Publié le 21 Septembre 2009

BERLIN, 21 septembre - RIA Novosti. La construction du gazoduc Opal, visant à raccorder Nord Stream aux réseaux de transport gazier existants, sera lancée en octobre prochain en Saxe, a annoncé Bernd Vogel, PDG d'Opal Net Transport GmbH.

"Nous procédons actuellement au déblayage du site et aux travaux de terrassement. Selon nos calculs, le soudage des tubes et leur mise en place commenceront en octobre prochain", a affirmé M.Vogel cité par le service de presse de la compagnie.

Opal Net Transport GmbH est une filiale de Wingas, coentreprise fondée par le russe Gazprom et l'allemand Wintershall en vue de piloter la conception et la construction du gazoduc Opal.

D'une capacité de 36 milliards de m3 de gaz par an, ce pipeline reliera Greifswald à Olbernhau en traversant plusieurs länder fédéraux: le Mecklembourg-Poméranie occidentale, le Brandebourg et la Saxe. Il servira à acheminer du gaz vers la frontière entre l'Allemagne et la République tchèque.

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Publié le 20 Septembre 2009

MOSCOU, 19 septembre - RIA Novosti. Le ministère russe de la Défense a mis au point un programme de restauration de ses croiseurs porte-missiles lourds, a annoncé samedi au micro de la radio Echo de Moscou le vice-ministre Vladimir Popovkine.

"Nous disposons de quelques bâtiments de ce type, hérités de la flotte soviétique et nous avons mis au point un programme de leur restauration", a indiqué M.Popovkine.

Actuellement, la Marine russe est dotée d'un seul croiseur porte-missiles lourd à propulsion nucléaire Piotr Veliki. Il s'agit de restaurer et de moderniser les croiseurs Admiral Nakhimov et Admiral Lazarev. Le ministère de la Défense croit opportun de doter la Flotte russe de trois croiseurs dont un fera partie de la Flotte du Pacifique et les deux autres - de la Flotte du Nord.

L'utilisation des croiseurs porte-missiles lourds à propulsion nucléaire est dictée par la nécessité de réaliser des campagnes et des exercices à grande distance, a expliqué le vice-ministre.

"Pour cela, nous avons besoin de croiseurs porte-missiles lourds à propulsion nucléaire, car on ne va pas loin avec les moteurs diesel", a conclu M.Popovkine.

Note de l'Editeur
On notera une fois de plus l'importance particulière accordée à la Flotte du Nord .
Le croiseur porte-missiles lourd Piotr Veliki , basé à Severomorsk ,  a participé aux manoeuvres Russo-Venezueliennes VENRUS 2008 du 1-2 décembre 2008 .
Le 12 février 2009 son équipage a capturé 10 pirates au large des côtes Somaliennes .


Liens :

La classe Kirov sur le site de la F.A.S.



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Publié le 20 Septembre 2009

Si les dernières déclarations du secrétaire général de l'OTAN , et ancien premier ministre Danois , Anders Fogh Rasmussen ont retenu l'attention des médiats c'est sur le dossier de la défense anti-missiles et du moratoire proposé par l'administration Obama pour l'implantation de certaines de ses composantes en Pologne et en Tchéquie .[ 1 ]
L'arctique et les changements climatiques n'en ont pas pour autant été oubliée par le secrétaire général ces derniers jours .[ 2 ]
" Les changements climatiques pourront amener à des batailles pour des ressources en voie d'épuisement , principalement un manque d'eau potable et un manque de nourriture , et mener à des conflits armés "
" Nous allons assister à une augmentation des réfugiés climatiques et ceci va destabiliser la situation dans des régions déja instables "
" Dans l'espace de quelques années , les routes polaires seront ouvertes à la navigation . Nous allons avoir de nouveaux accés aux ressources énergetiques et ceci va augmenter la compétion [ entre nations - NDLR ] dans cette région du monde . Tout ceci pourrait amener à une confrontation [ entre états riverains - NDLR ] "

Depuis quelques années , l'Alliance mène une politique de plus en plus agressive vis à vis de la Russie dans l'arctique , soit institutionellement lors de manoeuvres au caractère anti-russe marqué ( Cold Response 2009 , Loyal Arrow 2009 )  , soit au travers de ses " proxys " , Canada , Norvège et Danemark , agissant sous leurs couleurs nationales . [ 3 ]
Apres un sommet consacré au dossier arctique en Février 2009 à Reykjavik , l'Alliance a annoncé son intention d'intervenir en tant qu'institution dans la région , un rôle que la Russie lui dénie [ 4 ] .
Le secrétaire général de l'OTAN doit rencontre le MAE Russe Serguei Lavrov le 24 septembre prochain à New-York [ 5 ]

On pourra noter que cette mise garde du secrétaire général de l'OTAN est passé presque totalement innaperçue dans les mediats " occidentaux " alors que des déclarations semblables de la partie Russe ont donné lieu à des pages et des pages d'interpréations fallacieuses ou(-et ) mensongères .




Liens :
[ 1 ]
OTAN-Russie: coopérer sur le bouclier antimissile (Rasmussen) - Depêche Ria Novosti du 18 septembre 2009 .
[ 2 ]
NATO Chief Calls For Engagement With Russia: Report - Depêche Reuters du 15 septembre 2009 .
[ 5 ]
OTAN-Russie: Rasmussen pourrait rencontrer les dirigeants politiques russes (Rogozine) - Depêche Ria Novosti du 18 septembre 2009 .

Articles associés :
[ 3 ]
Aux quatre points cardinaux le Canada mêne les affrontements de l'OTAN  avec la Russie dans le Nord
[ 4 ] Rogozine : " L'OTAN n'a rien à faire dans l'arctique "







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Publié le 20 Septembre 2009

Ce sera , pour l'instant , mon seul et unique commentaire ( Voir la réponse à ANNA ) sur cet " événement "

MOSCOU, 17 septembre - RIA Novosti. L'abandon déclaré par les Etats-Unis de leur bouclier antimissile en Europe ne doit pas porter à l'euphorie, a estimé jeudi Dmitri Rogozine, délégué permanent russe auprès de l'OTAN.

"On entend à présent en Occident, notamment à l'OTAN, que c'est une immense concession à la Russie... Mais ce sont avant tous ceux qui comptent obtenir de nous une contrepartie qui parlent d'une prétendue concession", a indiqué le diplomate sur la chaîne Vesti.


Le site officiel de Dmitri Rogozine

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Publié le 19 Septembre 2009

Depuis longtemps les " amis " de l'Europe comme l'European Council on Foreign Relations et le German Marshall Fund " conseillaient " aux Européens de " se délivrer du dikat énergétique Russe " et combattaient avec acharnement le projet de gazoduc  Nord-Stream  qui doit alimenter l'Allemagne et l'Europe avec le gaz en provenance du champ de Chtokman dans la Mer de Barents .
L'une de leurs propositions phares était de " liquéfier " les approvisionnements Européens en recourant à des approvisionnements de pays considérés comme " sûrs " : Algérie , Egypte , Qatar , Nigéria , Indonésie , République Dominicaine ... Cette liste je ne l'ai pas inventée !
Ils ont été entendus au delà de leurs espérances ..........mais à Saint-Petersbourg .
Dans une interview réalisée à Saint-Petersbourg hier , le CEO de Shtokman Development AG Youri Komarov vient d'annoncer que la troisième phase de développement du champ de Chtokman se fera uniquement pour la production de GNL ( Gaz Naturel Liquéfié ) [ 1 ]
Nul n'est besoin d'être clerc pour comprendre ce que gaz naturel liquéfié ne sera pas destiné prioritairement à l'Europe mais au marché Nord-Américain ( Rabaska ) ou à l'Asie via la Route Maritime Nord .L'Europe  pourra certes en bénéficier mais probablement au travers du marché " spot " qui on le sait est trés spéculatif et qui a tendance à attirer les fournisseurs vers les zones ou les prix sont plus élevés  .[ 2 ]
Celui-ci est en outre trés sensible au moindre aléa : Ouragan Katrina ou tempête dans le golfe du Mexique , rupture d'un oléoduc au Nigéria ou arrêt d'une centrale nucléaire au Japon en raison d'un tremblement de terre . Beaucoup plus que son homologue pétrolier et pour longtemps encore malgrés l'augmentation des capacités de liquéfaction et de regazéification . [ 3 ]
Le message de Vladimir Poutine à son homolgue  Finlandais au mois de novembre 2008 aurait du être entendu et il ne l'a pas été .[ 4 ] Qui s'en souvient même ?
Certains se sont gaussés en en parlant comme d'un " bluff " et que la Russie était dépendante de l'Europe , qu'elle ne serait pas capable de mettre au point des usines de liquéfaction . La déclaration de M. Komarov montre que NON !
Depuis ces " analyses " , la Russie produit du GNL depuis le champ gazier de Sakhaline .
Pis encore : Le gouvernement Russe a annoncé que desormais la Russie va de plus en plus faire appel à ses chantiers navals nationaux pour construire ses méthaniers . Le seul  " moyen de pression" (Sic ! ) occidental , un embargo sur les technologies de compression et de liquéfaction et les enveloppes des cuves des  méthaniers , devenant ainsi inopérant

Pendant ce temps l'Europe a  décidé de participer , sans consulter la Russie qui l'alimente , à la modernisation du réseau de gazoducs Ukrainiens .

Maintenant les Zéropéens devront méditer cette loi d'airain de la géopolitique des ressources :
" Toute goutte de pétrole ( Russe ) ou toute molécule de gaz ( Russe ) qui partira vers l'Est ne pourra pas aller vers l'Ouest "

Liens :
[ 1 ]
Shtokman to Be ‘Purely’ LNG Project at Phase Three, CEO Says - Depêche de Bloomberg du 17 septembre 2009 .
[ 2 ] ". But we are also seeing heavy demand for LNG from the far east attracting shipments which might otherwise have come here, and also the ongoing impact of a dysfunctional European market sitting next to our highly competitive one. The market in which we buy our gas is now pretty much a worldwide one."
Gas flow to Britain slows despite high prices - Article du Guardian du 28 avril 2008 .
[ 3 ]
Pipeline crunch helps spur surge in LNG prices - Article de The Standart du 29 novembre 2005 .
 
Article associé :
[ 4 ] "
Nord-Stream" : Le Poutine tel qu'on le parle



" Having the capacity does not mean the molecules are going to arrive."

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Rédigé par DanielB

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Publié le 19 Septembre 2009

Partis fin juillet de Corée du Sud, deux cargos de la compagnie allemande Beluga Shipping ont effectué un voyage commercial vers le nord de la Russie puis l'Europe en empruntant, fin août, la route arctique du passage du Nord-Est, rendue plus praticable par le réchauffement climatique.[ 1 ]  Romuald Lacoste, chercheur à l'Institut supérieur d'économie maritime (Isemar), revient sur la question de la viabilité économique de cette route, les implications politiques et les risques environnementaux de cette première.

Les bateaux allemands ont pu franchir le passage du Nord-Est parce qu'il est "ouvert" en raison du réchauffement climatique. Cette situation est-elle récente ?

C'est la troisième année qu'aux yeux des armateurs, cette route est à peu près ouverte. Cela dit, le réchauffement climatique général n'est pas le seul facteur de faisabilité. La situation météo locale, qui peut rendre le trafic trop risqué, est à prendre en compte. Et politiquement, on ne passe pas sans l'autorisation des Russes.

Peut-on assister à un basculement d'une partie du trafic entre l'Asie et l'Europe vers le nord ?

Beluga Shipping est une compagnie particulière, dotée d'une flotte de cargos polyvalents, très différents des pétroliers ou des porte-conteneurs. Elle transporte des marchandises spécifiques comme des équipements lourds pour des projets industriels. Il s'agit de marchés de spécialistes plutôt que de trafic standardisé, comme le pratique le français CMA-CGM.

Les navires de Beluga sont particuliers, équipés pour la glace, alors que la plupart des compagnies ont des navires classiques pour la mer "ouverte". Il y a dans cette opération de Beluga un élément de communication. Ce qui ne veut pas dire que le concept soit à jeter à la poubelle. Mais demain, tout le monde ne fera pas la même chose.

Quelle part les Russes ont-ils pris dans cette opération ?

Pour les Russes, c'est aussi un coup de publicité, un moyen de dire : "La ligne du Nord-Est est ouverte, et l'emprunter peut se faire avec nous et grâce à nous." Il y avait un ou deux brise-glaces russes sur une partie du parcours des bateaux de Beluga, que la compagnie a dû payer. Les Russes affirment ainsi leur leadership sur la route du Nord-Est, plus que les Canadiens ne le font sur la route du Nord-Ouest.

Pourquoi cette différence entre le passage à l'Est et à l'Ouest ?

Le passage s'ouvre aussi au Nord-Ouest, mais les Canadiens ont beaucoup moins de navires brise-glaces que les Russes pour bien contrôler leurs routes. Et ils se heurtent à l'opposition des Etats-Unis et des Européens, qui veulent faire du passage du Nord-Ouest une voie internationale. Par ailleurs, ils ont moins développé l'exploitation des richesses naturelles dans le Grand Nord , alors que les Russes, à l'époque de l'URSS, avaient déjà commencé à y exploiter le gaz, le pétrole et les minerais, et avaient, du coup, développé leur flotte dans cette partie du monde, où ils ont aussi de fortes implantations militaires.

Cette route du Nord-Est peut-elle se révéler rentable pour les armateurs ?

Les estimations de rentabilité sont pour l'instant assez floues. Le gain en milles nautiques - de l'ordre de 20 % par rapport aux routes du Sud - peut être annulé par le temps passé à naviguer sur cette voie. Sur mer ouverte, entre l'Asie du Sud-Est et l'Europe, un bateau de type porte-conteneurs qui passe par le détroit de Malacca et le canal de Suez va à une vitesse moyenne de 21 et 24 noeuds. En revanche, par la route du Nord-Est, la vitesse moyenne peut baisser jusqu'à 14 noeuds, à cause des glaces dérivantes, même en plein été. Et la météo locale peut encore réduire l'allure. [ 2 ]

Par ailleurs, autant sur les grandes routes du Sud la quantité de carburant utilisée est connue, autant, sur la route Nord, elle est moins prévisible. Enfin, le passage par le Nord exige des équipages aguerris à la navigation en eaux glacées. Il reste donc encore beaucoup d'incertitudes sur cette route, qui est séduisante mais difficile à appréhender.

A quels moments ce passage peut-il être emprunté commercialement ?

La fenêtre d'utilisation est estimée actuellement à 6 à 10 semaines, ce qui a un impact sur le coût d'un navire et son amortissement. D'autant qu'il faut des bateaux dotés d'une coque renforcée et d'équipements pour dégeler les superstructures. Ces bateaux coûtent deux à trois fois plus cher que des navires classiques.

L'usage de la route du Nord s'accompagne aussi de risques de pollution dans une zone où les moyens de secours sont moins nombreux qu'ailleurs...

Même si certains lobbies expliquent que le passage du Nord représentent un moyen de limiter les gaz à effet de serre grâce à une route plus courte, ne pas ouvrir le passage du Nord-Est pour en faire une nouvelle autoroute maritime serait, à mon avis, sans doute mieux pour tout le monde, et notamment pour les ours polaires. Il faut d'ailleurs noter que les mutuelles d'assurance sont très effrayées par le risque de pollution, par fuites de carburant ou eaux de ballast, particulièrement sur des routes moins maîtrisées comme le passage du Nord.

Par ailleurs, la route du Nord-Est longe peu de bassins économiques à desservir...

