnes. Malgré la croissance parallèle rapide de la consommation - presque une fois et demie sur 10 ans - les entreprises d'élevage et les fermes privées ont réussi à saturer complètement le marché intérieur . Les importations étaient tombées à 17 000 tonnes en 2022 avec des quotas de 100 000 tonnes et elles ont du commencer à rechercher des opportunités d'exportation. La Russie est l'un des six plus grands producteurs de porc au monde - après la Chine, les États-Unis, l'Allemagne, le Brésil et l'Espagne - mais les concurrents sont présents depuis longtemps dans les chaînes d'approvisionnement mondiales, et les Russes ont dû affiner leur offre .
La coopération agro-alimentaire au sein des BRICS entre les deux pays n'est toutefois pas interrompue et se renforce . Cinq usines de transformation de viande bovine et de volaille - voir supra - Brésiliennes ont été autorisées par le " Secutor alimentaire " Russe - Rosselkhoznadzor - à exporter de la viande transformée en Russie . On sait combien cet organisme est pointilleux !
Est ce que cela veut dire que cette croissance va se poursuivre ? Non !
Les planificateurs du ministère de l'Agriculture Russe prévoient d'ailleurs une diminution des recettes liées à l'exportation des produits agricoles . D'ici à 2030 les recettes des exportations agricoles devraient passer de 45 milliards d'USD à 36,3 milliards d'USD et la croissance du secteur agricole passer de 3% à 1,5% . Ceci est du à plusieurs facteurs nés de la " nouvelle réalité " post 24 février 2022.
- La réorientation des subventions vers des secteurs qui assurent la souveraineté alimentaire de la Fédération de Russie : Semences , élevage laitier , génétique , production d'oeufs et de volailles.
- La volonté de maintenir les prix sur les marchés intérieurs.
- La réorientation de la production vers des " pays amis " et des PVD en Afrique et en Asie. La part des " pays amis " atteint désormais 87% des exportations Russes.
Selon les données de l'institution Agroexport les principaux pays d'exportation ont été en 2022 ( les données de 2023 ne sont pas encore publiées ) : République Populaire de Chine , Turquie , UE , Kazakhstan , Corée du Sud et Egypte .
La décision de la Lettonie , que la Pologne pourrait bientôt suivre , d'édicter un embargo sur les productions agricoles Russes et Biélorusses justifie cette politique décidée début février .
Quand au Etats-Unis il se discute au Congrès la proposition d'un " No Russian agriculture act " qui non seulement bannirait l'importation de produits agricoles Russes mais qui chercherait aussi à " aider " certains pays à diminuer les importations de produits agricoles Russes. La plupart des experts Russes doutent de l'efficacité de cette mesure mais d'autres s'attendent éventuellement à des " difficultés commerciales ". Les exportations de céréales Russes sont par exemple très peu dépendantes des institutions internationales au travers desquelles les Etats-Unis comptent - dans un premier temps - mener leur offensive contre le secteur agricole Russe.
Il est à noter que le Président Russe Vladimir POUTINE a dénoncé ce chantage d' " aide désintéressée " des Etats-Unis dans le secteur agricole *dans son discours à la Conférence de Munich du 10 février 2007 et que tout le monde nous ressort depuis le 22 février 2022.
- La baisse des prix agricoles.
Sur le plan intérieur Russe deux nouvelles mesures qui pourraient intéresser les agriculteurs Européens et en particulier Français mais aussi les consommateurs . Jugez en par vous-même :
- Le gouvernement Russe vient de limiter les possibilités de transfert des terres agricoles pour d'autres activités, par exemple pour des activités minières ou l'urbanisation. Cela passera par un système de " double-clef " pour leur aliénation : L'une sera détenue par le propriétaire ( sujet , municipalité , particulier ,... ) et l'autre par l'État Russe au travers du Ministère de l'Agriculture . C'est une SAFER à la Russe si l'on veut ! Un registre national numérique des terres agricoles est en cours de création .Il permettra de connaître la réalité des terres agricoles en jachère qui représenteraient 5% de la surface agricole .