C'est vrai. La raison d'être des très grands porte-conteneurs (10 000 à 13 000 caissons) est de desservir un maximum de "hubs" sur un trajet. Ils profitent du développement de la Chine du Nord, du Sud-Est asiatique, du sous-continent indien, du Moyen-Orient et de la Méditerranée. Alors que par le Nord, une fois que vous êtes parti de Corée du Sud, vous n'avez plus qu'à aller jusqu'à Rotterdam. Vous n'allez pas vous arrêter au milieu de la Sibérie pour livrer des chaussettes. Quant aux pétroliers et aux vraquiers, ils naviguent plutôt par bassins, celui de l'Atlantique ou celui du Pacifique. [ 3 ]

Quel impact le renchérissement du pétrole peut-il avoir sur l'avenir des routes maritimes ?

L'augmentation du prix du baril, et donc du coût du transport, pourrait à terme provoquer une relocalisation mondiale des centres de production, qui se rapprocheraient des grands marchés occidentaux. Cela pourrait jouer en défaveur de la route du Nord-Est.

Propos recueillis par Bertrand d'Armagnac pour l'"Immonde "


[ 1 ] Mission accomplie pour Beluga Fraternity et Beluga Foresight : La Route Maritime Nord est ouverte !
[ 2 ] Route Maritime Nord :Dommages Collateraux ,  Singapour et la Malaisie
[ 3 ] C'etait le cas des deux navires de la société Beluga Shipping - NDLR

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Rédigé par DanielB

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Publié le 19 Septembre 2009

Source : Geostrategie.com

russia_ouvalarussie_pf.jpg« La Russie aura un niveau d’armement tel que personne n’aura l’idée de menacer notre pays ou nos alliés. »1
D. Medvedev
Président de la Fédération de Russie
10/09/2009

La fin de la Guerre froide a précipité la chute du communisme soviétique, tombé en 1991, dans les oubliettes libérales de l’histoire. Dans le même temps, cette chute finale a été le point de départ d’une renaissance de la Russie post-communiste, après une phase de transition « libérale », particulièrement délicate – sous l’impulsion de B. Eltsine – qui l’a affaiblie et aggravé, in fine, un trouble identitaire.

Aujourd’hui, la Russie de D. Medvedev a quasiment achevé sa reconstruction économique et politico-psychologique. Mais sa réémergence comme puissance internationale majeure n’est pas toujours acceptée, notamment par le leadership américain, qui a pris le contrôle de la destinée du monde depuis la lutte implacable contre la menace communiste – perçue comme « l’axe du mal » – et, en cela, imposé son unilatéralisme dans la gouvernance mondiale. La lutte Est/Ouest aurait, en quelque sorte, légitimé l’hégémonie internationale de Washington, comme leader incontesté et messianique du monde libre. Par la suite, sous l’impulsion de l’idéologie néo-conservatrice expansionniste de G.W. Bush, elle a entrepris de réhabiliter le « facteur force » comme régulateur géopolitique, en réarmant le bras de la justice internationale et en relançant, par ce biais, la course aux armements2.

Face à cette résurgence de l’impérialisme politico-militaire américain et se sentant menacée, Moscou a été contrainte de recentrer son système de défense sur l’arme nucléaire – pour se protéger d’une Otan de plus en plus agressive à sa proche périphérie comme l’a montré, en 1999, le scénario yougoslave avec l’attaque et la déstabilisation d’un Etat souverain. En violant allègrement la résolution 1224 du conseil de sécurité de l’ONU sur l’intégrité territoriale de la Serbie, l’Otan – sous la bienveillance de Washington – montre alors qu’elle est au dessus des lois internationales et que sa capacité d’intervention s’est élargie à l’ancien espace communiste. Et son élargissement programmé est susceptible d’accroitre les tensions avec la Russie, comme le reconnait D. Medvedev : « L’OTAN devrait éviter d’aggraver les relations avec ses voisins. Avant d’admettre de nouveaux membres, il faut étudier les éventuelles conséquences d’une telle décision (…) »3 Mais, le plus troublant est de voir, au cœur de l’espace post-soviétique, le maintien d’une forme de conflictualité latente américano-russe issue de la Guerre froide, dans la mesure où la Russie post-communiste reste l’adversaire stratégique privilégié de l’hyper-puissance américaine – et inversement.

Dans son essence, la lutte américano-russe pour le leadership politique en Eurasie post-soviétique n’a pas cessé avec l’arrivée d’Obama à la présidence américaine. Cela est implicitement confirmé par Herman Pirchner, président du Conseil américain de politique étrangère, qui reconnait l’existence de tensions, liées au maintien de barrières idéologiques et de pressions américaines sur la politique russe dans les ex-républiques soviétiques. Le 9/09/2009, il admet notamment que « les disputes sur les destinées de l’espace post-soviétique entravent la coopération sur plusieurs questions d’intérêt commun »4. Car désormais, Washington doit assumer ses nouvelles responsabilités issues de son avancée en zone post-soviétique permise, à l’origine, par le recul russe. Et cette configuration explique la radicalisation d’une lutte d’influence centrée sur le contrôle d’un espace stratégique.

Ainsi, la Russie moderne cherche à retrouver sa place dans le système des relations internationales contre une certaine forme de méfiance, voire d’hostilité de la part du bloc libéral occidental, qui continue à voir en elle l’héritière de la puissance communiste. Et sa montée en puissance fait d’autant plus peur que de facto, elle remet en question l’influence de la puissance américaine en Eurasie post-soviétique – principalement en zones caucasienne et centre-asiatique, où de gros intérêts politiques, militaires et énergétiques sont en jeu. Autrement dit, son retour remet en cause les fondements même du nouvel ordre international libéral, dirigé par Washington et au-delà, menace de multilatéraliser ce dernier. Un enjeu sous-jacent au retour russe est donc le nouveau statut de Moscou sur la scène internationale qui, dans ses grandes lignes, sera fonction de sa capacité à reprendre en main l’espace post-soviétique – autrement dit, à recouvrer une certaine légitimité dans son ancienne zone de domination impériale, que la stratégie américaine visait, jusque là, à éroder.

De ce point de vue, il serait opportun de s’interroger sur la capacité de Moscou à se définir une nouvelle identité post-soviétique, intégrant les principales évolutions géopolitiques issues de la faillite du communisme. Et, en définitive, de se poser une question centrale et redondante : où va la Russie ?

A la recherche d’un statut post-impérial

La disparition de l’URSS5, le 25 décembre 1991 – avec la démission du premier (et dernier) président soviétique, Mikhaïl Gorbatchev – a provoqué une profonde rupture psychologique, au cœur du peuple russe et de ses élites dirigeantes. La Russie, brusquement, a perdu son statut de superpuissance de la Guerre froide pour devenir une simple puissance régionale, menacée à sa proche périphérie par des Etats politiquement instables, donc potentiellement hostiles. Et ce déclin géopolitique a été d’autant plus douloureux que la puissance russe a été considérablement fragilisée par une politique constante de déstabilisation menée, depuis les années 60, par l’Amérique – sous la houlette de Z. Brzezinski6. La chute du communisme a été une opportunité pour la puissance américaine de renforcer son monopole de la régulation mondiale et par ce biais, son unilatéralisme armé. Selon la vision américaine, la Russie reste un facteur d’incertitude, donc de menace latente pour le monde – ce qui implique la vigilance de l’Amérique. Dans cet axe, R. Kagan, un des leaders du courant néo-conservateur américain, a confirmé qu’il était « vital d’avoir une Amérique forte, voire toute puissante, pour le monde et surtout, pour l’Europe »7 – notamment, au regard des récentes velléités russes. La phase post-communiste coïncide donc avec la refondation identitaire d’un nouvel Etat russe contraint de redéfinir ses intérêts nationaux et, à terme, son positionnement sur la scène internationale. Il s’agit alors pour Moscou de passer à une vision moins idéologique des relations internationales et, de façon plus globale, de définir son statut post-impérial

Toutefois, l’héritage soviétique continue d’exercer une certaine influence sur l’orientation de la pensée stratégique russe, qui intègre les menaces militaires et politiques d’Etats structurellement opposés à ses intérêts en périphérie post-soviétique et in fine, dotés d’une autre vision du monde. Aujourd’hui, Moscou aspire à la revanche et perçoit sa marginalisation internationale comme une sanction de sa défaite idéologique de la Guerre froide. Car comme l’a rappelé Alexandre Zinoviev, ancien dissident soviétique, la chute du communisme soviétique « est la plus grande victoire de l’Occident »8. Et de manière officielle, elle regrette que les « vestiges » et le « fardeau du passé » continuent de grever ses relations avec l’Occident, principalement avec l’Amérique9. Estimant avoir trop reculé depuis la transition post-communiste10, la Russie s’efforce de défendre ses intérêts de puissance eurasienne et d’achever sa restructuration identitaire sur la scène internationale, contre le leadership américain et les prétentions politiques de l’Occident qui reste, selon l’expression d’I. Facon, « une source de menaces récurrentes »11. Car en dépit de l’inflexion politique impulsée par le président Obama, accusé par les néo-conservateurs de « trahison idéologique »12 – en violant les principes fondamentaux de la politique extérieure américaine – Moscou perçoit une certaine hostilité à son égard et surtout, à son retour comme grande puissance. Dans son essence, cette hostilité inertielle du bloc occidental tend à s’exprimer par l’instrumentalisation de l’Otan comme levier de compression d’un nouvel « impérialisme russe ». Cette fonction politique de l’Otan est reconnue, sans ambages, par le stratège « réaliste » de la Guerre froide, Henry Kissinger : « L’Otan est par définition une alliance militaire, dont l’un des objectifs est de protéger l’Europe contre une Russie qui serait tentée par une nouvelle aventure impériale »13.

Désormais, la Russie vise à renforcer ses positions dans le monde par une reprise en main de l’espace post-soviétique – dont les Etats sont ses « alliés naturels » – et l’insertion de cet espace dans son projet de puissance. Or face à la volonté de Moscou de retrouver son influence perdue, le vice-président américain, J. Biden, a affirmé le 23/07/2009 – en guise d’avertissement – qu’au 21° siècle, « la théorie du partage du monde n’était plus de mise », autrement dit, que la Russie devait abandonner ses vieux reflexes impériaux de l’époque communiste14. Dans son ouvrage, « L’Amérique face au monde », Z. Brzezinski est convaincu du maintien de la volonté impériale russe. Il rappelle que durant les 4 derniers siècles, la ligne directrice de la Russie se résume par « une expansion impériale à partir d’un centre bien défini pour créer un Etat multinational »15. Et surtout, il est persuadé que V. Poutine n’a pas « admis l’impossibilité de recréer le vieux système impérial »16, illustrant selon lui, « la résistance de l’ordre soviétique »17. Pour cette raison, Brzezinski prône le maintien d’une politique de contrôle de la puissance russe et d’érosion de son pouvoir en zones caucasienne et centre-asiatique, que celle-ci s’efforce de préserver, quel qu’en soit le prix. A terme, selon A. de Tinguy, il s’agit pour Moscou d’utiliser « les moyens dont elle dispose pour essayer de contrôler les évolutions dans l’espace post-soviétique »18. Car, avide de réhabiliter une certaine « idée russe », Moscou veut désormais apparaitre comme un Etat leader au sein de son espace historique – en dépit de l’activisme politique américain – et surtout, désireux de s’y faire (à nouveau) respecter.

Dans ce cadre, la défense des intérêts russes à l’étranger devient une priorité de la politique extérieure, réitérée par le président Medvedev, le 24/07/2009 : « il faut être capable de riposter en cas de difficultés. Parfois de façon très ferme. Mais uniquement si les intérêts de nos concitoyens sont menacés »19. Dans sa mise en garde, Medvedev se réfère, de manière implicite, à la crise géorgienne d’Aout 2008, lorsque l’armée russe a dû intervenir pour protéger ses ressortissants d’un véritable massacre. Mais plus globalement, il redoute la répétition d’un tel scénario en zone post-soviétique. Cela a amené Moscou à revendiquer un droit de regard et d’intervention dans sa sphère d’influence, lorsque ses intérêts vitaux sont menacés. Or, le 27/07/2009, la secrétaire d’Etat Hillary Clinton dans une interview au Wall Street Journal, a très clairement rappelé à la Russie qu’elle ne devait plus chercher à « imposer sa volonté » aux Etats issus de l’ex-URSS, au nom de son rôle passé dans la sphère soviétique – que Moscou viserait, selon elle, à rétablir20. Dans le même temps, la Russie prône un rééquilibrage des relations internationales qui implique, par essence, son renforcement comme centre d’influence, un rôle plus grand de l’ONU et in fine, une réforme des institutions financières du FMI (Front monétaire international) et de la BM (Banque mondiale), en vue d’accroître l’influence des puissances émergentes du type BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine). Ce faisant, en revendiquant le retour d’une gouvernance mondiale multipolaire, elle remet de facto en cause l’unilatéralisme américain.

L’héritage soviétique

Tendanciellement, la Russie post-communiste continue à se penser comme puissance mondiale (donc « globale ») et pour cette raison, s’appuie sur le noyau dur de sa conception stratégique structurée sous le régime soviétique – à partir d’une politique d’influence dans son proche étranger. Thomas Gomart revient sur cet aspect inertiel de la pensée stratégique russe : « Néo-impériale pour les uns, post-impériale pour les autres, la fédération de Russie n’a nullement renoncé à exercer une influence pour promouvoir ses intérêts nationaux. Se pensant et se voulant mondiale, elle englobe désormais son ‘étranger proche’ dans une politique ambitieuse destinée à renforcer ses positions sur la scène internationale »21. En outre, dans le prolongement du soviétisme, la Russie moderne – en tant que système social – est caractérisée par un instinct de survie surdimensionné, qui l’a conduit à privilégier les contraintes sécuritaires dans sa politique extérieure. En ce sens, la stratégie russe est emprunte d’une forte inertie soviétique.

Le poids du soviétisme dans la structuration de l’identité russe reste sensible, car c’est sous le régime communiste que Moscou a existé en tant que puissance majeure, redoutée et respectée dans le monde. Et c’est principalement sous ce régime que la Russie a été considérée comme puissance égale à l’Amérique et, en cela, capable de faire contre-poids à son pouvoir hégémon22. Avec justesse, G. Bensimon a ainsi affirmé que « la ligne historique du capitalisme n’a traversé ce pays que sur une période relativement brève, et elle n’y a pas été dominante. Les rapports communistes y sont bien ancrés, le pays est massif, et si sa vocation historique est d’être une puissance mondiale, c’est incontestablement grâce au système communiste qu’elle l’a réalisée »23. Jusqu’en 1991, ce rôle spécifique de la Russie communiste a rendu possible une forme d’équilibre des puissances, structurellement opposées dans une implacable lutte Est/Ouest, mais neutralisées selon une logique de dissuasion nucléaire « no first use » – rendant impossible toute première frappe. Car toute amorce de conflit nucléaire serait suicidaire, donc irrationnelle. Cela a été souligné par M. Gorbatchev : « La guerre nucléaire est insensée ; elle est irrationnelle. Il n’y aurait ni vainqueurs, ni vaincus dans un conflit nucléaire généralisé : la civilisation mondiale périrait inévitablement. Ce serait un suicide (…) »24. Arkadi Brich, directeur scientifique d’honneur de l’Institut russe d’automatique, qui a participé à la création de la bombe nucléaire soviétique, est persuadé que l’existence de cette dernière a permis d’éviter une troisième guerre mondiale, inaugurant en quelque sorte une forme de « paix froide »25. Et en ce sens, la Guerre froide a eu une fonction régulatrice implicite dans la stabilité mondiale, empêchant l’émergence de micro-conflits potentiellement menaçants pour cette dernière. Une paix idéologique, en quelque sorte.

De ce point de vue, la fin de la Guerre froide est une variable explicative majeure de l’instabilité géopolitique actuelle, doublement nourrie par la montée des revendications ethno-religieuses et par le retour des mouvements nationalistes – notamment en Eurasie post-communiste. Car cet équilibre (nucléaire) de la terreur – entre l’Est et l’Ouest – surdéterminé par l’idéologie, aurait de facto agit comme un verrou sur les tensions potentielles. La spécificité de ce contexte géopolitique explique, dans le cas soviétique, la primauté de la politique extérieure sur la politique intérieure26, dans la mesure où cette dernière est totalement subordonnée à l’impératif de survie idéologique d’un régime structurellement menacé – et encerclé – par le bloc occidental. Gorbatchev, dans son ouvrage-référence, « Perestroïka », rappelle cette méfiance naturelle de la Russie face à la puissance militaire de l’Occident : « Nous ne pouvons oublier qu’avant l’ère nucléaire, l’occident a plus d’une fois opéré des incursions sur notre territoire. Et le fait que toutes les manœuvres militaires de l’Otan comportent invariablement des scénarios offensifs envers nous n’est t’il pas en soi éloquent ? »27. Or depuis la transition post-communiste, la stratégie américaine – sous la direction des Bush, père et fils – a réactivé les vieux « reflexes » soviétiques de l’élite dirigeante russe et consolidé, selon J.P. Romer « un sentiment autrement plus profond et permanent chez les russes : celui de l’encerclement par les puissances potentiellement hostiles, qui a constitué une constante dans l’histoire de la Russie. »28 La peur de la menace extérieure est donc profondément ancrée dans l’inconscient russe et par ce biais, dans la rationalité décisionnelle de l’élite dirigeante. En ce sens, l’expansion impériale russe – initiée sous le tsarisme – a une visée fondamentalement défensive, destinée à créer une zone-tampon et relayée, plus tard, par l’idéologie soviétique.

Un trait systémique du communisme soviétique est sa vocation à étendre son idéologie messianique à l’échelle planétaire, comme l’a rappelé Lilly Marcou : « Le communisme, phénomène planétaire qui se confond avec le XX° siècle par sa présence prédominante sur toutes les scènes politiques, fut avant tout une idéologie à vocation internationaliste, soutenue par un mouvement mondial institutionnellement structuré. »29 Dans le cas de l’URSS, cette expansion – qui répond à un véritable besoin organique – visait aussi la création d’une zone d’influence fiable en vue de stabiliser sa domination dans son espace idéologique. Selon Alexandre Zinoviev, cette tendance organique expliquerait pourquoi l’immense Union soviétique – au nom de sa légitimité idéologique – a constitué « après 1945, une grande zone d’influence en Europe de l’Est, modelant à son image cette partie du continent ».30 Et une implication de cette prégnance de l’idéologie dans la société soviétique et la constitution de son empire a été de fonder la priorité de son identité internationale sur son identité nationale. En dernière instance, cela explique que la question nationale – et identitaire – en Russie ait été occultée par le rôle historique d’une puissance idéologique globale, revendiquant le leadership mondial. Et cela, au nom de son combat d’avant-garde pour la libération des peuples, car pour reprendre J.F. Soulet, les dirigeants communistes s’étaient auto-proclamés « hérauts d’une idéologie intrinsèquement anti-libérale et libératrice »31.

Ainsi, l’héritage soviétique est énorme. Non seulement il a influencé et « éduqué » la mentalité russe dans l’esprit d’une « citadelle assiégée », mais il a orienté la politique étrangère russe (en phase soviétique, puis fédérale à partir de 1992) contre un ennemi latent et politiquement opposé, la surpuissante Amérique – symbole supérieur de l’impérialisme, « stade suprême du capitalisme » selon l’expression de Lénine32. Et au-delà, la prégnance d’une idéologie soviétique universaliste – axée sur une mission mondiale – s’est imposée à toute conscience nationale et à terme, a fini par structurer un ordre social nouveau, lui-même générateur d’un homme nouveau : « l’homo-soviéticus »33. Dés 1965, Che Guevara affirmait que « Pour construire le communisme (…), il faut construire ‘l’homme nouveau’ « 34. Celui-ci, théoriquement soumis aux normes de l’idéologie communiste, a pour principale mission d’étendre cette dernière à la planète entière, au détriment de l’idéologie libérale qui exerce sur elle une menace permanente. Cette pression idéologique – et militaire – est une constante de la Guerre froide, forme de guerre latente entre deux ordres sociaux avides d’afficher leur supériorité. En définitive, la survie de l’ordre social soviétique a transformé la contrainte de sécurité extérieure en une véritable obsession pour les dirigeants russes.

Sous le régime soviétique, Moscou a structuré une zone de domination idéologique, jouant un rôle sécuritaire indéniable et s’étendant à l’Est européen. Mais dés 1989, la perte des alliés est-européens – qui préfigure celle des républiques soviétiques en 1991- tend à réduire de manière radicale cette zone d’influence impériale. Cela a justifié la création de la Communauté des Etats indépendants (CEI), à travers laquelle la Russie a essayé de préserver une forme d’influence politique (et économique) à sa périphérie sud, associée à une fonction stratégique (et protectrice) vitale. Désormais, comme le souligne sa doctrine stratégique, la CEI fait partie de ses « intérêts vitaux » (dont nationaux) et surtout, de son espace potentiel d’intervention. Autrement dit – dans la continuité soviétique – elle reste la « chasse gardée » de la Russie post-communiste et en conséquence, la première priorité de sa politique étrangère. Cette priorité a été explicitement précisée par la nouvelle orientation stratégique de Moscou, amorcée à la fin des années 1990, d’abord sous l’impulsion de E. Primakov – ministre des affaires étrangères de 1996 à 1998, puis premier ministre de 1998 à 1999 – et ensuite, sous celle de V. Poutine : « Les intérêts nationaux de la Russie résident dans la protection de son indépendance, de sa souveraineté, de son intégrité d’Etat et territoriale, dans la prévention d’une agression militaire contre la Russie et de ses alliés (de la CEI : jg) »35.

En 2009, la nouvelle doctrine militaire de Moscou a confirmé ce statut central de la CEI dans sa stratégie de puissance et de recomposition identitaire issue de la phase post-communiste. Et de manière globale, l’efficacité de la politique russe en zone post-soviétique (CEI) déterminera son futur statut international, dans la mesure où un contrôle renforcé de la CEI pourrait être utilisé par Moscou comme levier de son pouvoir dans les instituions multilatérales et par ce biais, de son influence dans la gouvernance mondiale. Cela est mentionné par Anne de Tinguy : « L’avenir de la Russie, de ses positions dans le monde et de son projet de puissance se joue en partie dans l’espace post-soviétique. »36 Or l’espace de la CEI est aujourd’hui au cœur d’une lutte d’influence avec l’Amérique, avide d’affaiblir la puissance russe, dans l’optique finale de contrôler le cœur stratégique de l’Eurasie. Autrement dit, la conflictualité bipolaire de la Guerre froide – sous des formes certes réactualisées – tend à perdurer en Eurasie post-communiste.

La douloureuse transition

Au lendemain de l’implosion de l’URSS, la Russie a connu une transition politique particulièrement difficile, grevée par la désagrégation et le retrait de l’Etat qui a affaibli la cohésion sociale – via le développement de la précarité économique et des inégalités – et favorisé l’extrémisme religieux, qui tend aujourd’hui à fragiliser (principalement) le Caucase nord37. Début 2000, rapporte V. Fedorovski, 40% de la population vivait au dessous du seuil de pauvreté38 (contre 12,4 % en 2009, suite à la politique sociale de Poutine39). En effet, dans un pays naguère socialiste, « où l’Etat se confondait avec le Parti unique, la désétatisation consécutive à la chute de l’ancien régime n’a fait qu’affaiblir le seul rempart qui aurait pu défendre les plus faibles ».40 Sous le régime soviétique, l’Etat-parti était le ciment social de la société russe, garant de son unité. Et cette transition vers l’économie de marché fut d’autant plus douloureuse pour Moscou, qu’elle l’a radicalement appauvrie et marginalisée sur la scène mondiale. La politique de réforme ultralibérale alors adoptée par Eltsine en vue de l’intégration de la Russie à l’économie mondiale a été perçue, par les citoyens russes, comme une trahison et comme une soumission totale au diktat américain. Désireuse d’obtenir des crédits et la coopération d’experts américains, la Russie de Eltsine s’est alors « couchée » devant l’Occident et en définitive, favorisé la progression de la puissance américaine en Eurasie. L’objectif clé de la réforme était de désétatiser et de déréglementer l’économie russe en vue de faire émerger le marché. Mais un autre objectif (latent) de la réforme était d’étendre l’idéologie libérale à l’Eurasie post-soviétique, pour repousser la Russie et mieux défendre les intérêts vitaux de l’Amérique, dans le cadre d’un ordre international idéologiquement orienté. Ainsi, R. Kagan a reconnu que « dans la mesure où ils croient à la puissance, les américains pensent que celle-ci doit servir à promouvoir les principes d’une civilisation libérale et d’un ordre mondial libéral »41. Au final, cette « thérapie de choc », proposée par J. Sachs et appliquée à la lettre par des bureaucrates incompétents et déconnectés de la réalité locale, s’est révélée totalement inadaptée aux conditions socio-économiques de la Russie, structurellement imprégnée de la culture soviétique. D’autant plus que cette reforme a été appliquée selon un mode de décision en « vase clôt ». Et au regard de son impact sur le tissu socio-économique russe, elle a été déstructurante. Suprême incompétence.

Associée à une « décroissance économique  » – croissance négative de 1994 à 199842 – la perte du statut de grande puissance a été douloureusement ressentie. Comme le note A. de Tinguy, la Russie « éprouvait (…) le sentiment d’avoir été humiliée sur la scène internationale. Le pays a développé une très forte nostalgie de la puissance perdue. Il considérait que la reconnaissance internationale qu’il avait eue avait disparu. La société était en quête d’ordre (…) »43. Ce contexte de crise a crée, de facto, un terreau favorable au retour du mythe stalinien du complot occidental. La politique du Consensus de Washington a été suspectée de vouloir maintenir la Russie dans un état de sous-développement relatif pour in fine, l’empêcher de se renforcer et de revenir sur la scène internationale, en tant que puissance concurrente de l’Etat américain. Au passage, on remarquera que la stratégie d’épuisement de l’économie soviétique – via la course au surarmement et l’IDS44 – conduite au début des années 80 par R. Reagan, poursuivait le même objectif : affaiblir les bases économiques de la puissance russe pour éroder son pouvoir géopolitique et, à terme, la déstabiliser. Cette volonté d’accélérer la chute de la Russie est une constante de la stratégie occidentale sur long terme qui, dans un premier temps – durant la Guerre froide – a été justifiée par la lutte contre le communisme : « La catastrophe russe a été voulue et programmée ici, en Occident », a reconnu A. Zinoviev45. Dans son essence, cette régression statutaire de Moscou sur le plan international a coïncidé avec une politique occidentale globalement hostile et nuisant aux intérêts russes – comme l’attestent les manœuvres douteuses de l’Otan dans l’étranger proche de la Russie (dans le cadre du « Partenariat pour la paix »46) et, en avril 1999, le bombardement meurtrier de l’ex-Yougoslavie (sans accord du Conseil de sécurité de l’ONU) dont une suite logique a été l’indépendance illégale du Kossovo, le 17 février 2008. Mais le plus inquiétant est que cette manipulation occidentale a réactivé l’idée d’une « grande Albanie ».

Ce renforcement de l’Otan en Eurasie post-soviétique s’est exprimé par sa globalisation, impliquant d’abord son expansion vers l’Est – ce qui a conduit S. Lavrov, chef de la diplomatie russe, à s’interroger sur sa fonction sécuritaire en Europe : « Je ne crois pas que cette résolution des questions liées à l’expansion de l’Otan vers l’Est puisse contribuer au renforcement de la sécurité européenne (…) ».47 Mais ce qui inquiète le plus Moscou est l’extension de l’Otan aux ex-républiques soviétiques – dont les prochaines cibles sont la Géorgie et l’Ukraine, qui appartiennent à son étranger « très » proche. Récemment, J. Biden, en visite en Ukraine, a confirmé le soutien américain à la volonté de ces dernières d’intégrer l’Otan, s’opposant en cela ouvertement à la position russe. Et le 21/07/2007, J. Biden a visé implicitement la Russie en s’adressant aux ukrainiens : « Personne n’est en droit de vous dicter quelle alliance rejoindre »48. En d’autres termes, Moscou doit abandonner ses anciennes pratiques impériales en zone post-soviétique et renoncer définitivement à toute idée d’ingérence dans les affaires intérieures d’Etats (désormais) souverains. Un peu plus tard, lors de son séjour en Géorgie, J. Biden a réaffirmé que « Nous (les américains : jg) soutenons entièrement le désir de la Géorgie d’intégrer l’Alliance atlantique et continuerons de l’aider à se mettre au niveau des normes requises »49. Dans le même temps, Washington a accueilli favorablement la demande d’aide militaire de la Géorgie, qui continue à voir la Russie comme un « ennemi mortel ». Dans l’optique d’adapter la Géorgie aux normes de l’Otan, Washington a promis de coopérer avec elle « pour maintenir ses forces armées, l’aider à s’entraîner et à s’organiser »50. Aujourd’hui, la Géorgie – qui continue ses provocations à l’égard de Moscou – reçoit l’aide américaine par habitant la plus importante au monde, selon le propre aveu de J. Biden. Et ce dernier a réitéré la position américaine sur la nécessité de respecter l’intégrité territoriale de la Géorgie – alors que celle de l’ex-Yougoslavie a été objectivement violée – tout en demandant in fine à Moscou de revenir sur sa reconnaissance de l’indépendance des deux républiques séparatistes géorgiennes d’Ossétie du sud et d’Abkhazie. En réponse, le 26/08/09, V. Poutine a affirmé que cette reconnaissance était « irrévocable » et qu’il ne tolérera « aucune tentative de revanche, ni de nouvelles aventures militaires dans la région »51. En conséquence, Moscou n’a à recevoir de leçons de morale de personne, et encore moins d’une Géorgie vindicative et allègrement soutenue par Washington. Inutile gifle.

Cette configuration géopolitique a alors renforcé en Russie (en proie à des crises nationalistes et séparatistes) la peur d’une agression militaire de l’Otan, au nom d’un devoir d’ingérence humanitaire ou du droit des peuples à disposer d’eux même, voire de principes démocratiques à géométrie variable – comme dans le cas de l’ex-Yougoslavie et de l’Irak. Certains dirigeants russes ont même pensé que seule la détention de l’arme nucléaire avait empêché la reproduction d’un tel scénario en zone post-soviétique, s’insérant dans une stratégie plus globale de « guerre préventive »52 contre le terrorisme, inaugurée par le Pentagone dans les années 2000 et destinée à neutraliser les menaces potentielles – au mépris du droit international. H. Kissinger a reconnu, à propos de la guerre en Irak, qu’il s’agissait de faire comprendre « au reste du monde, que notre première guerre préventive nous a été imposée par les faits et que nous cherchons à servir la cause du monde, et pas seulement nos propres intérêts »53. De manière globale, le déclin géopolitique de la Russie post-communiste, ajouté à son état de délabrement économique, social et psychologique – provoqué par l’inefficacité structurelle des réformes – a fait le nid d’un nationalisme anti-occidental, surtout anti-américain. A l’époque, l’impression du citoyen russe est de payer, à travers la crise systémique, la défaite symbolique de la Guerre froide. Ultime humiliation.