- L'introduction d'un système de prêts agricoles flottants ou taux différenciés : Les prêts aux taux les plus bas seront attribués aux secteurs les moins rentables ou ceux qui n'ont pas atteint leurs objectifs , en particulier ceux de souveraineté alimentaire. Deux secteurs seraient définis : Un secteur prioritaire et un autre " normal " Pour le premier secteur , le taux sera calculé à 30% du taux directeur de la Banque Centrale plus 2% , pour le second à 50% du taux directeur plus 2%. Au niveau actuel du taux directeur - 16% - les prêts seront émis à 6,8% et pour les autres à 10%. Cette décision a certainement été inspirée par la " crise des oeufs " que j'ai évoqué au début de cet article mais elle pourrait aussi certainement concerner le " panier du Bortsch " dont les productions souffrent de manque de rentabilité par rapport aux céréales destinées à l'exportation. De nombreux agriculteurs se sont ainsi détourné de la production de pommes de terre , de carottes et de choux pour s'orienter vers la production de céréales destinées à l'exportation. Le " panier du Bortsch " devient alors dépendant des importations et donc du cours du Rouble et désormais il peut-être affecté par des difficultés de règlements interbancaires internationaux.
Cette politique de taux différenciés est destinée bien sûr à stabiliser les prix sur le marché intérieur. Le taux des prêts sera révisable avec les évolutions - à la baisse - du taux directeur.
- Le gouvernement Russe envisage de créer ni plus ni moins qu'une " réserve agricole " afin de faire face à la pénurie du secteur agricole qui atteindrait entre 173 000 personnes et 200 000 personnes . Ceci passera par un recrutement qui se fera au travers d'une augmentation des subventions au étudiants du secteur agricole et des rémunérations du secteur. Jusqu'à présent la tendance était au rattrapage des salaires du secteur agricole mais du fait de la relance du CMI Russe la tendance s'est inversée en 2023. ( voir graphique )
Pour faire face à ce manque de main d'œuvre agricole une numérisation accrue et une robotisation - dronisation - accrue du secteur agricole est envisagée , surtout au travers du développement de logiciels et de technologies indigènes qui limitent cette expansion . Il faut noter que les entreprises Russes de systèmes de conduite automatique des machines agricoles sont parmi les plus performantes au monde .Les systèmes de guidage des robots démineurs " Uran 6 " sont ainsi issus de d'un logiciel civil agricole d'IA . Il n'est désormais plus rare de voir en Russie des moissonneuses-batteuses sans chauffeur ou l' ensemencement de champs de riz par drone hexacopter ou octocopter. La principale limitation à leur emploi dans certaines régions de Russie serait une interdiction liée à la menace des drones terroristes Ukrainiens. Ces interdictions édictées par le Ministère de la Défense concernent principalement le Centre et le Sud de la Russie.
Nota : Lorsque je cite un article je n'en fais pas la recension totale. Aussi, que ce soit pour la question de la hausse des prix sur les oeufs, sur les perspectives de l'agriculture Russe , sur la " réserve agricole " ou la numérisation de l'agriculture Russe je vous prie de vous reporter à l'article concerné. Il ne s'agit pas d'une volonté maligne de déformer ou de transformer la publication originale.
Ces sources ce sont principalement mais pas uniquement : TASS™, Kommersant™ , Vedemosti™, Agroinvestor™, Izvestia™
* " D'une part, des ressources financières - et souvent importantes - sont allouées à des programmes d'assistance aux pays les plus pauvres. Quoi qu'il en soit, et beaucoup le savent ici également, il n'est pas rare que les compagnies des pays donateurs eux-mêmes « les utilisent» . D'autre part, l'agriculture dans les pays industrialisés est toujours subventionnée, alors que l'accès des hautes technologies est limité pour d'autres.. "
MAJ du 03/02/2024 à 15h00 : Une autre mesure pourrait impacter , encore que cet impact est à évaluer , le secteur agricole Russe est l'amendement introduit par deux députés de la Douma à la loi " sur la protection de la concurrence ". L'amendement propose d'exclure du concept de " monopole " les prix bas ou les prix élevés par rapport au prix observés sur les marchés étrangers.
https://www.youtube.com/watch?v=1mZ6rPI9uM0
Ensemencement d'une rizière par le drone - Chinois - XAG XP 202