L’impression dominante a été alors que les intérêts nationaux russes – dont les actifs économiques et industriels – avaient été bradés dans le cadre d’une douteuse procédure de privatisation profitant d’une part, aux entrepreneurs étrangers et d’autre part, aux oligarques russes. Mais le plus scandaleux dans cette ruine morale et économique de la Russie a été d’assister – sous la bienveillance d’Eltsine – à la naissance d’une véritable nomenklatura capitaliste, infiltrant le pouvoir central et qualifiée par L. Marcou de bourgeoisie moderne « compradoro-mafieuse »54. A cela s’est ajouté un recul territorial spectaculaire, enlevant à l’Empire russe des espaces stratégiques ou politiquement importants – porteurs des racines européennes de la Russie – tels que les ex-républiques de Biélorussie, de Géorgie et d’Ukraine. Cette rupture géopolitique, en réactivant le « spectre du séparatisme régional »55 – par ailleurs encouragé par la main insidieuse de Washington – conditionne le caractère instable de la transition russe post-communiste.

Dans ses grandes lignes, cette instabilité de la transition a été renforcée par le déclin du surpuissant complexe militaro-industriel, principal levier de la croissance économique russe depuis la période soviétique. Mais surtout, ce déclin a, de facto, précipité celui de l’armée russe. Et en raison d’une compression abyssale du budget militaire56, souhaitée par Washington, l’armée russe vieillissante a été laissée à elle-même et sa capacité de défense – dont nucléaire – a été considérablement réduite. Cette marginalisation de la composante militaire (aggravée par l’absence d’investissement) a contribué à nuire à l’image internationale de l’Etat russe, ancienne superpuissance de la Guerre froide et partageant avec l’Amérique, le leadership idéologique mondial. D’autant plus que la puissance militaire est un élément clé du statut géopolitique de la Russie et, dans le même temps, le symbole historique d’un Etat fort. Autrement dit, l’armée est un vecteur à la fois structurant de l’identité nationale russe et garant de la stabilité politique du régime. Et en définitive, ce déclin international de la Russie eltsinienne a été favorisé par l’absence d’une réelle politique étrangère, c’est-à-dire indépendante et déconnectée de l’influence de Washington – et, en rupture avec la tradition soviétique, incapable de s’appuyer sur le levier militaire.

Le retour russe

L’arrivée de Vladimir Poutine, comme premier ministre de Boris Eltsine en août 1999 – puis comme président, à partir de mai 2000 – va coïncider avec le retour international de la Russie. Indéniablement, une préoccupation centrale de Poutine a été son attachement « à la renaissance de la Russie »57. En effet, ce dernier va mettre en œuvre une reforme structurelle cohérente et globale – sur le triple plan économique, politique et militaire – permettant non seulement le retour de la croissance (positive depuis 1999) – certes favorisée par la double évolution des cours du rouble et du pétrole – mais surtout, le renforcement de l’Etat russe sur la scène internationale. Dés 2000, la Russie de Poutine affiche sa volonté de devenir un élément moteur – un « centre influent » – du futur monde multipolaire, en tant que « grande puissance ». Ainsi, comme le précise alors son Concept stratégique : « Les intérêts nationaux de la Fédération de Russie dans la sphère internationale consistent en la garantie de la souveraineté, dans la consolidation des positions de la Russie en tant que grande puissance et qu’un des centres influents du monde multipolaire (…) »58. Et, en définitive, la politique de restructuration radicale impulsée par V. Poutine a permis l’insertion de la Russie moderne au nouvel ordre international – en dépit du frein américain à son admission à l’OMC.

Dans ses grandes lignes, V. Poutine a recentré la politique étrangère russe d’une part, sur la défense de ses intérêts nationaux, élargis à l’espace post-soviétique – la CEI, considérée comme son espace politique – et d’autre part, sur le renforcement de son influence régionale, pour stabiliser son étranger proche. Et dans ce but, Poutine a axé sa politique sur le développement du complexe militaro-industriel et de la force nucléaire et, parallèlement, sur la modernisation de l’armée russe, trop longtemps négligée par le suivisme occidental de la ligne Eltsine. Cette orientation est confirmée par le président D. Medvedev, soulignant la nécessité d’améliorer la gestion opérationnelle des troupes et de les doter « d’équipements modernes ». Selon Medvedev, « les forces armées doivent tenir compte des menaces contemporaines, sans oublier celles qui appartiennent au passé mais persistent toujours (…) »59. On remarquera que, dans ce discours, est implicitement visée l’hégémonie politico-militaire américaine, porteuse de menaces latentes (qui « persistent toujours ») pour la stabilité de l’espace post-soviétique. Le 4/09/2009, le chef de la 12e direction générale du ministère de la Défense, le général Vladimir Verkhovtsev, a officiellement annoncé la modernisation de l’arsenal nucléaire russe : « Compte tenu des perspectives – y compris à long terme – du développement des troupes russes [...] il a été décidé de renouveler l’arsenal nucléaire du pays. Il s’agit de doter les forces armées de munitions nucléaires aux caractéristiques techniques et tactiques améliorées »60. Dans cette optique, le nucléaire redevient – dans le prolongement du soviétisme – une source majeure de la puissance politique de la Russie fédérale. Ainsi, selon l’aveu du président du Conseil russe pour la politique extérieure, Sergueï Karaganov, l’arme nucléaire constitue toujours « le fondement de l’influence politique et en partie économique de la Russie »61. On peut donc parler du « retour de l’Atome rouge », pour reprendre le titre d’un ancien article62 – en référence à la fonction politique de l’atome sous le régime communisme et à son utilisation par ce dernier comme vecteur de sa stratégie extérieure. Et le nucléaire a un rôle d’autant plus vital, qu’il permet un rééquilibrage des rapports de force internationaux initialement défavorables pour la Russie.

Le général Makhmout Gareev, président de l’Académie des sciences militaires de Moscou, lors de sa présentation des grandes lignes de la future doctrine militaire russe, le 20 janvier 2007, a précisé que « pour la Russie, étant donné un rapport des forces qui lui est extrêmement défavorable sur tous les axes stratégiques, l’arme nucléaire demeurera capitale, le plus sûr moyen de dissuasion stratégique d’une agression extérieure et le plus sûr moyen de garantir sa propre sécurité. »63 Cette fonction vitale de l’atome explique, en partie, l’opposition russe au projet américain d’implanter un bouclier anti-missiles dans l’Est européen – qui neutraliserait, à un certain degré, la puissance nucléaire russe et sa capacité de riposte à une première frappe. Mais une raison majeure de cette opposition est le sentiment de Moscou d’être visée par le bouclier américain – perçu par celle-ci comme un relent de Guerre froide. Sur ce point, le premier ministre russe, V. Poutine, a récemment affirmé que « Si nos partenaires américains renoncent à installer de nouveaux systèmes de combat en Europe, notamment leur bouclier antimissile en Europe, s’ils réexaminent leur approche concernant l’élargissement des blocs militaires ou, si à plus forte raison ils refusent totalement à de nouvelles adhésions, ce serait un grand pas en avant »64. Globalement, à travers ce recentrage sur l’atome, il s’agit pour Moscou de revenir vers une stratégie de projection de force, en vue d’afficher sa puissance et de dissuader toute velléité de puissances hostiles – percevant la faiblesse de la Russie post-impériale en transition, comme une opportunité stratégique. Et cela, d’autant plus que depuis 1992, l’Occident s’est octroyé un droit d’ingérence en zone post-soviétique, au nom de principes humanitaires et moraux discutables ou, alternativement, d’une aide au développement politiquement orientée.

Un autre objectif sous-jacent à l’ingérence occidentale est le contrôle des sources et des voies de transport énergétiques (gaz, pétrole) qui renforce le caractère stratégique de la région, notamment en Asie centrale – et menace la centralité russe sur la question énergétique. Le général Gareev prédit donc, dans un proche avenir, une véritable lutte pour les ressources : « Les facteurs écologiques et énergétiques constitueront, dans les dix ou quinze prochaines années, la principale cause des conflits politiques et militaires. » Et M. Gareev ajoute que « la lutte pour les ressources sera portée à son paroxysme, générant une confrontation politique et économique. On ne peut exclure, sur ce terrain, la possibilité d’une confrontation militaire. »65 La nouvelle doctrine de sécurité russe – publiée en mai 2009 – précise d’ailleurs que cette course pour le contrôle des sources énergétiques sera, à long terme, particulièrement intense dans les zones de la Caspienne et de l’Asie centrale – devenant, par ce biais, un facteur majeur d’instabilité géopolitique. De ce pont de vue, il semble logique que la nouvelle conception stratégique de l’Otan (prévue en 2010) envisage d’intégrer la variable énergétique comme un enjeu stratégique majeur66. Et le plus inquiétant est qu’aujourd’hui, l’Occident – sous la houlette américaine – n’hésite pas à sécuriser « ses » espaces stratégiques en zone post-soviétique via l’avancée de l’Otan et l’installation de bases militaires. En outre, auto-légitimée par la supériorité morale de l’idéologie libérale, Washington vise, depuis la fin de la Guerre froide, à étendre son influence idéologique en zone post-soviétique. Cela est réaffirmé, de manière claire, par R. Kagan : « La fin de la guerre froide a été considérée par les américains comme une occasion non pas de restreindre mais d’étendre leur influence, d’étendre l’alliance qu’ils dirigent vers l’Est en direction de la Russie (…), d’investir dans des régions du monde telles que l’Asie centrale »67. Ce faisant, cette offensive occidentale remet en cause le statut historiquement dominant de Moscou dans son pré-carré. Ce que l’orgueilleuse Russie ne sera jamais prête à accepter.

Globalement, le retour de l’Etat russe – et la réhabilitation de ses valeurs nationales – s’est traduit par un durcissement de sa politique étrangère. En effet, depuis la fin des années 90, Moscou doit faire face à la militarisation des relations internationales, impulsée par l’Amérique de G.W. Bush et dont l’unilatéralisme hautain a été ouvertement condamné par V. Poutine, en février 2007, dans son harangue anti-impérialiste de Munich – qui souligne un « mépris de plus en plus grand des principes fondamentaux du droit international » et rejette « l’emploi hypertrophié, sans aucune entrave , de la force – militaire – dans les affaires internationales, qui plonge le monde dans un abîme de conflits successifs ». Pour l’ancien président russe, cet expansionnisme exacerbé de la puissance américaine représente alors un « risque potentiel de déstabilisation des relations internationales (…) »68. Depuis la chute du communisme soviétique, le recours à la force a été institutionnalisé par Washington comme levier de sa politique étrangère car, comme l’admet R. Kagan, « une fois supprimé le frein que constituait la puissance soviétique, le pays était libre d’intervenir où il voulait (…) »69. Dans son essence, cette orientation a justifié la stratégie de puissance de la Russie fédérale, s’appuyant sur l’armée et son idéologie nationaliste – stratégie illustrée par les interventions en Tchétchénie et en Géorgie. Symboliquement, il fallait montrer que l’armée – et l’Etat – russe était « de retour » et au-delà, préserver l’unité de la nation russe autour d’une cause mobilisatrice.

Sous la présidence de Poutine – puis, à partir de mars 2009, sous celle de Medvedev – la politique extérieure russe s’est focalisée contre les menaces potentielles pesant sur ses intérêts nationaux et, notamment, dans sa zone de domination traditionnelle. Dans ce but, la Russie s’est efforcée de reconstruire le glacis sécuritaire hérité du soviétisme et permettant d’une part, de créer une profondeur stratégique et d’autre part, d’anticiper les menaces latentes des zones non contrôlées. Cela a justifié la création des alliances politico-militaires de l’OTSC et de l’OCS70. Un objectif implicite de ces alliances eurasiennes étant de freiner l’expansion de l’Occident – via le levier otanien – au cœur de l’espace post-soviétique et dans ce but, faire contre-poids au pouvoir croissant de l’Otan dans la région, qui dépasse sa zone de responsabilité. Cette volonté expansionniste de l’Otan – aspirant à devenir un gendarme mondial – a été dénoncée le 20/03/2009 par S. Riabkov, vice-ministre russe des Affaires étrangères : « Les activités de l’Alliance attestent qu’elle accorde une attention grandissante dans ses plans militaires à des problèmes surgissant à l’extérieur de sa zone de responsabilité traditionnelle. Il s’agit en fait d’une tentative de jouer un rôle mondial, et nous ne manquerons pas de prendre ce facteur en considération »71. Cette incertitude géopolitique croissante en périphérie russe, définie en 2009 par sa doctrine de sécurité nationale comme une « nouvelle menace », rendrait désormais possible l’émergence de conflits (potentiellement nucléaires) dans les régions frontalières. Et, de manière explicite, la stratégie de l’Otan est visée. Sur ce point, nous rejoignons l’analyse d’Isabelle Facon, qui rapporte que pour certains responsables russes, « la possibilité d’une guerre régionale majeure ne peut être exclue à l’heure actuelle. Or ce risque est rattaché notamment à des scénarios de crises potentielles avec l’Otan, en particulier dans l’environnement proche de la Fédération »72.

De tels scénarios ont été simulés par les exercices militaires « Zapad-1999″, centrés sur les capacités d’action de l’armée russe dans un conflit avec l’Otan, similaire à celui en Yougoslavie au printemps 1999. Ces manœuvres ont alors montré que la Russie ne pourrait repousser une attaque éventuelle de l’Otan, dans son étranger proche, qu’en recourant à l’arme nucléaire. Ce résultat a, par la suite, conduit la Russie à abaisser le seuil d’emploi de l’arme nucléaire en renonçant, de facto, à l’ancien engagement soviétique de ne pas y recourir la première. Désormais, dans la nouvelle vision stratégique russe, le nucléaire intègre – en dehors de sa fonction dissuasive – une fonction défensive et tactique, potentiellement utilisable dans des conflits régionaux et conventionnels, en cas d’impuissance des armes classiques. Et au-delà, le nucléaire devient un levier d’action en vue d’influer sur une situation géopolitique critique et in fine, il apparait comme une réponse ultime au renforcement et à l’ingérence croissante de l’Otan en zone post-soviétique. De ce point de vue, il semble logique que les récentes manœuvres conjointes russo-biélorusses « Zapad-2009″ aient eu pour objectif central « les préparatifs en cas de menace contre la stabilité stratégique dans la région de l’Europe orientale ».73

L’Otan, dont l’extension aux ex-alliés de la Russie communiste est perçue comme une provocation par Moscou, est toujours considérée comme le bras armé de l’Occident et manipulée à des fins politiques. Ainsi selon L. Ivachov, président de l’académie russe des problèmes géopolitiques : « l’Otan, sous couvert de ‘coopération avec la Russie’, progresse vers l’Est, crée des bases à proximité des frontières russes, fait adhérer de nouveaux membres »74. Dans son intervention de Munich de février 2007, V. Poutine s’est, avec légitimité, étonné de cet élargissement virtuellement dirigé contre la Russie : « l’OTAN rapproche ses forces avancées de nos frontières (…). Il est évident, je pense, que l’élargissement de l’OTAN n’a rien à voir avec la modernisation de l’alliance, ni avec la sécurité en Europe. Au contraire, c’est un facteur représentant une provocation sérieuse et abaissant le niveau de la confiance mutuelle. Nous sommes légitimement en droit de demander ouvertement contre qui cet élargissement est opéré. »75 Cette progression des infrastructures militaires de l’Otan, à la périphérie russe – ainsi que son aspiration à un « rôle global » – est perçue par Moscou, dans sa doctrine de sécurité, comme une menace et, à terme, comme un vecteur de déséquilibres. Mais le plus inquiétant est que cette offensive occidentale, principalement américaine – mais aussi, depuis peu, européenne, via un « partenariat oriental » proposé à 6 anciennes républiques soviétiques76 – s’appuie sur la manipulation politique des institutions du FMI et de la BM. Car désormais, ces dernières n’hésitent pas à proposer aux nouveaux Etats indépendants des orientations économiques politiquement non neutres – rompant avec la culture russe – et associées à une coopération étroite (dont militaire) ou à une aide financière conséquente77. En novembre 2008, le FMI a approuvé un programme de deux ans pour un total de 16,43 milliards de dollars ( !), afin de permettre à l’Ukraine de lutter – en théorie – contre les conséquences de la crise financière internationale. Mais il s’agit surtout, selon nous, d’empêcher une Ukraine fragilisée de retomber dans le giron russe.

Une voie alternative a été la création d’alliances politico-militaires ouvertement anti-russes, du type GUAM78, pour favoriser l’émancipation des ex-républiques soviétiques et en ce sens, montrer à la Russie que sa période impériale est définitivement terminée, notamment en Asie centrale. De retour d’un voyage dans cette région, William Burns, sous-secrétaire d’Etat américain et ancien ambassadeur des Etats-Unis à Moscou, a affiché son soutien à une véritable indépendance de l’Asie centrale – qui, à la base, exige une réduction de l’emprise politique de Moscou. Il a ainsi admis qu’un des objectifs de sa tournée « était de mettre en relief la nécessité de l’indépendance, de la souveraineté et de la stabilité économique pour ces pays qui font actuellement face à des problèmes très graves »79. Autrement dit, par le biais de stratégies économiques et politiques insidieuses, il s’agit – selon la ligne Brzezinski – de détacher les ex-républiques soviétiques de la domination russe et par ce biais, continuer le reflux ( »roll back ») de la puissance russe, pour in fine sanctionner de manière éclatante, sa défaite de la Guerre froide. Z. Brzezinski a reconnu la nécessité de bloquer toute velléité russe de reconquête en zone post-soviétique, en poursuivant le rapprochement avec les ex-républiques soviétiques de l’Asie centrale, cœur névralgique de l’ancien empire : « Ce qui est vraiment important est de créer un contexte géopolitique tel que le désir nostalgique (de la Russie : jg) de redevenir une grande puissance impériale aura moins de chances de se réaliser (…) ». Ce qui implique selon Brzezinski « d’instaurer des liens économiques plus nombreux et plus directs avec les pays d’Asie centrale en tant qu’exportateurs d’énergie (….) »80. D’autant plus que ce dernier est persuadé que « la domination coloniale russe sur l’Asie centrale est une chose du passé »81. L’Asie centrale est donc au cœur de la stratégie américaine de compression de la puissance russe, élaborée en phase de Guerre froide. Troublante inertie.

Globalement, le respect de l’intégrité territoriale – donc de la souveraineté – de l’Etat russe a été une des priorités de la ligne Poutine dans le but de retrouver sa crédibilité et son leadership en zone post-soviétique et à terme, de se construire un statut post-impérial. Car il s’agit d’abord de réhabiliter la « grandeur russe » en redonnant à Moscou son statut de puissance internationale, sur la base de ses valeurs eurasiennes. Et ce faisant, Poutine s’est appuyé sur une forme de nationalisme russe, centré sur la défense des valeurs ancestrales de « l’éternelle Russie » et structuré contre l’hostilité plus ou moins virtuelle de l’Occident, accusé de soutenir certaines velléités indépendantistes – notamment en Tchétchénie et dans le Caucase nord. En fait, cette capacité de l’Occident à réactiver les courants nationalistes s’inscrit dans le prolongement de la Guerre froide et aurait, autrefois, précipité l’implosion d’une URSS multi-ethnique. Ainsi, selon A. Zinoviev, « ce sont les démocraties occidentales qui ont fait des efforts de propagande surhumains, à l’époque de la guerre froide, pour réveiller les nationalismes. Parce qu’elles voyaient dans l’éclatement de l’URSS, le meilleur moyen de la détruire »82. Ces accusations sont reprises par le nouveau discours stratégique russe, relayé par le général Gareev et qui dénonce les manipulations extérieures conduites par un ennemi puissant : « les menaces internes, les plus dangereuses sont le terrorisme et le séparatisme, qui sont généralement attisés de l’extérieur et visent l’unité et l’intégrité territoriale de la Russie »83. Aujourd’hui, le président Medvedev s’inquiète de l’instabilité du Caucase et prône le renforcement de la lutte contre l’extrémisme et le terrorisme. Le 19/08/2009, il a reconnu qu’il y a « quelques temps, nous avons eu l’impression que la situation en matière de terrorisme dans le Caucase s’était sensiblement améliorée. Or, les récents événements montrent qu’il n’en est rien »84. V. Vassiliev, président du comité pour la Douma pour la sécurité, a récemment affirmé – le 17/07/2009 – que les « terroristes » dans les républiques nord-caucasiennes étaient « manipulés et financés de l’étranger »85. Le mythe stalinien de l’ennemi intérieur manipulé par l’extérieur est donc de retour. Et désormais, il est l’objet privilégié d’une instrumentalisation politique de la part des dirigeants russes. Car l’existence d’un « ennemi systémique », selon l’expression de J. Fontanel, est nécessaire à la régulation et au métabolisme de la société russe86 – autrement dit, à sa survie comme système social.

La nouvelle ambition russe

Ainsi, V. Poutine a réussi à redonner une forme de cohésion à l’Etat russe à partir d’une refonte politique et morale de la société. Mais cette renaissance de la Russie, porteuse d’une nouvelle idée nationale, a été permise par le renforcement des tendances autoritaires et centralisatrices intégrées au projet politique de V. Poutine et poursuivi par son successeur, D. Medvedev. Pour reprendre l’affirmation de V. Poutine dés l’année 2000 : « la clef de la renaissance et du relèvement de la Russie se trouve aujourd’hui dans la sphère politique »87. Dés son intronisation à la présidence, ce dernier s’est donné comme tâche prioritaire de réhabiliter l’idée russe – excessivement déformée par le régime eltsinien – pour redonner sa fierté au « grand peuple russe ». Et selon Poutine, « la nouvelle idée russe va se former comme un alliage, comme une union organique entre les valeurs humaines universelles et les richesses traditionnelles du peuple »88. De manière générale, ce projet radical s’inscrit dans la renaissance internationale de l’Etat russe – longtemps redoutée par la puissance américaine, dans la mesure où elle menace son système de domination unipolaire et en cela, ses intérêts géopolitiques. Cela a conduit J. Biden à exiger de la Russie de revenir à plus de réalisme et « de réviser considérablement les sphères de ses intérêts internationaux »89. Désormais, cette nouvelle ambition russe est perçue par Washington comme une forme de néo-impérialisme et surtout, selon Z. Brzezinski, elle attesterait du refus de Moscou d’accepter « la nouvelle réalité de l’espace post-soviétique »90 – autrement dit, l’ingérence américaine dans son ancien espace impérial. Mais la Russie ne tolèrera pas un tel diktat. Car, en dernière instance, il s’agit aussi pour elle de se relever de son trouble identitaire issu de sa période post-soviétique. Et, dans cette optique, son renforcement politique en zone post-soviétique est vital.

Dans ses grandes lignes, le trouble identitaire de la Russie a été aggravé d’une part, par les dérives de la transition post-communiste et d’autre part, par la politique structurellement anti-russe de l’administration Bush. Dans le même temps, la fédération de Russie a considérablement souffert des inerties de Guerre froide

manifestées par les institutions internationales et de leur tendance expansive, au cœur même de son espace politique et au mépris de ses intérêts. Cette opposition d’intérêts sera, pour la période future, un vecteur structurant de conflictualité et parallèlement, à l’origine de menaces non militaires et à dominante politique, économique ou informationnelle. Le général Gareev revient sur le caractère « non classique » (et détourné) de ces nouvelles menaces :  » ‘L’expérience’ de la désagrégation de l’URSS, de la Yougoslavie, des ‘révolutions colorées’ en Géorgie, en Ukraine, en Kirghizie et dans d’autres régions du monde est là pour nous convaincre que les principales menaces sont mises à exécution moins par des moyens militaires que par des moyens détournés. »91

Malgré tout, la Russie s’efforce de maintenir – parfois, par le soft power – sa stratégie d’influence en zone post-soviétique, radicalement fragilisée par la politique interventionniste de l’Occident et l’influence croissante de nouvelles puissances, comme la Chine, l’Inde, voire l’Iran et le Pakistan. « Dans ce contexte – précise T. Gomart – l’influence de la Russie se heurte non seulement à des obstacles internes à l’espace post-soviétique, mais aussi aux influences exercées par des puissances cherchant à prendre pied, selon des modalités différentes, dans tout ou partie de la zone. »92 Et désormais, Washington vise à isoler certains Etats de la zone post-soviétique de l’influence russe, par le biais de stratégies coopératives ou partenariales renforcées93 – comme l’attestent d’une part, le « partenariat stratégique » avec l’Ukraine et la « coopération militaire » avec la Géorgie et d’autre part, sa politique de rapprochement avec le Kirghizstan et l’Ouzbékistan (afin d’y réinstaller des bases militaires). D’une manière générale, il s’agit pour Washington de contrer toute tentative de retour russe dans son ancienne zone de domination. Et dans ce but, elle n’hésite pas à instrumentaliser l’Otan, dont le champ d’action stratégique selon Brzezinski, « est appelé à s’élargir à l’espace eurasien »94. Et plus inquiétant, ce dernier a revendiqué, en 2009, l’émergence d’une Otan globale – à l’échelle du monde – et dotée d’un contrôle centralisé des structures sécuritaires régionales. Car, au nom de sa destinée manifeste, l’Amérique s’est auto-proclamée gendarme international pour veiller sur l’Eurasie – donc, sur le monde – comme cela a été réitéré par H. Kissinger : « Au cours de la dernière décennie du XX° siècle, la prépondérance des Etats-Unis a assuré un rôle irremplaçable dans la stabilité du monde »95. Inquiétante certitude.

Un avenir radieux

Ainsi, la restructuration identitaire de la Russie post-communiste est conditionnée par l’évolution, dans l’espace eurasien, des rapports de force fondant le nouvel ordre international, structurellement dominé par l’idéologie libérale et le poids économique – donc politique – des puissances occidentales. Car ces dernières, en contrôlant les institutions financières majeures, verrouillent la gouvernance mondiale et en cela, la hiérarchie de l’ordre international qui lui est associé – hiérarchie qui définit le statut, donc le pouvoir géopolitique potentiel des différents Etats. Autrement dit, la renaissance russe est médiatisée, sur le plan international, par une structure de pouvoir informelle, fondée sur des considérations idéologiques et stratégiques. En ce sens, la réémergence mondiale finale de la Russie est soumise d’une part, à un enjeu idéologique majeur, centré sur l’opposition de visions du monde spécifiques et d’autre part, à un enjeu stratégique incontournable, centré sur l’opposition des intérêts nationaux des Etats leaders.

Aujourd’hui, après avoir retrouvé ses repères politico-psychologiques, la Russie de Medvedev s’efforce – malgré la crise systémique – d’achever sa reconstruction économique pour donner à son peuple, la prospérité tant espérée sous le communisme. Et selon l’expression de V. Poutine elle devra, à terme, « retrouver son chemin propre, sur la voie de la rénovation »96, tout en préservant ses valeurs eurasiennes. Après s’être longtemps égarée sur les chemins idéologiques de l’histoire, elle devra recentrer son projet économique sur l’homme et la dimension sociale du développement pour in fine donner, selon Gorbatchev, « une réelle impulsion au facteur humain »97 – objet constant des réformes de l’ancien modèle économique soviétique. Et, pour reprendre l’expression de Che Guevara, ultime défenseur d’un socialisme à visage humain, cela revient à « placer l’homme au centre »98. En cela, il s’agit de redonner sens au vieux rêve de l’ordre social soviétique, sur la voie de l’avenir radieux.

En définitive, il s’agit aussi de concentrer les efforts du peuple russe sur l’exécution d’un projet socio-économique spécifique, inspiré d’une « troisième voie » eurasienne, entre le plan socialiste et le libéralisme de marché. Autrement dit, pour la Russie du 21° siècle, le véritable enjeu est la construction d’un modèle alternatif de civilisation.

Notes :

1 « Défense : la Russie doit être suffisamment armée », D. Medvedev, 10/09/2009, www.fr.rian.ru.

2 Selon le rapport du Congrès américain, Washington aurait exporté, en 2008, pour 37,8 milliards de dollars d’armes contre seulement 3,5 milliards à la Russie. Autrement dit, elle vendrait 10 fois plus d’armes dans le monde que la Russie, renforçant ainsi sa première place internationale. Et surtout, sous la pression du lobby militaro-industriel américain, elle remporte une victoire spectaculaire dans la course aux armements initiée, depuis la Guerre froide, contre la Russie. Réf. : « Washington affirme avoir vendu dix fois plus d’armes que la Russie », Revue de la presse russe du 8 septembre, Gazeta.Ru/Izvestia/Komsomolskaïa pravda, 8/09/2009, www.fr.rian.ru.

3 « Elargissement de l’OTAN: le président russe conseille d’étudier les éventuelles conséquences », D. Medvedev, 2/04/2009, www.fr.rian.ru.

4 « Russie-USA : la lutte antiterroriste entravée par les divergences en ex-URSS », H. Pirchner, 09/09/2009, www.fr.rian.ru.

5 Dés le 8 décembre 1991, à Belovèje, prés de Minsk, les dirigeants de la Russie, de l’Ukraine et de la Biélorussie constatent officiellement que « l’URSS cessait d’exister en tant que sujet du droit international et en tant que réalité politique ». Réf. : Soulet J.F. (2000, pp. 223-224) : « L’Empire stalinien – L’URSS et les pays de l’Est depuis 1945″, éd. le Livre de poche.

6 Cette stratégie de déstabilisation, de division et d’érosion de la puissance russe est clairement prônée par Brzezinski, dans son fameux ouvrage, le Grand échiquier. Voir donc Brzezinski Z. (2000) : « Le grand échiquier – L’Amérique et le reste du monde », éd. Hachette (1° éd. : Bayard, 1997). Cette stratégie est reprise (et confirmée) dans 2 ouvrages récents de Brzezinski : « Le Vrai Choix », éd. Odile Jacob (2004) et « L’Amérique face au monde », éd. Pearson (2008).

7 Kagan R. (2006, p. 159) : « La puissance et la faiblesse », suivi de « Le revers de la puissance », éd. Hachette littératures, coll. Pluriel Actuel.

8 Zinoviev A. (1999, p. 91) : « La grande rupture – sociologie d’un monde bouleversé », éd. L’Age d’Homme.

9 « Moscou invite Washington à abandonner l’héritage de la guerre froide », MID (ministère russe des Affaires étrangères), 21/07/2009, www.fr.rian.ru.

10 On peut mentionner : l’extension de l’Otan, l’installation de bases américaines en Roumanie, en Bulgarie, au Kossovo, en Ouzbékistan et au Kirghizstan ; la déstabilisation de l’ex-Yougoslavie et l’indépendance (planifiée) du Kossovo ; l’implantation du système anti-missile ABM dans l’est-européen voire, à terme, dans les ex-républiques soviétiques ; les « révolutions » de couleur en Géorgie, en Ukraine et au Kirghizstan ; l’attitude hostile de l’Occident lors des crises tchétchène (depuis 1994), géorgienne (2008) et ukrainienne (2009) ; l’intervention occidentale croissante en zone post-soviétique et la construction de circuits énergétiques alternatifs, contournant la Russie… Sur l’ensemble de ces évolutions, on doit souligner l’influence déterminante du stratège de la Guerre froide, Z. Brzezinski, concepteur d’une stratégie anti-russe et aujourd’hui conseiller du président Obama.

11 Facon I. (2007, p. 10) : « Politique de défense : les débats sur la doctrine militaire et l’évaluation de la menace », Journées d’Etudes, in Actes du 2 octobre 2007 : « Le projet de puissance de la Russie : enjeux, réalités et implications stratégiques », Fondation pour la Recherche Stratégique.

12 « Obama entre idéalistes et pragmatiques », I. Krammik, 20/07/2009, www.fr.rian.ru. La fille de l’ancien vice-président D. Cheney a accusé Obama de « réviser l’histoire » lorsqu’il a affirmé que la guerre froide avait pris fin, de manière pacifique, du fait de la décision des ex-pays communistes, dont principalement l’Union soviétique.

13 Kissinger H. (2004, p. 467) : « La Nouvelle Puissance Américaine », éd. Fayard, le Livre de Poche.

14 « USA-Géorgie : pas de redémarrage avec Moscou aux dépens de Tbilissi », J. Biden, 23/07/2009, www.fr.rian.fr.

15 Brzezinski (2008, p. 186), op. cit.

16 Brzezinski, 2008, p. 191), op. cit.

17 Brzezinski, 2000, p. 141), op. cit.

18 De Tinguy A. (2007, p. 85) : « Espace post-soviétique : quelles sont les logiques de la politique russe ? », Journées d’Etudes, in Actes du 2 octobre 2007 : « Le projet de puissance de la Russie : enjeux, réalités et implications stratégiques », Fondation pour la Recherche Stratégique.

19 « La Russie répondra fermement en cas de menace contre ses intérêts nationaux », D. Medvedev, 24/07/2009, www.fr.rian.ru.

20 « Les Etats-Unis souhaitent une Russie puissante, pacifique et prospère », H. Clinton, 27/07/2009, www.fr.rian.ru.

21 Gomart T. – 2006, p. 8 – : « Quelle influence russe dans l’espace post-soviétique ? », Le courrier des pays de l’Est, n° 1055, mai-juin 2006 (pp. 4-13).

22 Au début des années 70, l’URSS aurait atteint, voir dépasser les Etats-Unis en termes de puissance nucléaire projetable. D’où, à l’époque, la nécessité pour Washington de définir une stratégie visant à épuiser l’économie soviétique et in fine, déstabiliser son régime politique.

23 Bensimon G. (1996, p. 259) : « Essai sur l’Economie Communiste », éd. L’Harmattan.

24 Gorbatchev M. (1990, p. 202) : « Perestroïka – Vues neuves sur notre pays et le monde », J’ai Lu ( 1ère éd.: 1988).

25 « Nucléaire : la bombe soviétique a permis d’éviter la 3° guerre mondiale », A. Brich, 29/08/2009, www.fr.rian.ru.

26 Cette primauté de la contrainte extérieure dans la politique soviétique est une thèse développée par Sokoloff. Voir donc Sokoloff G. (1976) : »L’Economie Obéissante – décisions politiques et vie économique en URSS », Calman-Levy.

27 Gorbatchev (1990, p. 300), op. cit.

28 Romer J.P. (2007, p. 25) : « Stratégie russe : ruptures et continuités », Journées d’Etudes, in Actes du 2 octobre 2007 : « Le projet de puissance de la Russie : enjeux, réalités et implications stratégiques », Fondation pour la Recherche Stratégique.

29 Marcou L. (1997, p. 17) : « Le crépuscule du communisme », Presses de Sciences Po.

30 Fassio F. (1991, p. 105) : « La nature du communisme selon Alexandre Zinoviev », éd. Arcane-Beaunieux.

31 Soulet (2000, p. 29), op. cit.

32 Lénine W.I. (1916) : « L’impérialisme, stade suprême du capitalisme », Moscou, éd. du Progrès.

33 Zinoviev A. (1983) : « Homo-soviéticus », Julliard/l’Age d’Homme.

34 Che Guevara E. (1965, p. 273) : « Le socialisme et l’homme à Cuba », tome 1.

35 Concept de sécurité nationale de la fédération de Russie (2000), Décret présidentiel n°24, 10 janv. 2000.

36 De Tinguy (2007, p. 83), op. cit.

37 Selon D. Medvedev, « les conditions pour le banditisme et l’extrémisme religieux ont été crées par la désintégration de l’Etat, ils plongent leurs racines dans l’organisation de notre vie, le chômage, la pauvreté (…) ». Réf. : « Les leçons de Beslan cinq ans après », M. Krans, 01/09/2009, www.fr.rian.ru.

38 Fedorovski V. (2007, p. 192) : « De Raspoutine à Poutine – les hommes de l’ombre », éd. Perrin

39 « Russie : les revenus de la population en chute libre », 31/08/2009, www.fr.rian.ru.

40 Marcou (1997, p. 112), op. cit.

41 Kagan (2006, p. 69), op. cit

42 En 1998, la croissance économique russe est encore de – 4,6 % avant d’amorcer une reprise en 1999 : + 5,4 %. Sources : GOSKOMSTAT et Banque Centrale de Russie.

43 De Tinguy (2007, p. 89), op. cit.

44 IDS : Initiative de défense stratégique. C’est un projet lancé le 23 mars 1983 par R. Reagan et destiné à créer un bouclier spatial anti-missiles, protégeant l’Amérique de la menace nucléaire soviétique. Ce programme a préfiguré l’actuel projet anti-missiles ABM, étendu à l’est-européen.

45 Zinoviev en a la preuve et affirme : « J’ai lu des documents, participé à des études qui, sous prétexte de combattre une idéologie, préparaient la mort de la Russie ». Réf. : Zinoviev (1999, pp. 89-90), op. cit.

46 Les dernières manœuvres provocantes de l’Otan, dans le cadre de ce partenariat – et avec la participation d’anciens Etats soviétiques – ont eu lieu en mai 2009 en Géorgie ( !), ex-république stratégique de l’URSS… A. Tsyganok, directeur du Centre de prévisions de l’Institut d’analyse politique et miliaire, a affirmé que ces manœuvres de l’Otan avaient « un caractère nettement anti-russe dans le contexte du conflit d’août dernier dans le Caucase du sud ». Réf. : « Russie-Otan : l’Alliance devrait annuler ses exercices en Géorgie », A. Tsyganok, 13/04/2009, www.fr.rian.ru.

47 « Moscou opposée à l’élargissement artificiel de l’Otan », S. Lavrov, 26/03/2009, www.fr.rian.ru.

48 « Otan : les Etats-Unis appuient le désir de l’Ukraine d’intégrer l’Alliance », J. Biden, 21/07/2009, www.fr.rian.ru.

49 « Biden à Tbilissi: Washington aidera la Géorgie à intégrer l’OTAN », 23/07/2009, www.fr.rian.ru.

50 « Les Etats-Unis prêts à réarmer la Géorgie », 24/07/2009, www.fr.rian.ru.

51 « Caucase : la Russie ne tolèrera aucune ‘aventure militaire’ « , V. Poutine, 26/08/2009, www.fr.rian.ru.

52 « En réalité, ‘l’action préventive’, c’est ce que l’administration Bush a fait en Irak, intervenir avant même que la décision de frapper ait été prise par une puissance potentiellement hostile, et peut être avant. » Réf. : Kagan (2006, p. 217), op. cit.

53 Cité par Kagan (2006, p. 239), op. cit.

54 Marcou (1997, p. 96), op. cit.

55 Mazet M. (2007, p. 153) : « La Russie et ses marges : nouvel empire ? », éd. Ellipses.

56 La chute du rouble et le krach financier – associés à la soumission politique de B. Eltsine à la volonté américaine de « démilitariser » la Russie – expliquent la réduction drastique du budget militaire : en 1999, il était de 20 fois inférieur (en dollars) à celui des Etats-Unis. Réf. : Loupan V. (2000, p. 166) : « Le Défi russe », éd. des Syrtes. Pour mémoire, rappelons que sous le régime soviétique, les dépenses d’armement étaient estimées entre 15 % (CIA américaine) et 25 % du PIB (E. Chevarnadzé, ancien ministre des affaires étrangères), soit entre trois et cinq fois le taux américain (5 % du PIB). Réf. : Soulet (2000, p. 162), op. cit.

57 Fedorovski (2007, p. 173), op. cit.

58 Concept de sécurité nationale de la fédération de Russie (2000), op. cit.

59 « Armée russe : Medvedev fixe les priorités », Rossiiskaïa gazeta, 21/07/2009, www.fr.rian.ru.

60 « La Russie modernisera son arsenal nucléaire », V. Verkhovtsev, 04/09/2009, www.fr.rian.ru.

61 « Charges nucléaires : le décalage de la Russie doit demeurer important », S. Karaganov, 1/07/2009, wwww.fr.rian.ru.

62 Géronimo J. (2007) : « Le retour de l’atome rouge’, Revue regard sur l’Est, 30/09/2007. Papier publié également (en russe) dans la revue biélorusse de géopolitique « Bechik », n° 2, 2008 (pp. 105-108), la Revue Eurasia, n° 4, 2009 et sur geostrategie.com.

63 Gareev M. (2007, p. 6) : « La Russie sera l’arbitre géopolitique des conflits à venir », 26/01/2007, www.voltairenet.org.

64 « ABM : le renoncement des Etats-Unis serait un ‘grand pas en avant’ « , V. Poutine, 03/07/2009, www.fr.rian.ru.

65 Gareev (2007, p. 3), op. cit.

66 « Quel nouveau concept stratégique pour l’Otan ? », F. Loukianov, 04/09/2009, www.fr.rian.ru.

67 Kagan (2006, p. 138), op. cit.

68 « La gouvernance unipolaire est illégitime et immorale », discours de V. Poutine à la conférence de Munich, 13/02/2007, www.voltairenet.org.

69 Kagan (2006, p. 46) op. cit.

70 Sous l’impulsion russe, le renforcement de l’alliance politico-stratégique OCS (Organisation de coopération de Shanghai) semble justifié et, selon une logique d’équilibre stratégique, adapté à l’avancée provocante de l’Otan en zone post-soviétique. L’organisation de Shanghai est une organisation régionale qui regroupe la Russie, la Chine, le Kazakhstan, la Kirghizie, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan. Elle a été crée à Shanghai les 14 et 15 juin 2001 par les présidents des six pays eurasiatiques. D’autre part, l’OTSC (Organisation du Traité de sécurité collective), regroupe actuellement sept Etats – Arménie, Biélorussie, Kazakhstan, Kirghizie, Tadjikistan, Russie et Ouzbékistan – qui couvrent près de 70% du territoire de l’ex-URSS. Elle est politiquement dominée par la Russie. Le traité de sécurité collective a été signé en 1992 et faisait alors figure de bras armé de la CEI, luttant notamment contre le terrorisme et la mafia ; par la suite, elle a étendu son action à la sphère politico-stratégique. Aujourd’hui, avec le déclin de la CEI, l’OTSC reste très active en Asie centrale et apparaît désormais comme le complément politico-militaire de la communauté économique eurasienne (CEEA), qui regroupe la Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan.

71 « Russie-Otan : Moscou dénonce les velléités expansionnistes de l’Alliance », S. Riabkov, 20/03/2009, www.fr.rian.ru.

72 Facon (2007, p. 10), op. cit.

73 « Zapad : 19 ans de manœuvres de grande envergure aux portes de l’Occident », I. Kramnik, 09/09/2009, www.fr.rian.ru.

74 « Otan-Russie : la reprise de la coopération ne profite qu’à l’Alliance », L. Ivachov, 29/06/2009, www.fr.rian.ru.

75 « La gouvernance unipolaire est illégitime et immorale », V. Poutine, 13/02/2007, op. cit.

76 Depuis 2009, l’Europe conduit une politique particulièrement active en zone post-soviétique, dans une région qu’elle appelle désormais « le voisinage partagé ». Par ce biais, elle s’octroie un droit de regard et d’intervention menaçant les prérogatives russes au cœur même de son espace historique.

77 Par exemple l’initiative de la dette PPTE (pour les pays pauvres et très endettés) proposée au Kirghizstan vise, de manière implicite, à déconnecter ce pays de l’influence (et de la culture) russe et à imposer un modèle libéral de développement. En quelque sorte, il s’agit de créer une nouvelle dépendance (politique) à l’égard de l’Occident. Sur ce thème, voir : Géronimo J. (2007) : ‘Les leviers d’une stratégie anti-russe’, Nouvelles Fondations – La Revue, n° 6, juillet 2007. Papier publié (en russe) dans la Revue « Obshestevennyi Reiting », Bichkek, Kirghizistan (19/04/2007) et www.cairn.info

78 GUAM (Géorgie, Ukraine, Azerbaïdjan, Moldavie) : alliance politique, économique et stratégique destinée à renforcer, hors de la tutelle russe, l’indépendance et la souveraineté de ses pays membres. En fait, cette alliance est une instrumentalisation américaine orientée contre la Russie

79 « Washington promouvra l’indépendance de l’Asie centrale », W. Burns, 24/07/2009, www.fr.rian.ru.

80 Brzezinski (2008, p. 199), op. cit.

81 Brzezinski (2004, p. 98), op. cit.

82 Zinoviev (1999, p. 103), op. cit.

83 Gareev (2007, p. 5), op. cit.

84 « Caucase du Nord : intensifier la lutte contre le terrorisme », D. Medvedev, 19/08/2009, www.fr.rian.ru.

85 « Caucase du Nord : les terroristes manipulés depuis l’étranger », V. Vassiliev, 17/07/2009, www.fr.rian.ru.

86 Fontanel J. (1998, p. 6) : « L’économie russe, ou la transition douloureuse » in « L’avenir de l’économie russe en question », PUG (sous la direction de).

87 Cité par Loupan (2000, p. 215), op. cit.

88 Cité par Loupan (2000, p. 214), op. cit.

89 « Les Etats-Unis souhaitent une Russie puissante, pacifique et prospère », 27/07/2009, www.fr.rian.ru.

90 Brzezinski (2008, p. 208), op. cit.

91 Gareev (2007, p. 4), op. cit.

92 Gomart (2006, p. 11), op. cit.

93 Les Etats (principalement) concernés sont: l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Géorgie, l’Ukraine, le Kirghizstan et, depuis peu, la Biélorussie qui s’est éloignée de Moscou.

94 Brzezinski (2004, p. 296), op. cit.

95 Kissinger (2004, p. 13), op. cit.

96 Cité par Loupan (2000, p. 212), op. cit.

97 Gorbatchev (1990, p. 33), op. cit.

98 « El Che en la revolucion cubana », La Habana, ediciones del Minaz, t. 6, p. 562.

Jean Geronimo : Docteur en Sciences économiques. Spécialiste de l’URSS et des questions russes. Mail : Jean.Geronimo@upmf-grenoble.fr


Bibliographie :

Sur l' " Héritage Soviétique " évoqué dans cet excellent article de Jean Geronimo , je vous conseille :

National Bolshevism  -Stalinist Mass Culture and the Formation of Modern Russian National Identity, 1931-1956 David Brandenberger - Harvard university Press .

Le " National- Bolchevisme " en question n'étant pas bien sûr celui de l'ahuri à lunettes Limonov .


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Rédigé par DanielB

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Publié le 19 Septembre 2009

Alors que les Etats-Unis tentent, depuis le 11 septembre 2001, d’ac- célérer leur projet de transformation du monde à l’image de la société démocratique et libérale rêvée par leurs pères fondateurs, les civilisations non occidentales se dres- sent sur leur chemin et affirment leur volonté de puissance.

La Russie, en particulier constitue un obstacle géopolitique majeur pour Washington. Elle entend défendre son espace d’influence et montrer au monde qu’elle est incontournable sur le plan énergétique.

L’un des auteurs classiques de la géopolitique, Halford J. Mackinder (1861- 1947), un amiral britannique, qui professa la géographie à Oxford, défendait comme thèse centrale que les grandes dynamiques géopolitiques de la planète s’ar- ticulaient autour d’un cœur du monde (heartland), l’Eurasie. Pivot de la politique mondiale que la puissance maritime ne parvenait pas à atteindre, l’Eurasie avait pour cœur intime la Russie, un Empire qui « occupait dans l’ensemble du monde la position stratégique centrale qu’occupe l’Allemagne en Europe ».

Autour de cet épicentre des secousses géopolitiques mondiales, protégé par une ceinture faite d’obstacles naturels (vide sibérien, Himalaya, désert de Gobi, Tibet) que Mackinder appelle le croissant intérieur, s’étendent les rivages du continent eurasiatique : Europe de l’Ouest, Moyen-Orient, Asie du Sud et de l’Est.

Au-delà de ces rivages, par-delà les obstacles marins, deux systèmes insulaires viennent compléter l’encadrement du heartland : la Grande-Bretagne et le Japon, têtes de pont d’un croissant plus éloigné auquel les États-Unis appartiennent.

Selon cette vision du monde, les puissances maritimes mondiales, les thalasso- craties que défend Mackinder, doivent empêcher l’unité continentale eurasiatique. Elles doivent donc maintenir les divisions est/ouest entre les principales puissances continentales capables de nouer des alliances (France/Allemagne, Allemagne/ Russie, Russie/Chine) mais aussi contrôler les rivages du continent eurasiatique.

Cette matrice anglo-saxonne, que l’on peut appliquer au cas de l’Empire britan- nique au XIXe siècle, comme à celui de la thalassocratie américaine au XXe siècle, reste un outil pertinent pour comprendre la géopolitique d’aujourd’hui.

La théorie de Mackinder nous rappelle deux choses que les thalassocraties anglo-saxonnes n’ont jamais oubliées : il n’y a pas de projet européen de puissance (d’Europe puissance) sans une Allemagne forte et indépendante (or l’Allemagne reste largement sous l’emprise américaine depuis 1945) ; il n’y pas d’équilibre mon- dial face au mondialisme américain sans une Russie forte.

L’Amérique veut l’Amérique-monde ; le but de sa politique étrangère, bien au- delà de la seule optimisation de ses intérêts stratégiques et économiques du pays, c’est la transformation du monde à l’image de la société américaine. L’Amérique est messianique et là est le moteur intime de sa projection de puissance. En 1941, en signant la Charte de l’Atlantique, Roosevelt et Churchill donnaient une feuille de route au rêve d’un gouvernement mondial visant à organiser une mondialisation libérale et démocratique. Jusqu’en 1947, l’Amérique aspira à la convergence avec l’URSS dans l’idée de former avec celle-ci un gouvernement mondial, et ce, mal- gré l’irréductibilité évidente des deux mondialismes américain et soviétique. Deux ans après l’effondrement européen de 1945, les Américains comprirent qu’ils ne parviendraient pas à entraîner les Soviétiques dans leur mondialisme libéral et ils se résignèrent à rétrécir géographiquement leur projet : l’atlantisme remplaça pro- visoirement le mondialisme.

Puis, en 1989, lorsque l’URSS vacilla, le rêve mondialiste redressa la tête et poussa l’Amérique à accélérer son déploiement mondial. Un nouvel ennemi global, sur le cadavre du communisme, fournissait un nouveau prétexte à la projection globale : le terrorisme islamiste. Durant la Guerre froide, les Américains avaient fait croître cet ennemi, pour qu’il barre la route à des révolutions socialistes qui se seraient tournées vers la Russie soviétique. L’islamisme sunnite avait été l’allié des Américains contre la Russie soviétique en Afghanistan. Ce fut le premier creuset de formation de combattants islamistes sunnites, la matrice d’Al Qaida comme celle des islamistes algériens… Puis il y eut la révolution fondamentaliste chiite et l’abandon par les Américains du Shah d’Iran en 1979. Le calcul de Washington fut que l’Iran fondamentaliste chiite ne s’allierait pas à l’URSS, contrairement à une révolution marxiste, et qu’il offrirait un contrepoids aux fondamentalistes sunnites. Dans le monde arabe, ce furent les Frères musulmans qui, d’Egypte à la Syrie, furent encouragés. Washington poussa l’Irak contre l’Iran, et inversement, suivant le principe du « let them kill themselves (laissez-les s’entretuer) » déjà appliqué aux peuples russe et allemand, afin de détruire un nationalisme arabe en contradiction avec les intérêts d’Israël. L’alliance perdura après la chute de l’URSS. Elle fut à l’œuvre dans la démolition de l’édifice yougoslave et la création de deux Etats mu- sulmans en Europe, la Bosnie-Herzégovine puis le Kosovo.

L’islamisme a toujours été utile aux Américains, tant dans sa situation d’allié face au communisme durant la Guerre froide, que dans sa nouvelle fonction d’en- nemi officiel depuis la fin de la bipolarité. Certes, les islamistes existent réellement ; ils ne sont pas une création imaginaire de l’Amérique ; ils ont une capacité de nuisance et de déstabilisation indéniable. Mais s’ils peuvent prendre des vies, ils ne changeront pas la donne de la puissance dans le monde.

La guerre contre l’islamisme n’est que le paravent officiel d’une guerre beaucoup plus sérieuse : la guerre de l’Amérique contre les puissances eurasiatiques.

Après la disparition de l’URSS, il est apparu clairement aux Américains qu’une puissance continentale, par la combinaison de sa masse démographique et de son potentiel industriel, pouvait briser le projet d’Amérique-monde : la Chine. La formidable ascension industrielle et commerciale de la Chine face à l’Amérique fait penser à la situation de l’Allemagne qui, à la veille de la Première Guerre mondiale, rattrapait et dépassait les thalassocraties anglo-saxonnes. Ce fut la cause première de la Première Guerre mondiale.

Si la Chine se hisse au tout premier rang des puissances pensent les stratèges américains, par la combinaison de sa croissance économique et de son indépendance géopolitique, et tout en conservant son modèle confucéen à l’abri du démo-cratisme occidental, alors c’en est fini de l’Amérique-monde. Les Américains peu- vent renoncer à leur principe de Destinée manifeste (Principle of Manifest Destiny) de 1845 ainsi qu’au messianisme de leurs pères fondateurs, fondamentalistes biblistes ou franc-maçons.

Alors que l’URSS venait à peine de s’effondrer, les stratèges américains orientèrent donc leurs réflexions sur la manière de contenir l’ascension de la Chine.

Sans doute comprirent-ils alors toute l’actualité du raisonnement de Mackinder. Les Anglo-Saxons avaient détruit le projet eurasiatique des Allemands, puis celui des Russes ; il leur fallait abattre celui des Chinois. Une nouvelle fois la Mer voulait faire pièce à la Terre.

La guerre humanitaire et la guerre contre le terrorisme seraient les nouveaux prétextes servant à masquer les buts réels de la nouvelle grande guerre eurasiatique : la Chine comme cible, la Russie comme condition pour emporter la bataille.

La Chine comme cible parce que seule la Chine est une puissance capable de dépasser l’Amérique dans le rang de la puissance matérielle à un horizon de vingt ans. La Russie comme condition parce que de son orientation stratégique découlera largement l’organisation du monde de demain : unipolaire ou multipolaire.

Face à la Chine, les Américains entreprirent de déployer une nouvelle stratégie globale articulée sur plusieurs volets1 :

- L’extension d’un bloc transatlantique élargi jusqu’aux frontières de la Russie et à l’ouest de la Chine.

- Le contrôle de la dépendance énergétique de la Chine.

- L’encerclement de la Chine par la recherche ou le renforcement d’alliances avec des adversaires séculaires de l’Empire du Milieu (les Indiens, les Vietnamiens, les Coréens, les Japonais, les Taïwanais…).

- L’affaiblissement de l’équilibre entre les grandes puissances nucléaires par le dé- veloppement du bouclier anti-missiles.

- L’instrumentalisation des séparatismes (en Serbie, en Russie, en Chine, et jusqu’aux confins de l’Indonésie) et le remaniement de la carte des frontières (au Moyen-Orient arabe).

Washington a cru, dès 1990, pouvoir faire basculer la Russie de son côté, pour former un vaste bloc transatlantique de Washington à Moscou avec au milieu la périphérie européenne atlantisée depuis l’effondrement européen de 1945. Ce fut la phrase de George Bush père, lequel en 1989 appelait à la formation d’une alliance « de Vladivostok à Vancouver » ; en somme le monde blanc organisé sous la tutelle de l’Amérique, une nation paradoxalement appelée, par le contenu même de son idéologie, à ne plus être majoritairement blanche à l’horizon 2050.

L’extension du bloc transatlantique est la première dimension du grand jeu eu- rasiatique. Les Américains ont non seulement conservé l’OTAN après la disparition du Pacte de Varsovie mais ils lui ont redonné de la vigueur : premièrement l’OTAN est passé du droit international classique (intervention uniquement en cas d’agression d’un Etat membre de l’Alliance) au droit d’ingérence. La guerre contre la Serbie, en 1999, a marqué cette transition et ce découplage entre l’OTAN et le droit international. Deuxièmement, l’OTAN a intégré les pays d’Europe centrale et d’Europe orientale. Les espaces baltique et yougoslave (Croatie, Bosnie, Kosovo) ont été intégrés à la sphère d’influence de l’OTAN. Pour étendre encore l’OTAN et resserrer l’étau autour de la Russie, les Américains ont fomenté les révolutions colorées (Géorgie en 2003, Ukraine en 2004, Kirghizstan en 2005), ces retourne- ments politiques non violents, financés et soutenus par des fondations et des ONG américaines, lesquelles visaient à installer des gouvernements anti-russes. Une fois au pouvoir, le président ukrainien pro-occidental demanda naturellement le départ de la flotte russe des ports de Crimée et l’entrée de son pays dans l’OTAN. Quant au président géorgien il devait, dès 2003, militer pour l’adhésion de son pays dans l’OTAN et l’éviction des forces de paix russes dédiées depuis 1992 à la protection des populations abkhazes et sud-ossètes.

À la veille du 11 septembre 2001, grâce à l’OTAN, l’Amérique avait déjà étendu fortement son emprise sur l’Europe. Elle avait renforcé l’islam bosniaque et albanais et fait reculer la Russie de l’espace yougoslave.

Durant les dix premières années post-Guerre froide, la Russie n’avait donc cessé de subir les avancées américaines. Des oligarques souvent étrangers à l’intérêt na- tional russe s’étaient partagés ses richesses pétrolières et des conseillers libéraux pro- américains entouraient le président Eltsine. La Russie était empêtrée dans le conflit tchétchène, remué largement par les Américains comme d’ailleurs l’ensemble des abcès islamistes. Le monde semblait s’enfoncer lentement mais sûrement dans l’ordre mondial américain, dans l’unipolarité.

En 2000, un événement considérable, peut-être le plus important depuis la fin de la Guerre froide (plus important encore que le 11 septembre 2001) se produi- sit pourtant : l’accession au pouvoir de Vladimir Poutine. L’un de ces retourne- ments de l’histoire qui ont pour conséquences de ramener celle-ci à ses fondamen- taux, à ses constantes.

Poutine avait un programme très clair : redresser la Russie à partir du levier énergétique. Il fallait reprendre le contrôle des richesses du sous-sol des mains d’oligarques peu soucieux de l’intérêt de l’Empire. Il fallait construire de puissants opérateurs pétrolier (Rosneft) et gazier (Gazprom) russes liés à l’Etat et à sa vision stratégique. Mais Poutine ne dévoilait pas encore ses intentions quant au bras de fer américano-chinois. Il laissait planer le doute. Certains, dont je fais d’ailleurs partie puisque j’analysais à l’époque la convergence russo-américaine comme passagère et opportune (le discours américain de la guerre contre le terrorisme interdisait en effet momentanément la critique américaine à propos de l’action russe en Tchétchénie), avaient compris dès le début que Poutine reconstruirait la politique indépendante de la Russie ; d’autres pensaient au contraire qu’il serait occidentaliste. Il lui fallait en finir avec la Tchétchénie et reprendre le pétrole. La tâche était lourde. Un symp- tôme évident pourtant montrait que Poutine allait reprendre les fondamentaux de la grande politique russe : le changement favorable à l’Iran et la reprise des ventes d’armes à destination de ce pays ainsi que la relance de la coopération en matière de nucléaire civil.

Pourquoi alors l’accession de Poutine était-elle un événement si considérable ? Sans apparaître à l’époque de manière éclatante, cette arrivée signifiait que l’uni- polarité américaine, sans la poursuite de l’intégration de la Russie à l’espace tran- satlantique, était désormais vouée à l’échec, et avec elle, par conséquent, la grande stratégie visant à briser la Chine et à prévenir l’émergence d’un monde multipolaire.

Au-delà encore, nombre d’Européens ne perçurent pas immédiatement que Poutine portait l’espoir d’une réponse aux défis de la compétition économique mondiale fondée sur l’identité et la civilisation. Sans doute les Américains, eux, le comprirent-ils mieux que les Européens de l’Ouest. George Bush n’en fit-il pas l’aveu lorsqu’il avoua un jour qu’il avait vu en Poutine un homme habité profondé- ment par l’intérêt de son pays ?

Le 11 septembre 2001 offrit pourtant l’occasion aux Américains d’accélérer leur programme d’unipolarité. Au nom de la lutte contre un mal qu’il avaient eux- mêmes fabriqués, ils purent obtenir une solidarité sans failles des Européens (donc plus d’atlantisme et moins « d’Europe puissance »), un rapprochement conjonctu- rel avec Moscou (pour écraser le séparatisme tchétchéno-islamiste), un recul de la Chine d’Asie centrale face à l’entente russo-américaine dans les républiques musul- manes ex-soviétiques, un pied en Afghanistan, à l’ouest de la Chine donc et au sud de la Russie, et un retour marqué en Asie du Sud-est.

Mais l’euphorie américaine en Asie centrale ne dura que quatre ans. La peur d’une révolution colorée en Ouzbékistan poussa le pouvoir ouzbek, un moment tenté de devenir la grande puissance d’Asie centrale en faisant contrepoids au grand frère russe, à évincer les Américains et à se rapprocher de Moscou. Washington per- dit alors, à partir de 2005, de nombreuses positions en Asie centrale, tandis qu’en Afghanistan, malgré les contingents de supplétifs qu’elle ponctionne à des Etats européens incapables de prendre le destin de leur civilisation en main, elle continue de perdre du terrain face à l’alliance talibano-pakistanaise, soutenue discrètement en sous-main par les Chinois qui veulent voir l’Amérique refoulée d’Asie centrale.

Les Chinois, de nouveau, peuvent espérer prendre des parts du pétrole kazakh et du gaz turkmène et construire ainsi des routes d’acheminement vers leur Turkestan (le Xinjiang). Pékin tourne ses espoirs énergétiques vers la Russie qui équilibrera à l’avenir ses fournitures d’énergie vers l’Europe par l’Asie (non seulement la Chine mais aussi le Japon, la Corée du Sud, l’Inde…).

Le jeu de Poutine apparaît désormais au grand jour. Il pouvait s’accorder avec Washington pour combattre le terrorisme qui frappait aussi durement la Russie. Il n’avait pas pour autant l’intention d’abdiquer quant aux prétentions légitimes de la Russie : refuser l’absorption de l’Ukraine (car l’Ukraine pour la Russie c’est une nation sœur, l’ouverture sur l’Europe, l’accès à la Méditerranée par la mer Noire grâce au port de Sébastopol en Crimée) et de la Géorgie dans l’OTAN. Et si l’indé- pendance du Kosovo a pu être soutenue par les Américains et des pays de l’Union européenne, au nom de quoi les Russes n’auraient-ils pas le droit de soutenir celles de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie, d’autant que les peuples concernés eux-mêmes voulaient se séparer de la Géorgie ?

Mackinder avait donc raison. Dans le grand jeu eurasiatique, la Russie reste la pièce clé. C’est la politique de Poutine, bien plus que la Chine (pourtant cible première de Washington car possible première puissance mondiale) qui a barré la route à Washington. C’est cette politique qui lève l’axe énergétique Moscou (et Asie centrale)-Téhéran-Caracas, lequel pèse à lui seul 1⁄4 des réserves prouvées de pétrole et près de la moitié de celles de gaz (la source d’énergie montante). Cet axe est le contrepoids au pétrole et au gaz arabes conquis par l’Amérique. Washington voulait étouffer la Chine en contrôlant l’énergie. Mais si l’Amérique est en Arabie Saoudite et en Irak (1ère et 3e réserves prouvées de pétrole), elle ne contrôle ni la Russie, ni l’Iran, ni le Venezuela, ni le Kazakhstan et ces pays bien au contraire se rapprochent. Ensemble, ils sont décidés à briser la suprématie du pétrodollar, socle de la centralité du dollar dans le système économique mondial (lequel socle permet à l’Amérique de faire supporter aux Européens un déficit budgétaire colossal et de renflouer ses banques d’affaires ruinées).

Nul doute que Washington va tenter de briser cette politique russe en conti- nuant à exercer des pressions sur la périphérie russe. Les Américains vont tenter de développer des routes terrestres de l’énergie (oléoducs et gazoducs) alternatives à la toile russe qui est en train de s’étendre sur tout le continent eurasiatique, irri- guant l’Europe de l’Ouest comme l’Asie. Mais que peut faire Washington contre le cœur énergétique et stratégique de l’Eurasie ? La Russie est une puissance nucléaire. Les Européens raisonnables et qui ne sont pas trop aveuglés par la désinformation des médias américains, savent qu’ils ont plus besoin de la Russie qu’elle n’a besoin d’eux. Toute l’Asie en croissance appelle le pétrole et le gaz russe et iranien.

Dans ces conditions et alors que la multipolarité se met en place, les Européens feraient bien de se réveiller. La crise économique profonde dans laquelle ils semblent devoir s’enfoncer durablement conduira-t-elle à ce réveil ? C’est la conséquence po- sitive qu’il faudrait espérer des difficultés pénibles que les peuples d’Europe vont endurer dans les décennies à venir.

Note :

1. CHAUPRADE, Aymeric, Géopolitique,constantes et changements dans l’histoire, Ellipses, 3e édition, 2007.

Professeur de géopolitique à l’Ecole de Guerre entre 1999 et 2009 et professeur à l’Université de Neuchâtel.

Source : strategics.international ( PDF ) via geostrategie.com



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Rédigé par DanielB

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Publié le 18 Septembre 2009

La Russie a mené au mois d'aout 2009 les manoeuvres " LAGODA 2009 " dans la Mer Baltique et au début de ce mois ( 09 septembre ) les manoeuvres " ZAPAD 2009 " .
Les manoeuvres LAGODA 2009 que je n'ai pas pu commenter étant absent étaient basées sur des scénari compreanant la protection d'un " corridor énergetique " dans la Baltique et on ne peut que penser qu'au futur gazoduc " Nord-Stream" .
Voici l'article de Ilia Kramnik de Ria Novosti commentant les exercices ZAPAD 2009 .
La Russie et la Biélorussie ont lancé des manoeuvres conjointes de grande envergure menées avec des effectifs et un arsenal très importants : 12.500 militaires, plus de 220 chars, près de 470 véhicules blindés, 230 pièces d'artillerie, mortiers et lance-roquettes multiples, un grand nombre de véhicules auxiliaires, des navires de guerre des flottes du Nord, de la mer Baltique et de la mer Noire, ainsi que 60 avions et 40 hélicoptères. Les services spéciaux et les organes de justice des deux pays prendront également part aux exercices. 

Zapad: 19 ans de manoeuvres de grande envergure aux portes de l'Occident



Selon le communiqué, l'objectif des manoeuvres réside dans "les préparatifs en cas de menace contre la stabilité stratégique dans la région de l'Europe orientale". La partie russe est représentée par des unités de la 20e armée de la région militaire de Moscou, des groupements opérationnels du commandement général des forces aériennes, les commandements de l'aviation de transport militaire et des troupes aéroportées, y compris des unités de la 98e division de ces mêmes troupes. Les exercices prévoient notamment un lâcher de 600 parachutistes accompagnés de véhicules blindés.  

Les exercices se concentreront non seulement sur la réalisation des objectifs de combat, mais aussi sur le commandement de nouveaux groupements et unités actuellement en cours de création dans le cadre de la réforme militaire. La gestion des opérations est confiée aux chefs des états-majors généraux russe et biélorusse, le général d'armée Nikolaï Makarov et le lieutenant général Sergueï Gouroulev.

Les exercices porteront également sur la mobilisation de réservistes et de matériel, ainsi que sur le transfert de troupes à de grandes distances grâce à différents moyens de transport. Tout cela constitue une partie intégrante des conflits contemporains qui exigent manoeuvres actives de forces, y compris à l'échelle mondiale.   

Le volet maritime des manoeuvres, qui se tiendra en mer Baltique, sera dirigé par le vice-amiral Viktor Tchirkov, commandant par intérim de la Flotte de la mer Baltique et chef de son état-major. Les manoeuvres navales réuniront des navires de guerre, notamment les frégates récemment construites Neoustrachimy et Iaroslav Moudry, l'aviation maritime et des unités de fusiliers marins, y compris celles des navires de débarquement des flottes du Nord et de la mer Noire.

L'envergure des exercices Zapad-2009 n'est pas sans rappeler celle des manoeuvres soviétiques Zapad-81, organisées du 4 au 12 septembre 1981. D'une durée plus limitée, les exercices Zapad-81 avaient toutefois engagé un nombre sans précédent de militaires et de véhicules. Ces manoeuvres portaient sur l'offensive des forces soviétiques et alliées en cas d'une éventuelle guerre avec l'OTAN.

De  nouveaux exercices portant le nom Zapad ne s'étaient déroulés qu'en 1999. Ces derniers étaient concentrés sur des actions possibles de l'armée russe en cas de conflit avec l'OTAN similaire à celui en Yougoslavie au printemps 1999. Les résultats des manoeuvres avaient alors montré que la Russie ne serait en mesure de repousser une agression éventuelle de l'Occident qu'en recourant à l'armement nucléaire, ce qui s'est soldé par un nombre de modifications significatives des schémas d'utilisation de ses armes, notamment des engins tactiques. La Russie a rabaissé le "seuil d'utilisation" de l'armement nucléaire, en renonçant de fait à l'engagement soviétique de ne pas y recourir la première.

Les exercices actuels ne revêtent pas de caractère manifestement "anti-occidental", mais leur "légende" tient sans doute compte des relations assez compliquées entre la Russie et les pays d'Europe orientale, ainsi que de la possibilité de déclenchement de différents conflits locaux dans la région. Bref, l'objectif des manoeuvres réside toujours non seulement dans l'entraînement des troupes et la formation des militaires, mais aussi dans la démonstration des capacités d'influer sur la situation, y compris par l'emploi de la force militaire.

Liens :
Les entraînements avant les exercices Zapad 2009 - Reportage photo de Ria Novosti

 

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Rédigé par DanielB

Publié dans #Defense

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Publié le 18 Septembre 2009

Le MAE Finlandais Alexander Stubb vient de présenter son point de vue sur la " sécurité énergétique transatlantique  " sur son site web .[ 1 ]
Bien que centré sur le " dialogue transatlantique " dans le cadre des discussions energétiques et climatiques ,  la Russie et l'arctique y tiennent une place importante  .
Cet  appel récurrent au " dialogue transatlantique " confirme le tropisme pro-atlantiste de plus en plus pronnoncé des chefs politiques Finlandais , et on le verra des chefs (politco)-militaires .

La Russie

La Russie est apellée à rester un des fournisseurs énergétiques principaux de l'UE dans un avenir proche et celle ci devra donc poursuivre sa coopération dans ce domaine .
La Finlande regrette que la Russie n'ait pas ratifié  la Charte Energétique Européenne et l'Union Européenne doit établir des régles claires dans ce domaine avec la Russie en poursuivant les négociations .[ 2 ]
Cette recomamndation est établie dans le paragraphe " Nous devons transformer la politique énergétique en une interdependance positive plutôt qu'en rivalité "  et aprés l'énoncé des régles qui doivent réguler les marchés énergétiques .

Bien que non nommément citée , la recommandation suivante concerne globalement les relations énergétiques Eu- Russie et Finlande-Russie . La Finlande va donner bientôt son avis environnemental sur la pose du gazoduc Nord-Stream dans ses eaux territoriales .
Le secteur énergétique est celui qui nécessite , depuis la prospection jusqu' à la distribution , les plus forts investissements financiers et requiert donc une coopération internationale . Ce secteur posséde un grand potentiel de coopérations internationales et ne doit pas se transformer en source de rivalités entre les principaux acteurs globaux même si les analyses comme celle de Global Trends 2005 en font un des " points chauds " du monde de demain .[ 3 ]

La Russie est citée comme un des partenaires essentiels de l'axe UE-US , avec la Chine et l'Inde , pour parvenir à un accord global sur le climat à la conférence de Copenhague .Toutefois pour M.Stubb , l'axe Euro-Atlantique va être essentiel pour arriver à cet accord .

Lors de sa rencontre avec le premier ministre Finlandais Matti Vanhanen à Helsinki le 3 juin dernier , le premier ministre Russe Vladimir Poutine a assuré à son homologue que la Russie serait un partenaire fiable de la Finlande en ce qui concerne les livraisons de produits énergetiques . [ 11 ]
M. Alexander Stubb a récemment critiqué dans la presse Finlandaise  la gestion par l'Allemagne et la Russie du dossier " Nord-Stream" [ 12 ] .

Pour le Ministre de la défense Finlandais la Russie reste un " triple défi sécuritaire"

Nous avons déja vu la position du Danemark et de la Norvége  face à la présence Russe dans l'arctique .[ 4 ]
C'est au tour du ministre de la défense  Finlandais Jyri Häkämies de s'exprimer .
Alors qu'il s'est rendu pour une visite aux Etats-Unis cette semaine  , il a accordé une interview au magazine Hesingin Sanomat [ 5 ] ou il affirme que ce qu'il avait déclaré il y a deux ans , toujours lors d'une visite aux Etats-Unis , reste valable : La Russie est un " défi " pour la sécurité de la Finlande sur trois points ( Les trois principaux points de notre sécurité sont * Russie , Russie et Russie * "  )  [ 6 ]
Au mois de janvier 2009 le gouvernement Finlandais avait publié un livre blanc sur la défense dans lequel la Russie restait le principal souci de préoccupation sécuritaire de la Finlande .[ 7 ]
L'option d'une intégration à l'Alliance restait à l'étude mais celle-ci ne se ferait que dans le cadre d'un consensus national .

L'Arctique

Pour M.Stubb les changements climatiques sont partie intégrantes de la sécurité énergetique . L'arctique y joue un rôle focal .

1- L'arctique est l'endroit de la planète ou s'entremêlent le plus les questions énergétiques et environnementales .
L'arctique regorge des réserves énergétiques non-exploitées parmis les plus importantes de la planète et les changements climatiques vont rendre leur exploitation plus aisée , quoique ces changements climatiques peuvent générer de sérieux problèmes si le permafrost venait à fondre [ 8  ]

2 - Les changements climatiques fragilisent l'arctique avec des dégradations environnementales et des défis politiques et sociétaux .

3- Pour la Finlande , le point essentiel est qu'il ne doit pas y avoir de nouveau " Grand Jeu " dans l'arctique au sujet des ressources de cette région . Les postures nationalistes et la " Ruée  à l'Arctique " doivent être évitées au profit d'un dialogue dans les organismes multilatéraux : Si elles sont respectées , les décisions de la Convention des Nations-Unies sur le Droit de la Mer sont suffisantes pour résoudre les revnadications territoriales . Si il reçoit un appui politique adéquat , le Conseil Arctique devrait être le forum intergouvernemental adéquat pour faire avancer les dossiers politiquement . Il n'y a pas lieu de se livrer à une compétition et il n' y a pas lieu de * réinventer la roue * : Tous les mécanismes sont déja en place .

Ce dernier point est le plus intéressant alors que M.Stubb devra publier la semaine prochaine la doctrine arctique Finlandaise .
Il y a tout d'abord la référence directe à la géopolitique du XIX eme siècle à travers laquelle le dossier arctique est le plus souvent analysé ( y compris par moi-même ) : Le " Grand Jeu " ou la rivalité Anglo-Russe en Asie centrale et la "Ruée vers l'Afrique " .
" Ne pas réinventer la roue " est un magnifique camouflet à la Weltanschaung Rocardienne , qui est aussi celle de Scott Borgerson du Council on Foreign Relations [ 10 ] , qui veut imposer une " gouvernance mondiale " à l'arctique ou sur certains secteurs .
L'ex maire de Conflans Sainte-Honorine devenu " ambassadeur polaire " voit ainsi  ses positions démonétisées sur la scéne internationale , et par la " nation arctique " Européenne par excellence avec le Danemark .
Mais Michel Rocard a t'il encore une quelconque " valeur " sur la scéne internationale pour être démonétisé ?
On peut se poser des questions sur l'expression " appui politique adéquat " ( proper political backing ) employé à propos du Conseil Arctique alors que l'UE y a été débouté d'un statut de membre observateur et que M.Stubb place l'UE , dans le cadre de l'axe transatlantique , au premier rang pour la résolution des problémes climatiques et énergétiques . La position " chiite " de l'UE sur la commercialisation des produits issuse de la chasse au phoque aurait pu être revue à l'aune de ces enjeux qui vont se décider , comme le souhaite M.Stubb , dans le cadre de l'organisme circumpolaire .
La référence à l'UNCLOS est aussi un appel du pied à l' " ami Américain " pour que le Sénat US ratifie l'accord de Montego Bay .Mais comme c'est un " ami " , il faut le lire entre les lignes .........

Liens :
[ 1 ]
TRANSATLANTIC ENERGY SECURITY - THE CONCEPT AND THE MESSAGE" TRANSATLANTIC ENERGY SECURITY DIALOGUE, HOUSE OF THE ESTATES 16 September 2009
[ 2 ] Russie-UE: Moscou renonce à la Charte énergétique (Izvestia) - Article de Ria Novosti du 25 mai 2009 .
[ 5 ] Häkämies: Russia remains key security challenge for Finland -
[ 6 ]
Häkämies in Washington: Russia Finland's greatest challenge
[ 8  ]
Réchauffement climatique: Le Nord de la Russie menacé de cataclysme (MSU) - Article de Ria Novosti du 19 juin 2008 .
[ 11 ]
Communiqué de presse conjoint ( Ru )
[ 12 ] Foreign Minister Critical of Russian-German Pipeline Plan - Article de YLE du 2 septembre 2009 .


Articles associés :
[ 3 ]
Global Trends 2025 et l'arctique  ( C'est le rapport auquel M.Stubb fait référence : NIC Global Trends )
Sa suffisance Alexandre " Triple-Crême " Adler vient d'en publier un digest ( indigeste ! ) en Français .
[ 4 ]
La Russie dans l'arctique : Menace ou pas ?
[ 7 ] Rapport sur la défense Finlandais .
[ 9  ] ATTENTION CHEF D'OEUVRE !

[ 10 ] Vers un changement de la politique Etasunienne dans l'arctique ?

Articles sur d'autres sites :

Finlande et Carélie (russe?) sur EGEA .

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Rédigé par DanielB

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